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PRESIDENTIELLE CONGOLAISE


L’alternance victime du nombrilisme de Tshisékédi et de Kamerhe

Au terme de pourparlers qui se sont tenus à l’Hôtel Serena de Nairobi entre Félix Tshisékédi et Vital Kamerhe, les deux hommes se sont mis d’accord pour présenter un seul candidat à la présidentielle du 23 décembre prochain. Ainsi, Kamerhe s’est désisté au profit de Félix Tshisékédi. En contrepartie, l’ancien président de l’Assemblée nationale a reçu la garantie, en cas de victoire, d’exercer la fonction de chef de gouvernement. Et ce n’est pas tout. En effet, au bout de cinq ans, les deux hommes inverseront les rôles. Donc, l’accord couvre une période de dix ans. Dans le principe, cette alliance n’est pas une mauvaise chose dans la perspective de l’alternance, mais au fond, elle peut être décryptée comme un grand gâchis. En effet, si ces deux hommes avaient eu le nez creux et l’élégance de former un bloc autour de Martin Fayulu, ils auraient apporté leur pierre à la mise en place d’un front en béton armé face au candidat du pouvoir, c’est-à-dire, Emmanuel Ramazani Shadary. Mais hélas, peut-on s’exclamer !

Ils ont montré toute l’étendue de leur nanisme politique et de leur égoïsme

En choisissant, en toute conscience, de revenir sur leur signature apposée à Genève récemment pour in fine constituer un ticket, Tshisékédi et Kamerhe ont pris la responsabilité devant l’histoire de renvoyer aux calendes bantous la légitime aspiration du peuple congolais à l’alternance démocratique. Et cette attitude vient confirmer la logique égoïste qui leur colle à la peau. Et il n’est pas exagéré de dire que la RDC compte une kyrielle d’opposants mais peu sont en mesure d’étancher la grande soif de changement du peuple congolais. En tout cas, Tshisékédi et Kamerhe viennent, par leur attitude, d’en apporter la preuve. En réalité, c’est maintenant que s’étale au grand jour la raison pour laquelle ils ont fait l’option de torpiller l’accord de Genève. Chacun d’eux avait fait le déplacement de la Suisse dans le secret espoir que le choix de l’opposition portera sur sa personne. Et ils ont été confortés dans cette conviction depuis que les résultats du sondage les avaient placés en bonne position, loin devant le candidat de Joseph Kabila. D’ailleurs, Félix Tshisékédi n’a pas manqué d’invoquer ce fameux sondage comme argument pour justifier la mise en place de leur ticket. Et selon lui, ce ticket est mathématiquement gagnant. Ce faisant, il feint d’oublier trois choses. D’abord, un sondage n’est valable qu’à l’instant T. La preuve en est que le dernier sondage donne pour gagnant de la présidentielle du 23 décembre prochain, Martin Fayulu. La deuxième chose qu’ils oublient, c’est que le sondage en question avait été réalisé avant l’accord de Genève. En choisissant de le dénoncer après avoir apposé leur signature, en toute conscience, ils ont montré par là toute l’étendue de leur nanisme politique et de leur égoïsme. Et cette attitude peut leur aliéner bien des soutiens. En tout cas, nombreux de leurs militants qui sont dotés d’esprit d’analyse et de discernement et qui sont épris d’alternance pourraient les désavouer dans les urnes en votant pour Martin Fayulu. Et ils n’auraient pas tort d’opérer ce choix. En effet, Martin Fayulu a l’avantage de la constance dans son opposition au pouvoir de Joseph Kabila. On ne peut pas en dire autant de Kamerhe ; lui qui, pendant une longue période, a trempé sa barbichette dans la soupe des Kabila.

La présidentielle du 23 décembre risque d’être une formalité pour Emmanuel Ramazani Shadary

D’ailleurs, l’on peut dire qu’il a contribué politiquement et idéologiquement à faire de Kabila fils un monstre. En rappel, Vital Kamerhe a été le Directeur national de la campagne de Joseph Kabila lors de la présidentielle de 2006. Aujourd’hui, c’est lui qui joue le même rôle auprès de Félix Tshisékédi. Véritablement, l’homme a les attributs d’un cube maggi, c’est-à-dire qu’il s’adapte à toutes les sauces. Félix Tshisékédi non plus, n’est pas exempt de tout reproche. En effet, depuis la mort de son père, il semble avoir conclu avec le dictateur un deal à propos du lieu d’inhumation de son géniteur. A cela, il faut ajouter son attitude accommodante avec la machine à voter alors que le reste de l’opposition ne veut pas en entendre parler. En cela, il ressemble à son père. En effet, Tshisékédi père a flirté avec le dictateur Mobutu au point d’en devenir le Premier ministre. Une autre chose que l’on peut retenir contre Félix Tshisékédi est le fait qu’il s’est accaparé des rênes du parti non pas forcément par mérite mais par une sorte de dévolution monarchique du sceptre. Et les cas de Gnassingbé fils, de Bongo fils et de Kabila fils sont suffisamment édifiants pour savoir que la famille et la politique ne font pas toujours bon ménage. Pour tout dire, il faut craindre que l’alternance politique en RDC soit victime du nombrilisme de Tshisékédi et de Kamerhe. Et quand ces derniers s’engagent pour une collaboration de 10 ans, cela n’engage que ceux qui y croient, tant ils sont véritablement ondoyants et versatiles. En tout cas, tout porte à croire que ces deux individus ne croient qu’à leurs intérêts. Déjà, ils ont dépecé le Congo et ils se sont partagé « les morceaux les plus viandés » pour reprendre l’expression d’Amadou Kourouma. Mais l’on peut leur dire qu’ils sont en train de rêver debout. Car le pouvoir est là avec « sa CENI » (Commission électorale nationale indépendante), ses machines à voter et son fichier électoral corrompu. Dans ces conditions, la présidentielle du 23 décembre risque d’être une formalité pour Emmanuel Ramazani Shadary. L’Eglise a donc raison de sonner déjà le tocsin. Mais sera-t-elle entendue par le fameux ticket « gagnant » que constitue l’alliance de circonstance entre Tshisékédi et Kamerhe ? L’on peut en douter car ces deux individus, pour l’heure, ne pensent qu’au Palais de marbre de Kinshasa et les immenses avantages que cela implique.

 

« Le Pays »

 

 


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