HomeA la unePRESIDENTIELLE KENYANE : Le grand saut dans l’inconnu  

PRESIDENTIELLE KENYANE : Le grand saut dans l’inconnu  


 

Contre vents et marées, la présidentielle kényane a eu lieu le 26 octobre sur fond de tension et de divisions, avec des affrontements qui ont laissé sur le carreau au moins trois morts. Si certains bureaux de vote ont enregistré le passage des électeurs, dans d’autres, le scrutin n’a pas pu se tenir pour des questions, entre autres,  de sécurité, de manque de personnel ou de matériel électoral suite au boycott de l’opposition qui a visiblement suivi l’appel de son candidat, Raïla Odinga. Ce dernier faute d’avoir eu gain de cause dans sa requête de toilettage de l’IEBC  (la Commission électorale) soupçonnée de partialité, a dû se désister, tout en appelant à un boycott du scrutin. Dans certaines localités, les bureaux de vote sont restés hermétiquement fermés et le report du scrutin a été annoncé dans certains comtés. Mais comment pouvait-il en être autrement, quand on sait que tous les voyants étaient au rouge, depuis l’annulation, par la Cour suprême, de l’élection de Uhuru Kenyatta lors du premier round qui s’est joué le 8 août dernier, après examen du recours de son challenger Raïla Odinga ? Depuis lors, l’atmosphère sociopolitique s’est fortement dégradée avec de fortes suspicions tant sur les membres de la Commission électorale que de pressions sur ceux de la Cour suprême.

Le Kenya a encore raté son rendez-vous électoral avec l’histoire

En fait de sérénité, il n’y en avait pas pour aller à ces élections. Mais sans que l’on ne sache trop pourquoi, le scrutin a été maintenu envers et contre tout, alors que pas plus tard que la veille du vote, de nombreuses voix et pas des moindres, s’accordaient à reconnaître que les conditions d’un scrutin juste, transparent et équitable  n’étaient pas réunies. C’était visiblement sans compter avec la détermination de Uhuru Kenyatta.  En effet, le président sortant n’a jamais caché son ire face au geste  de la Cour suprême vécu comme un affront et qu’il accuse de lui avoir  arraché  sa  victoire. Aussi comptait-il reconquérir coûte que coûte « sa chose », quitte à faire cavalier seul, comme ce fut le cas. Mais comme le dit l’adage, « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Cest le sort qui risque d’être celui de Uhuru Kenyatta, au sortir de ce scrutin controversé. La question que l’on pourrait se poser est de savoir ce qui va se passer maintenant, avec cette présidentielle qui se présentait, à juste titre, comme celle de tous les dangers. D’autant plus que Raïla Odinga a appelé ses partisans à la résistance à partir de ce 27 octobre. C’est pourquoi cette élection tenue au forceps, n’augure rien de bon pour le Kenya. Pire, c’est un grand saut dans l’inconnu. Car, nul ne saurait véritablement dire sur quoi ce scrutin qui s’est déroulé dans des conditions pour le moins chaotiques, va déboucher. Va-t-on assister à une autre invalidation du vote ? Raïla Odinga et ses partisans accepteront-ils le verdict des urnes? Au cas où les résultats confirmeraient la faiblesse du taux de participation, de quelle légitimité pourrait se prévaloir le président élu ? Autant de questions qui attendent de trouver réponse pour se faire une idée de ce qui attend les Kényans. Cela dit,  avec le scrutin d’hier qui s’est tenu dans les conditions que l’on sait, il y a lieu de croire que le Kenya a encore raté son rendez-vous électoral avec l’histoire et est bien parti pour plonger dans une autre crise postélectorale d’envergure, dont nul ne saurait prédire l’issue.

On s’achemine vers une « burundisation » du Kenya

En tout cas, il y a fort à parier que le président Kenyatta fera tout pour que ces élections ne soient pas annulées au moment où il ne reste à son adversaire qu’à espérer une bérézina de son rival pour espérer une reprise du scrutin. En tout état de cause, Uhuru Kenyatta risque de se faire élire sur la base de résultats qui portent en eux-mêmes les germes de la contestation et de l’instabilité de son pouvoir. Et s’il n’y prend garde, le gâteau de la victoire risque d’avoir un goût amer et d’être difficile à manger. En bon dictateur, il s’en soucie certainement comme d’une guigne, mais à l’analyse, non seulement cela ne le grandit pas, mais aussi et surtout cela ne sortira pas son pays de l’auberge, avec les lendemains d’incertitudes qui planent désormais sur cette présidentielle qui a fini de semer la division au sein des Kényans. Et pourtant, au lendemain de l’invalidation du scrutin du 8 août dernier, ils étaient nombreux les Africains voire au-delà, à penser que le Kenya donnerait une véritable leçon de démocratie au reste du continent. Mais deux mois et demi plus tard, force est de constater que les choses ont pris le mauvais chemin et le rêve est en train de se transformer en cauchemar pour les Kényans. Un véritable recul démocratique s’il en est, car non seulement, la crédibilité du scrutin est sujette à caution, eu égard aux conditions chaotiques dans lesquelles il s’est déroulé, mais aussi tout porte à croire que l’on s’achemine vers une « burundisation » du Kenya. Car, à moins que l’opposition ne mette de l’eau dans son vin, l’on ne voit pas comment Uhuru Kenyatta pourrait gouverner son pays sans prendre exemple sur le satrape burundais, après un scrutin qui a toutes les allures d’un passage en force. Les Kényans ne sont pas au bout de leur peine.

« Le Pays »


Comments
  • L’esclave qui refuse de battre pour sa liberté ne mérite pas qu’on s’appitoye sur son sort. Seule la lutte libère.

    28 octobre 2017

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