PRESIDENTIELLE EN MAURITANIE : Une simple formalité ?
Le 29 juin prochain, les Mauritaniens se rendront aux urnes pour élire leur nouveau président. Il y a sept candidats dont le président sortant, Mohamed Ould Cheick Ghazouani qui brigue un second mandat, en lice pour la magistrature suprême. Et en l’absence de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz emprisonné suite à sa condamnation judiciaire en 2023 et dont la candidature a été retoquée par le Conseil constitutionnel pour des raisons techniques, le Général Ghazouani apparaît comme le super favori de cette élection dont la campagne s’est achevée le 27 juin dernier, sans anicroche ni accroc majeur. Il aura comme principal challenger, Biram Da Abeid, principale figure de l’opposition, arrivé deuxième en 2019 avec 18,59% des voix. Les autres prétendants admis à concourir sont Mohamed Lemine Murtaji Ould Wafi du Parti de l’Autre Choix, Hamadi Ould Sidi El Mokhtar du Rassemblement national pour la réforme et le développement (Tewassoul), Mamadou Bocar Ba de l’Alliance pour la Justice et la démocratie/Mouvement pour la réconciliation (AJD/MR), Professeur Outama Soumaré de l’Avant-garde des forces de changement démocratique (AFCD) et Mouhameden M’Bareck de la Coalition de l’IRA-Mauritanie.
Il faut souhaiter que le vote de ce samedi se déroule dans le calme et la discipline
Ce sont donc sept prétendants pour un fauteuil, qui iront à la chasse aux suffrages de leurs compatriotes dans ce pays d’Afrique de l’Ouest habitué des coups d’Etat et qui n’a connu sa première alternance démocratique qu’en 2019. Et l’un des enjeux de ce scrutin, pour le pays, est d’enchaîner une deuxième dévolution pacifique du pouvoir entre deux présidents élus, en cas de victoire d’un nouveau candidat à l’onction suprême. Autant dire que ce scrutin est un grand défi pour la Mauritanie dans une Afrique où les élections sont devenues des moments de peurs et d’appréhensions en raison des violences qui les accompagnent. C’est pourquoi il faut souhaiter que le vote de ce samedi se déroule dans le calme et la discipline. C’est le lieu d’interpeller les institutions à jouer pleinement leur rôle dans la neutralité et la transparence, pour ne laisser aucune place à la contestation. Car, il est bien connu que c’est de la contestation électorale que naissent souvent les violences en Afrique. Et dans le cas de la Mauritanie, le fait, pour l’opposition, de pointer en amont du doigt, l’imperfection du fichier électoral de même que les déficiences de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), en dit long sur le climat dans lequel se tiennent ces élections. Mais au-delà des cris d’orfraie de l’opposition qui ne cache pas ses inquiétudes sur le bon déroulement du scrutin, et en l’absence d’un réel contre-pouvoir, tout porte à croire que le Général Ghazouani est bien parti pour réaliser son ambition de se succéder à lui-même au palais présidentiel. C’est dire si le scrutin du 29 juin semble joué d’avance au point qu’il est permis de se demander s’il ne sera pas une simple formalité. Des interrogations d’autant plus fondées qu’au-delà de sa gouvernance, le natif de Boumdeid ne manque pas d’atouts sur ses adversaires, dans la course à sa propre succession.
Il y a des raisons de croire que le ciel de cette élection est plutôt dégagé pour le président en exercice de l’UA
En effet, quoique mitigé, son bilan parle pour lui dans un contexte où la plupart de ses concurrents n’ont pu vendre que des promesses de campagne à leurs compatriotes. Et dans une Afrique de l’Ouest en proie au terrorisme, le fait de maintenir le pays à l’abri des attaques des forces du mal, ce qui en fait une exception au Sahel depuis 2011, est une prouesse qui peut valoir son pesant… de voix dans les urnes, pour le Général-président. En outre, son omniprésence lors de la campagne électorale où ses adversaires ont eu du mal à se faire de la visibilité, pourrait jouer en sa faveur dans la conscience des électeurs, au moment du choix. Sans oublier la prime au sortant qui donne généralement au prince régnant, une longueur d’avance sur ses adversaires dans une Afrique où tout est bon, y compris l’utilisation abusive des moyens de l’Etat et les achats de consciences, pour se faire réélire. Si l’on ajoute à cela la propension, à de rares exceptions près en Afrique, des institutions à faire le jeu du pouvoir en place, il y a des raisons de croire que le ciel est plutôt dégagé pour le président en exercice de l’Union africaine, à l’effet de prolonger son bail au palais présidentiel de Nouakchott. En tout état de cause, maintenant que la campagne est terminée et que les dés sont jetés, que le meilleur gagne.
« Le Pays »