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PRESIDENTIELLE SENEGALAISE


 Eviter à tout prix une crise postélectorale

Va-t-on vers un contentieux électoral au Sénégal ? En tout cas, quelque 48 heures après la fermeture des bureaux de vote, le débat enfle à Dakar pour savoir qui de Macky Sall, Idrissa Seck, Madiké Niang, Ousmane Sonko et Issa Sall sera le prochain président du Sénégal. Et l’atmosphère n’est pas loin de devenir électrique car le parti au pouvoir ne réclame ni plus ni moins que la victoire au premier tour, là où l’opposition jure sur un second tour. Morceau choisi : « Nous sommes venus dire avec clarté et fermeté qu’à ce stade, un deuxième tour s’annonce et les résultats qui sont déjà compilés nous permettent de le dire », soutient l’opposant Idrissa Seck. Et son compère Ousmane Sonko d’en appeler « à la responsabilité des chefs religieux pour appeler le parti au pouvoir à la raison ».

Le pays de la Teranga nous a habitués à des élections sans trop d’anicroches

Cela n’a pas empêché le Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne, d’affirmer quelques minutes plus tard : « sur la base des résultats compilés, il faut féliciter le président Macky Sall pour sa réélection avec un minimum de 57% des voix ». Selon lui, le président sortant aurait remporté 13 des 14 régions.

De quoi faire monter la température de plusieurs crans dans un pays où beaucoup d’encre et de salive a déjà coulé à propos de cette présidentielle qui a vu le rejet de certaines candidatures et pas des moindres. Du reste, la réaction de l’opposition qui parle de « confiscation du vote », ne s’est pas fait attendre. Pour Madické Niang, « nous assistons à une tentative d’embuscade et de séquestration du suffrage des Sénégalais et d’une rétrogradation sans précédent de la démocratie sénégalaise par le régime du président sortant. Dans sa boulimie du pouvoir, il concocte des manœuvres anti-démocratiques et malsaines pour soustraire frauduleusement les élections aux Sénégalais dès le premier tour, alors qu’un deuxième tour est plus qu’irréversible ».

Si sous d’autres cieux, ce genre de propos annoncent les prémices d’une crise postélectorale, il faut souhaiter qu’au pays de la Teranga qui nous a habitués à des élections sans trop d’anicroches, les acteurs politiques sauront raison garder pour que les choses ne basculent pas du mauvais côté. Il faut éviter à tout prix une crise postélectorale qui ne pourrait que ternir l’image d’un pays qui est jusque-là présenté comme l’une des vitrines de la démocratie sur le continent.

Cela dit, cette sortie du chef du gouvernement sénégalais, si elle peut paraître de bonne guerre, n’en demeure pas moins une grosse maladresse en raison de son rang qui ne permet pas toujours de faire le distinguo entre la voix du militant et celle officielle de l’Exécutif. Elle est d’autant plus condamnable que, de par sa position, il est mieux placé que quiconque pour savoir qu’en pareilles circonstances, seuls font foi les chiffres avancés par les structures habilitées, en l’occurrence le ministère de l’Administration à qui il revient de proclamer les résultats. A ce titre donc, même en l’absence d’un Code de bonne conduite, le Premier ministre devrait donner le bon exemple en montrant sa

confiance en la Commission électorale et en évitant tout acte, mot  ou geste déplacé ou jugé tel, qui pourrait créer la polémique ou être interprété comme une façon de vouloir influencer quoi que ce soit.

Il revient à la Commission électorale de travailler à la transparence des résultats

A tout le moins, l’on peut déceler dans cette sortie du locataire de la Primature, un manque de sérénité dans le camp présidentiel qui semble conscient que si son candidat ne met pas ses adversaires K.-O. dès le premier round, un second tour pourrait lui être fatal. C’est pourquoi l’on est fondé à croire que cette sortie du PM vise aussi à marquer les esprits, pour ne pas laisser l’opposition lui faucher l’herbe sous les pieds en préparant les esprits à un second tour. L’on est donc bien parti pour une guerre des chiffres qu’il convient d’arrêter dès à présent pour ne pas en rajouter à la confusion des électeurs et envenimer inutilement une situation déjà suffisamment tendue pour les raisons que l’on sait, au point de faire sortir le vieux Gorgui de sa douillette retraite de Versailles pour descendre encore dans l’arène politique. Les ingrédients d’une crise postélectorale sont assurément en train d’être réunis. Mais le Sénégal n’a pas besoin de ça.

En tout état de cause, maintenant que la polémique est lancée, il revient à la Commission électorale de travailler à la transparence des résultats, pour ôter tout argument de contestation aux différentes parties. En outre, il appartient aux médias locaux de jouer, une fois de plus, leur rôle de veille dans la compilation et la transmission des  résultats, en surveillant le dépouillement de bout en bout et en donnant les résultats au fur et à mesure, pour assurer toute la crédibilité à ces élections qui déchaînent les passions. Car, au-delà de tout, il faut que le Sénégal sorte grandi de ces élections qui ont déjà fait couler beaucoup d’encre et de salive. En tout cas, après avoir donné, au fil du temps, une si belle image de leur pays, les Sénégalais n’ont pas le droit de décevoir. Il est donc de leur responsabilité commune de maintenir haut  le flambeau de cette démocratie qui, dans la grisaille des « démocratures » en Afrique, reste encore l’une des plus crédibles et des pus stables du continent noir.

« Le Pays » 


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