PRESIDENTIELLE OUGANDAISE : Museveni ne quittera pas sa « bananeraie »
La présidentielle ougandaise a lieu aujourd’hui 18 février 2016. Le président sortant, Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, affrontera sept candidats de l’opposition. Les plus connus de ces derniers sont Kizza Besigye et Amama Mbabazi. Tous les deux ont la particularité d’avoir collaboré avec Yoweri Museveni. Le premier a été son médecin personnel dans le maquis, avant de basculer dans l’opposition à partir de 2001. Le deuxième, c’est-à-dire Amama Mbabazi, est un ex-Premier ministre de Museveni, tombé en disgrâce. Il faut le dire, tout de suite, cette élection comme d’ailleurs les scrutins précédents, est un gâchis d’argent, une véritable orgie de dépenses électorales dont les Ougandais auraient pu se passer. Car Museveni remportera haut la main sa chose dès le premier tour. Et le score sera pour sûr, soviétique. Au rythme où vont les choses, la seule possibilité d’alternance en Ouganda ne peut venir que de la nature. Museveni a beau être puissant, il ne faut pas oublier qu’il est avant tout un homme, donc mortel. Museveni donc sera toujours à la tête de l’Ouganda jusqu’à ce que la nature en décide autrement. Là dessus, le doute n’est pas permis. Depuis 1986, date de son avènement au pouvoir, il a travaillé avec méthode pour que les choses se passent ainsi.
Museveni considère l’Ouganda comme sa propriété privée
A cet effet, il a tout verrouillé de l’intérieur. L’opposition n’existe que de nom, ses principaux ténors sont permanemment embastillés et la presse libre est étouffée. Le décor donc de la dictature est là. Pour le parfaire, l’homme a pris le soin d’associer étroitement son clan à la gestion du pouvoir. Aussi, un de ses fils est le patron de l’armée ougandaise et l’épouse du dictateur est à la fois députée et ministre de la République. Dès lors, l’on peut comprendre que Yoweri Museveni considère l’Ouganda comme sa propriété privée. L’on se rappelle, en effet, que tout récemment, lors de l’une de ses sorties, il n’avait pas hésité à filer la métaphore jusqu’au bout en comparant son pays à sa bananeraie personnelle. Le message ne souffre donc d’aucune ambiguïté. Ce ne sont pas les résultats issus des urnes qui vont exproprier le planteur Museveni de sa bananeraie. Il en sera le propriétaire tant qu’il sera en vie. Et même après lui, l’héritage reviendra à ses ayant droits. De ce point de vue, l’on peut dire que le scrutin d’aujourd’hui représente un non-événement. C’est une vaste comédie destinée à amuser la galerie et à la consommation extérieure, notamment les Occidentaux. En réalité, ces derniers sont conscients que Museveni est loin d’être un démocrate. Seulement, celui-ci est l’un de leurs plus sûrs alliés dans la sous-région. Et il le leur rend bien en termes d’avantages géostratégiques. A cela, il faut ajouter le fait que Museveni joue le rôle de stabilisateur en Afrique de l’Est et dans les Grands lacs. Tant qu’il sera dans cette posture, il peut régenter l’Ouganda comme il veut. Aucune voix ne s’élèvera du côté des Occidentaux pour le condamner. Et si par extraordinaire, des voix autorisées occidentales venaient à s’offusquer des dérives de Museveni, l’on peut parier sans grand risque de se tromper, qu’elles seront timides, juste pour se donner bonne conscience. C’est pourquoi les peuples qui ploient aujourd’hui sous la dictature en Afrique, seront mal inspirés de croire que leur salut viendra des chantres occidentaux de la démocratie. Cette triste réalité est connue de tous les satrapes d’Afrique. Et ils l’exploitent à fond pour tenir éternellement leur peuple en laisse. Museveni, en premier, le sait. Et avec lui, tous les autres de son genre qui semblent avoir fait de l’Afrique de l’Est et des Grands lacs leur paradis.
Un dictateur n’organise pas des élections pour les perdre
L’ironie du sort, c’est que c’est le même Museveni qui, en matière de prédation de la démocratie et des droits humains, peut se targuer de détenir la palme d’or, qui a été désigné par l’UA (union africaine) pour aider à sortir le Burundi des griffes de son alter ego Pierre Nkurunziza. Dès lors, l’on peut comprendre pourquoi Nkurunziza n’éprouve aucune crainte à s’accrocher à son fauteuil en massacrant à tour de bras son peuple. En tout cas, ce n’est pas le médiateur principal, Museveni, qui va lui remonter les bretelles ; lui qui depuis 1986, ne s’imagine pas une autre vie en dehors de la présidence. Et il est aidé en cela par des Ougandais et des Ougandaises qui ont choisi de s’asseoir sur leur conscience. Ces derniers, pour garder en vie le plus longtemps possible la poule aux œufs d’or, ont travaillé méthodiquement les esprits des populations surtout rurales au point que celles-ci en sont arrivées à considérer Museveni comme un homme providentiel, voire un messie. Et ce ne sera pas par les urnes que l’on peut déconstruire cette légende bâtie autour de l’homme fort de Kampala. C’est pourquoi, l’on peut avoir de la compassion pour les Ougandais épris de liberté et de démocratie, qui ont encore la faiblesse de croire que Museveni peut être battu par les urnes. Est de ceux-là le principal opposant de Yoweri Museveni, Kizza Besigye. Celui-ci, en effet, après avoir été laminé lors des trois derniers scrutins (2001, 2006, 2011) a déclaré cette fois-ci ceci : «Cette élection ne peut pas être libre et équitable, mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas la gagner». Il peut se chatouiller pour rire tout en ne perdant pas de vue l’implacable et universelle vérité suivante : un dictateur n’organise pas des élections pour les perdre. Et Museveni ne fera pas exception à cette règle.
« Le Pays »