PRESIDENTIELLE MAURITANIENNE
Avant même que la Commission électorale indépendante (CENI) mauritanienne ne livre le secret des urnes, le dauphin du président sortant, le général à la retraite, Mohamed Ould Ghazouani, dans une déclaration faite au Palais des Congrès et en présence de son mentor, Mohamed Ould Abdel Aziz, revendique la victoire. De quoi alourdir l’atmosphère d’un scrutin sur lequel planait déjà un fort parfum de fraudes. En effet, quatre candidats de l’opposition ont dénoncé, ce week-end, de nombreuses fraudes, notamment dans la localité de Borkeol, à l’extrême-Est du pays, où des éléments d’une unité de l’armée auraient voté dans plusieurs bureaux de vote, alors qu’ils n’étaient même pas inscrits dans ces bureaux. Ce faisant, ils rejettent purement et simplement les résultats avant même qu’ils ne soient rendus publics.
On ne peut que déplorer la frilosité du Général Mohamed Ould Ghazouani
En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette sortie du candidat du pouvoir, est malheureuse. Et pour cause. D’abord, elle laisse penser que le Général Ghazouani prépare les esprits à un hold-up électoral tout en mettant sous pression l’opposition. Ensuite, elle traduit tout le manque de confiance que l’homme porte à l’institution chargée de l’organisation des élections, en l’occurrence la CENI. Mais plus grave encore est le goût prononcé des militaires pour le pouvoir en Afrique, qui explique cette sortie du Général qui a troqué le treillis contre le costume. En
effet, s’étant fortement embourgeoisés, les militaires, sur le continent noir, font preuve d’un attachement maladif au pouvoir d’Etat dont les privilèges ont fini par détourner certains de leur vocation première qu’est la défense de l’intégrité territoriale et la protection des civils. Les exemples en la matière sont légion en Afrique, alors que dans les pays occidentaux d’où sont importés les modèles de gouvernance sur le continent, il ne viendrait à l’esprit d’aucun militaire l’idée d’une telle pratique. En tout état de cause, l’on ne peut que déplorer la frilosité du Général Mohamed Ould Ghazouani qui, pourtant, avait déjà une longueur d’avance sur les autres candidats. Car, non seulement il a bénéficié des moyens et de l’appui de l’appareil d’Etat, mais il a aussi le soutien du président sortant. Il ne serait donc pas exagéré, à partir des prémices qu’il donne à voir, de dire que si l’homme venait à être élu comme il le revendique, il ne serait pas un bon président. Car, tout laisse croire qu’il ne croit pas à la démocratie. Ce qu’il faut à présent redouter, ce sont les possibles conséquences de cette déclaration qui, si elle émanait d’un opposant, aurait suffi à le traiter de mauvais perdant. A preuve, elle peut semer les graines d’une crise post-électorale. Et à supposer que l’un des candidats de l’opposition se mette aussi à revendiquer la victoire, l’on est bien parti pour une nouvelle saison de contestations électorales avec des effets incommensurables sur la stabilité d’un pays qui, pourtant, a réussi à se soustraire de l’œil du cyclone terroriste dans cette région tourmentée de la bande sahélo-saharienne.
L’instabilité politique est l’un des traits essentiels de l’histoire politique de la Mauritanie
L’autre conséquence de cette malheureuse déclaration du Général Ghazouani, est le discrédit qu’elle jette sur l’image du président sortant auquel l’on peut tresser des lauriers pour avoir accepté de se plier aux exigences de la démocratie, sur un continent où de nombreux princes régnants ne rêvent que de règne à vie quand ils n’oeuvrent pas pour une dévolution familiale du pouvoir. Et voilà qui pourrait faire regretter au futur ex-chef de l’Etat mauritanien, son geste d’ouverture surtout quand on sait, au regard des propos récents de ce dernier, qu’il prend la porte du palais présidentiel malgré lui. L’homme a, en effet, déclaré que son départ du pouvoir n’était pas un adieu mais plutôt un simple au-revoir. Et bien malin qui pourrait dire quand et comment l’homme entend revenir. Même si l’environnement international n’est pas favorable aux coups de force, l’on ne peut pas oublier que l’instabilité politique est l’un des traits essentiels de l’histoire politique de la Mauritanie, émaillée de nombreux putschs militaires de 1978 à 2008. Cela dit, pour éviter de pareilles dérives qui sont lourdes de dangers pour la démocratie en Mauritanie, il est indispensable que les candidats aux différents scrutins, se dotent d’un code de bonne conduite. Mais en attendant, l’on croise les doigts pour que les candidats de l’opposition n’emboitent pas le pas au général qui semble déjà grisé par la victoire.
« Le Pays »