HomeA la unePRESIDENTIELLE IVOIRIENNE 

PRESIDENTIELLE IVOIRIENNE 


Trois jours après la tenue du scrutin présidentiel dans un contexte de fortes tensions, les Ivoiriens sont toujours dans l’attente des résultats officiels. Non seulement en terme de participation des électeurs, suite aux violences et autres incidents perturbateurs consécutifs à l’appel au boycott de l’opposition, mais aussi pour savoir, au vu du coup K.-O. qui se dessine, de quel pourcentage se prévaudra le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) pour  légitimer sa victoire à son troisième mandat querellé. Pendant ce temps, l’opposition qui dit ne pas « reconnaître l’élection présidentielle » qu’elle a tenté d’empêcher par plusieurs moyens, appelle à « l’ouverture d’une transition civile » devant conduire à de nouvelles élections, après avoir « constaté la fin du mandat du président Ouattara ». C’est dire si cette période postélectorale qui s’annonce comme le prolongement de la crise préélectorale, risque d’être particulièrement chaude en Côte d’Ivoire. C’est pourquoi l’on est porté à croire qu’ADO a gagné la bataille mais pas la guerre.

 

C’est un scrutin qui est venu accentuer la fracture entre les Ivoiriens

 

Il a  gagné la bataille de la tenue de l’élection comme il se l’était promis là où ses adversaires soutenaient le contraire, mais pas encore la guerre puisque le calme est encore loin de revenir sur les bords de la lagune Ebrié ; ses contempteurs n’ayant pas encore déposé les armes de la contestation. Mieux, ces derniers en appellent à « la mobilisation générale » pour faire « barrage à la dictature du président Alassane Ouattara ». En attendant de voir quelle réponse sera réservée à cet appel de l’opposition, l’autre aspect qui fait dire qu’ADO n’a pas gagné la guerre, est que le scénario de sa réélection qui se profile à l’horizon, restera, quoi qu’on dise, une victoire arrachée au forceps et entachée du sang de ses compatriotes qui auront péri dans la contestation de ce troisième mandat qui s’annonce, à bien des égards, comme le mandat de trop. C’est dire si la victoire d’ADO à ce scrutin du troisième mandat, serait cher payée pour la Côte d’Ivoire ! Non seulement en raison des dégâts humains et matériels avant et pendant l’élection, mais aussi en raison du scénario catastrophe qui se profile avec cette nouvelle prise de position de l’opposition face à laquelle les thuriféraires du régime appellent le gouvernement à la fermeté. En tout état de cause , à bien des égards, l’on peut dire que c’est un scrutin qui est venu accentuer la fracture entre les Ivoiriens sur fond d’appartenance communautaire voire régional, entre un Nord largement acquis à la cause de son « fils » et qui a su, à en croire les premiers résultats, le lui rendre dans les urnes, et un Sud encore plus frondeur, largement engagé derrière l’opposition et décidé à en finir avec ce qu’il n’est pas loin de considérer comme une imposture. Autant dire que la Côte d’Ivoire n’est pas encore sortie de l’auberge. Même si l’on ne voit pas comment l’idée de la transition civile prônée par l’opposition, pourrait prospérer dans le contexte actuel. Et s’il s’agit de mettre en place un gouvernement parallèle pour aller au bras de fer avec les autorités en place, l’on peut dire, sans grand risque de se tromper, que c’est un projet qui a peu de chances d’être porteur.

 

Plus que les chiffres, c’est la tenue même du scrutin qui comptait le plus pour les partisans du pouvoir

 

Car, le tout n’est pas de former, sur papier, un gouvernement ou une équipe prétendue telle, mais encore faudrait-il pouvoir créer le cadre administratif et politique pour gouverner. Et dans le cas d’espèce, l’opposition ivoirienne est bien placée pour savoir qu’une telle option serait s’aventurer sur un terrain glissant. Et à présent qu’elle est dans la contestation postélectorale, elle devrait savoir faire preuve de stratégie innovante si elle veut se donner les moyens de contraindre le président Ouattara à la négociation. Autrement, elle n’aura que ses yeux pour pleurer. Car, on peut avoir la faiblesse de penser que ce qu’elle n’a pu obtenir, par les moyens qu’elle a pu montrer, avant la tenue du scrutin, ce n’est pas au moment où la tempête semble passée et qu’elle a perdu le pari de la non-tenue du vote, qu’elle pourra l’obtenir. Et tout porte aussi à croire que plus que les chiffres, c’est la tenue même du scrutin qui comptait le plus pour les partisans du pouvoir. Passée cette étape, le président Ouattara qui est bien parti pour se succéder à lui-même, pourrait alors avoir le choix entre adopter une posture de fermeté pour mettre tout le monde au pas, tout de suite et maintenant, ou laisser la vague de la contestation s’estomper avec le temps, comme on l’a vu sous d’autres cieux sous nos tropiques. Mais au bout du compte, le défi restera le même pour lui car, si au bout de deux quinquennats, il n’a pas réussi à relever le défi de la réconciliation, on se demande, s’il est réélu, comment il s’y prendra, et par quels moyens, pour rapprocher les frères ennemis ivoiriens. C’est le seul combat qui vaille encore la peine d’être mené, si ADO qui passe aux yeux de bien de ses compatriotes comme l’homme par qui le malheur est arrivé en Côte d’Ivoire,  ne veut pas rater sa sortie de l’histoire de ce pays qu’il dit pourtant tant aimer.

 

 « Le Pays »

 


No Comments

Leave A Comment