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PROCES DU PRESUME MEURTRIER DE GEORGE FLOYD


Un policier blanc qui tue un Noir lors d’une interpellation. La scène était devenue tellement banale aux Etats-Unis que l’on se demande si elle pouvait encore émouvoir quelqu’un. Mais quinze jours après la mort de George Floyd, un Afro-américain de 46 ans, suite à des violences policières qui ont entraîné une vague d’indignations à travers le monde, son présumé meurtrier était appelé à comparaître devant la Justice américaine. Dereck Chauvin, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est poursuivi pour « homicide volontaire sans préméditation », avec trois de ses collègues présents au moment des faits, poursuivis, eux, pour aide et complicité. Ces derniers rejettent la responsabilité de la tragédie sur leur chef d’équipe. Un procès qui s’ouvre au moment où Houston, la ville du Texas où s’est installée la famille du défunt depuis son enfance et qui l’a vu grandir, s’apprête à accueillir sa dépouille.  Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce procès fera date dans l’histoire des Etats-Unis. Car, c’est justement ce genre de cas à la limite du fait divers au départ, qui sont de nature à marquer l’histoire, dans un sens comme dans l’autre.

Si justice est convenablement rendue à George Floyd, ce sera un signal fort

Et dans le cas d’espèce, on peut dire que c’est l’indignation quasi générale suivie de la forte mobilisation à l’échelle mondiale, qui a abouti à l’ouverture accélérée de ce procès contre le présumé meurtrier de George Floyd. Et maintenant que les faits ont largement dépassé les frontières des Etats-Unis et que le monde entier a désormais les yeux rivés sur le pays de l’Oncle Sam, c’est peu de dire que la Justice américaine est face à ses responsabilités. En effet, si le dossier est bâclé, cela va doucher les espoirs de tous ceux qui ont été choqués par le triste spectacle de cette arrestation musclée à forts relents de racisme et qui réclament justice. Aussi l’histoire retiendra-t-elle cela contre la Justice américaine qui pourrait être comptable d’éventuelles conséquences d’un verdict jugé trop clément à l’égard du policier tueur. Mais, au contraire, si justice est convenablement rendue à George Floyd, ce sera un signal fort qui marquera indubitablement un tournant dans la lutte contre le racisme aux Etats-Unis voire dans le monde. Car, en plus de servir de leçon, ce jugement pourrait permettre d’apporter un éclairage nouveau sur les tenants et les aboutissants d’une pratique nauséabonde qui semble avoir la peau dure aux Etats-Unis où les Noirs passent, à bien des égards, pour les damnés d’un système qui ne semble répondre qu’à la loi des suprématistes blancs. C’est pourquoi il faut espérer que ce procès qui se veut aussi pédagogique, se déroule dans les règles de l’art et que Dereck Chauvin soit puni pour l’exemple. Car, l’officier tueur qui fait aussi l’objet de dix-huit plaintes en vingt ans de service dans la police, n’est pas à sa première gaffe. Mais pour un passif aussi lourd, il ressort qu’il n’a curieusement écopé en tout et pour tout, que de deux petites lettres de réprimande. Pourtant, selon des sources, il est impliqué dans au moins trois interpellations mortelles, en 2006, 2008 et 2011.

Il y aura désormais un avant et un après-George Floyd

Comment vouloir que dans ces conditions, Dereck Chauvin ne se sente pas encouragé d’une façon ou d’une autre par un système qui lui a jusque-là été favorable ? En tout cas, quand il appuyait son genou sur le cou de George Floyd jusqu’à étouffement, il était certainement loin de s’imaginer qu’il posait là un acte qui entrerait tristement dans l’histoire. La suite appartient désormais à la Justice américaine qui est véritablement attendue au pied… du verdict. Et on a autant de raisons d’espérer que Dereck Chauvin sera puni pour l’exemple, que d’être sceptiques. Car, si la requalification des faits, « d’homicide involontaire » à « homicide volontaire sans préméditation », et les poursuites engagées contre les autres policiers pour aide et complicité alors qu’ils n’étaient même pas inquiétés dans un premier temps, permettent d’entretenir l’espoir que le drame est pris au sérieux, il n’en demeure pas moins qu’aux Etats-Unis, la Justice a ses raisons et ses subtilités que la raison du citoyen lambda ignore.  En tout état de cause, quelle que soit l’issue du procès, tout porte à croire qu’il y aura désormais un avant et un après-George Floyd. Déjà, le conseil municipal de Minneapolis s’est « engagé à démanteler les services de police tels que nous les connaissons dans la ville de Minneapolis et à reconstruire avec notre population, un nouveau modèle de sécurité publique qui assure vraiment la sûreté de notre population ». La ville de Seattle, de son côté, a prohibé le recours à certains types de gaz lacrymogènes et le maire de New–York se veut désormais très regardant sur les interventions des forces de l’ordre. C’est dire si le mouvement « Black lives matter » qui a pris une ampleur inattendue à l’occasion de la mort de Georges Floyd, est en train de faire bouger les lignes aux Etats-Unis. C’est déjà cela de gagné.

 « Le Pays »


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