HomeA la unePROCES DU PUTSCH : «Je n’ai lapidé ni tué personne », dit le sergent Amidou Pagabelem

PROCES DU PUTSCH : «Je n’ai lapidé ni tué personne », dit le sergent Amidou Pagabelem


 

 

Le sergent Amidou Pagabelem a comparu à la barre toute la journée d’hier pour la suite de son audition qui  a pris fin quelques minutes après 17h, dans la soirée. L’accusé a rejeté les faits à lui reprochés.

 

L’audition du sergent Amidou Pagabelem s’est poursuivie dans l’après-midi du 29 août dans la Salle des Banquets de Ouaga 2000, devant le Tribunal militaire. A noter que ce militaire est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, dégradation volontaire aggravée de biens. Des chefs d’inculpation que l’accusé rejette. A la question de Me Awa Sawadogo, avocate de la partie civile, de savoir  qui a enlevé le matériel à la radio Savane FM, l’accusé indique que ce sont les éléments de son équipe et ceux du sergent-chef Roger Koussoubé. En toute sincérité,  la mission à Savane FM constitue-t-elle une mission militaire ou non, poursuit-elle ? Réponse du sergent Pagabelem : c’est une  autorité militaire qui m’a confié  la tâche. A propos de la radio pirate (108.0, considérée illégale par le président de l’ARCEP selon l’accusé) dont ils sont allés couper l’émission (à Savane FM), Me Awa veut savoir s’il appartenait au Sergent et à ses camarades d’arrêter une radio dite illégale. «C’est au colonel Deka qui nous a envoyés, de répondre à cette question», dit-il.  Pour l’avocate, on ne peut pas détacher les actes posés du comportement de leurs auteurs. Elle indique que ce que le sergent Pagabelem et le sergent Badoum veulent  cacher, sera révélé. Me Neya, un autre avocat de la partie civile, veut comprendre pourquoi les militaires, dont le sergent Pagabelem, sont partis de la radio Omega où ils ont été, sans éteindre l’incendie qui ravageait les engins. «On ne pouvait pas le faire sans extincteur», répond le sergent. Prenant la parole, le conseil de l’accusé, Me Tougouma, indique que le parquet a des difficultés à caractériser l’infraction reprochée à son client. Le seul signal, c’est qu’il y a une très grande complexité qu’il faut simplifier et son client ne se reconnaît pas dans les faits, «et les faits sont têtus», dit-il. Me Awa Sawadogo non plus n’apporte pas les preuves de ce qu’elle avance, selon le conseil de l’accusé. Son client a dit ce qu’il a fait dans le feu de l’action, dit-il, relevant qu’à l’audience on observe froidement les faits, ce qui n’est pas le cas pour l’accusé. Il pense qu’il y a lieu de faire la chronologie des faits, et qu’au tout début, personne ne pouvait dire qu’il s’agissait d’un coup d’Etat. Par rapport à l’incendie à radio Oméga, l’on ne saurait reprocher à son client de n’avoir rien fait. Le sergent qu’il défend, a d’ailleurs demandé que la vidéo soit visionnée aux fins de savoir comment lui et ses camarades militaires se sont comportés avec les journalistes, à leur arrivée à ladite radio.  Lorsque le parquet allègue que le sergent a fait son choix en ne quittant le camp Naaba Koom qu’à la veille de l’assaut qui a visé ce camp, Me Tougouma confie que «c’est à ne pas considérer qu’il était sous les ordres des chefs». Il n’a fait aucun choix, rectifie-t-il, sinon le choix d’un militaire qui suit ses chefs. Réagissant à la question de Me Yanogo qui demande à l’accusé si ce qu’il a fait comme mission entre dans l’intérêt de l’armée, Me Tougouma fait observer que ce n’est pas  au subordonné de l’apprécier ou de le définir. A Me Awa Sawadogo de la partie civile qui demande à l’accusé si une mission dans l’armée peut consister en la transmission d’un message, Me Tougouma répond, «oui, sans être militaire». Me Zanliatou Aouba de la défense ne pense pas que le procès pénal soit un débat d’opinions et demande au parquet de donner les qualifications criminelles des faits sur la base des lois, pour permettre d’opiner. Invoquant l’article 427 du Code de procédure pénale, elle demande au tribunal de fonder ses décisions, non sur des opinions comme le parquet et la partie civile veulent le faire croire, à l’entendre, mais sur des preuves contradictoirement discutées.

 

« Je ne savais pas que les ordres exécutés étaient exécutés dans le cadre d’un coup d’Etat »

 

Le sergent Pagabelem ne reconnaît pas les faits de coups et blessures volontaires sur 42 personnes, qui lui sont reprochés. Le parquet, en réaction aux avocats de la défense, fait une mise au point indiquant qu’il discute bel et bien des faits et non d’opinions, et précise que l’accusé a confié plus tôt avoir su qu’il s’agissait d’un coup d’Etat quand il partait à Kamboinsin, quartier Nord de Ouagadougou, pour arrêter un émetteur. Il estime que sur la base de l’article 67 du Code pénal, l’assistance du sergent aux auteurs du putsch est manifeste et les faits de coups et blessures volontaires lui sont imputables. Le conseil de l’accusé réfute cela, insiste pour que le parquet apporte les preuves de ses allégations, tout en précisant que son client n’a pas eu affaire à des manifestants et ne peut donc être auteur de coups et blessures sur 42 personnes. C’est un euphémisme de dire que Savane FM n’était pas en conformité avec la loi, relève Me Alexandre Sandouidi qui fait observer que certaines questions du parquet deviennent des «clauses de style» et celui-ci se base sur des éléments tendant à présenter les clients ou accusés comme des monstres, des êtres qui ne s’amendent pas, des êtres irrécupérables. «Les accusés ne sont pas des montres. Ils sont des frères, des chefs de famille qui ont fait montre de compassion pour les blessés et les morts»,  souligne-t-il. A la fin de l’audition du sergent Pagabelem Amidou, son conseil, Me Tougouma, a fait observer que le sergent Pagabelem est technicien affecté à la Transmission, donc la personne indiquée pour arrêter les émetteurs.  Elément du Groupement de compagnie et de service (GCS), il s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment, confie son avocat selon qui le sergent a disparu après ses missions du 17 septembre. Lui opposer l’ordre manifestement illégal en sa qualité de sergent, c’est trop lui demander, mentionne-t-il. Pour lui, tout ce qui se dit n’est que supputations. Il demande par conséquent au parquet d’apporter la preuve des quatre chefs d’inculpation qu’il échoue à établir, à son avis. Avant de quitter la barre, le sergent dit ceci : «Je n’ai lapidé, tapé ni tué personne». Il dit n’avoir pas su que les ordres reçus et exécutés l’avaient été dans le cadre d’un coup d’Etat … et du même coup, présente ses condoléances aux familles des disparus et souhaite prompt rétablissement aux blessés.

Lonsani SANOGO

 

 


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