PROCES DE LA RDC CONTRE LE RWANDA A LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME : Tshisekedi obtiendra-t-il par la justice, ce qu’il n’a pas eu par les armes ?
Rien ne va entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) qui accuse son voisin d’agression sur son territoire et de crimes de guerre par le M23 interposé. Du nom de cette rébellion armée qui sévit dans l’Est de la RDC où des pans entiers du territoire sont passés sous son contrôle, au grand dam de Kinshasa dont l’armée a montré toute son impuissance devant lesdits insurgés. Et la situation est d’autant plus désespérante pour le président, Félix Tshisekedi, que la réalité du terrain est loin de sourire à ses troupes qui ne semblent pas prêtes au sacrifice suprême pour la patrie, à en juger par le nombre croissant de condamnations à la peine capitale, de soldats déserteurs plus prompts à prendre la poudre d’escampette qu’à combattre pour freiner l’avancée de l’ennemi. Le fait est que la RDC a toujours accusé le Rwanda de soutenir militairement les rebelles du M23 et même de combattre à leurs côtés ; toute chose qui contribue à exacerber les tensions entre les deux pays. Kinshasa en veut pour preuve l’arsenal militaire détenu par les rebelles sur le théâtre des opérations et qui dépasserait, à ses yeux, largement les capacités d’approvisionnement de ces derniers. Toujours est-il que malgré les dénégations du Rwanda, plusieurs rapports onusiens tendent à apporter de l’eau au moulin du maître de Kinshasa en pointant du doigt Kigali dont des milliers de soldats combattraient aux côtés des rebelles du M23. Des accusations réitérées par les Etats-Unis et la France qui ont, tour à tour, dénoncé ce soutien du Rwanda aux insurgés du M23 qui se rendent coupables d’abus contre des populations innocentes. Récemment encore, l’Organisation non gouvernementale de défense des droits humains, Human Rights Watch, a enfoncé le clou en accusant Kigali et les rebelles du M23, de « bombarder sans discernement », depuis le début de l’année, des camps de déplacés dans l’Est de la RDC. C’est dans ces conditions que de guerre lasse, Kinshasa a porté le différend devant la Cour africaine des droits de l’Homme. Le procès est prévu pour s’ouvrir le 12 février 2025. La question qui se pose est de savoir si le président Tshisekedi obtiendra par la justice, ce qu’il n’a pu obtenir par les armes. A savoir, confondre les rebelles et leur parrain supposé ou réel devant les tribunaux à l’effet d’obtenir leur condamnation et demander réparation, à défaut de les anéantir sur le terrain par les armes. La question est d’autant plus fondée que la situation des combats sur le terrain, est loin d’être favorable aux FARDC qui ont été mis en déroute par des rebelles du M23 qui avancent presque la fleur au fusil dans la partie orientale du pays mise aujourd’hui sous coupe réglée. L’autre question qui se pose, est de savoir l’impact que l’ouverture de ce procès peut avoir sur cette crise qui n’est pas près de connaître son épilogue. D’ores et déjà, on peut craindre que cela ne contribue à braquer davantage le Rwanda qui s’est toujours défendu de tout soutien aux rebelles malgré les nombreuses accusations. Et Kigali entend se défendre dans ce dossier où il ne manque pas de griefs contre la RDC qu’il accuse à son tour de soutenir des rebelles hostiles à son régime, en l’occurrence les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) en opposition ouverte au pouvoir de Paul Kagamé. C’est dire la complexité de ce dossier judiciaire dont on se demande à quoi il va aboutir. Encore faudrait-il que la Cour africaine des droits de l’Homme reconnaisse sa compétence à connaître du dossier. En attendant, la convocation de Kigali en justice par Kinshasa, est la preuve que le torchon continue de brûler entre les deux capitales. Et si l’on n’y prend garde, ce procès pourrait être une nouvelle étape dans la dégradation des relations entre les deux voisins. Pendant ce temps, ce sont les pauvres populations livrées à elles-mêmes et qui ne savent plus à quelle armée se vouer, qui continuent de payer le plus lourd tribut à une guerre qui leur est totalement étrangère. En tout état de cause, dans ce conflit qui oppose la RDC au Rwanda, on attend de voir les résultats que donneront la voie judiciaire là où la diplomatie et la solution militaire tardent encore à produire les effets escomptés.
« Le Pays »