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PRESIDENTIELLE EN RCA : Si près, si loin du but


 

Le double scrutin présidentiel et législatif, qui était prévu pour dimanche et a été décalé au 30 décembre prochain, aura probablement lieu sur fond de polémique et de contestation, au regard des lacunes et du trafic présumé de cartes d’électeurs dénoncés par tous les candidats. En effet, l’organisation, le 13 décembre dernier, du référendum constitutionnel qui avait valeur de répétition générale avant les élections présidentielle et législatives cruciales pour le pays, avait révélé de graves dysfonctionnements techniques et des perturbations ayant entraîné l’ouverture tardive des opérations de vote dans certains bureaux. Les organisateurs et les observateurs du scrutin référendaire avaient tous décrié le fiasco essentiellement dû à l’amateurisme des membres des bureaux de vote, mais cela n’avait pas remis en cause les résultats qui ont consacré la victoire du « oui » lors du vote de la nouvelle Constitution, à hauteur de 90%. Mais pour l’élection présidentielle à venir, il faudra mettre les petits plats dans les grands pour éviter le désordre organisationnel qui fera fatalement le lit de la contestation des résultats. Pour cela, les autorités de la Transition ont, de commun accord avec l’Autorité nationale des élections (ANE), décidé de rectifier le tir avant la tenue de ces échéances considérées comme les plus indécises de l’histoire de la RCA, en procédant à la formation des agents électoraux et en mobilisant la quasi-totalité des fonctionnaires, a priori plus enclins à comprendre le processus électoral et à le mettre en œuvre. Le Premier ministre de la Transition, Mahamat Kamoun, a également précisé que l’ANE mettrait le report de 3 jours à profit pour acheminer les bulletins et les formulaires servant à l’établissement des procès-verbaux de décompte des suffrages dans les 2600 centres de vote que compte la RCA. Alors qu’on s’échinait à lever les derniers obstacles pour aller enfin à ces élections sous la pression des bailleurs de fonds et des chancelleries occidentales, l’un des 30 candidats à la présidentielle (excusez du peu), Anicet Georges Dologuélé pour ne pas le nommer, a jeté un pavé dans la mare politique déjà boueuse, en révélant et en dénonçant l’existence  de cartes d’électeurs en vente libre dans les rues de Bangui.

Espérons que les dieux du fleuve Oubangui ramèneront les Centrafricains à la raison

Il n’en fallait pas davantage pour créer le scepticisme et susciter des inquiétudes chez tous ceux qui rêvaient de voir une fin en apothéose de cette Transition particulièrement longue, c’est-à-dire une présidentielle à l’issue de laquelle le vainqueur recevrait les félicitations de ses challengers, comme ce fut le cas au Burkina Faso, pays des Hommes intègres. Et les inquiétudes sont d’autant plus fondées qu’il s’agit justement de la Centrafrique, un pays immensément riche, mais malheureusement déstructuré depuis des décennies par des hommes politiques insatiables, dont le patriotisme est inversément proportionnel à l’égocentrisme et à l’appétit vorace. Plus que le déroulement qu’on imagine déjà chaotique du scrutin, c’est la crise postélectorale qui risque d’en découler qui donne des frissons à tous ceux qui se sont investis, de façon intéressée ou non, dans la recherche de la stabilité sociopolitique dans ce pays  écartelé entre un nord musulman et un sud majoritairement chrétien. Passe encore qu’il s’agisse de la contestation rituelle et presque systématique des résultats par les perdants, comme c’est souvent le cas sous nos tropiques. Mais dans le cas de la RCA, le refus de reconnaître les résultats des urnes pourrait prendre une autre tournure, notamment violente, avec des preuves irréfutables de bâclage organisationnel du scrutin et les frustrations  à peine dissimulées des partisans de tous les candidats exclus de la compétition, pour diverses raisons. Dans un pays comme la RCA, où les différends politiques ont « dérapé » sur le terrain religieux, il est à craindre que des hommes politiques frappés d’indignité, à l’ego et aux ambitions surdimensionnés comme François Bozizé et Nouredine Adam pour ne citer que ceux-là, n’instrumentalisent ou n’exacerbent les clivages ethnico-religieux afin de rendre le pays ingouvernable et contraindre l’ensemble des acteurs à rebattre les cartes. Et pour conjurer le sort, il n’y a que des hommes animés de sentiments patriotiques, davantage soucieux des intérêts de la RCA que des leurs propres  pour diriger le pays. Malheureusement, tous ceux qui se disputeront le fauteuil présidentiel le 30 décembre prochain, sont, à quelques exceptions près, de vieux routards de la scène politique centrafricaine, qui avaient vendu leur âme au diable durant les régimes précédents. Avec de tels acteurs et dans le contexte extrêmement volatile du pays de David Dacko où on ne compte plus le nombre de reports des élections, on peut légitimement se demander si on n’est pas si près, mais aussi si loin du but.

Espérons que les dieux du fleuve Oubangui ramèneront les Centrafricains, Anti-balaka et Séléka y compris, à la raison, afin que prévale l’intérêt supérieur de la Nation centrafricaine sur les ambitions individuelles et personnelles de tous ceux qui vivent, telles des sangsues, du sang de leurs compatriotes au Nord, comme au Sud du pays. Le double scrutin du mercredi prochain aura en tout cas valeur de test grandeur nature, pour savoir si les Centrafricains ont décidé de se complaire dans le chaos ou de tourner résolument et définitivement la page noire des années de braise et de la mal gouvernance.

Hamadou GADIAGA


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