PROCES DU PUTSCH MANQUE « Je n’ai jamais porté un message du général Diendéré » (Sergent-chef Roger Koussoubé )
Les auditions complémentaires devant le Tribunal militaire, dans le dossier du putsch manqué de septembre 2015, se sont poursuivies avec le passage du sergent-chef Roger Koussoubé dit « le Touareg » à la barre le 22 janvier 2019. L’accusé a dit maintenir ses déclarations antérieures, même s’il a apporté quelques éléments de précision à travers ses réponses aux questions des avocats de la partie civile.
Peu après 9h, dans cette matinée du 22 janvier, le sergent-chef Roger Koussoubé repasse à la barre pour une audition complémentaire dans le cadre du putsch. Quand le président du tribunal lui demande de revenir sur les faits ayant précédé l’arrestation des autorités de la Transition le 16 septembre 2015, il explique qu’il était en ville lorsque l’adjudant Jean Florent Nion l’a appelé pour qu’il rejoigne le camp. L’adjudant le fait ensuite appeler par le caporal Sami Da et le sergent-chef Mohamed Lowoko Zerbo autour de 13h. Lorsqu’il arrive au camp vers 14h 30, il voit les véhicules de l’adjudant Nion et de l’adjudant-chef Moussa Nébié alias Rambo en position pour aller chercher le général Diendéré. Il embarque avec l’adjudant Nion, pour, dit-il, comprendre pourquoi il l’a appelé. « C’est une énième crise », lui a dit l’adjudant, raconte-t-il. Arrivé chez le général, il entre, observe depuis la porte et n’aperçoit pas le général ; il ressort de la cour, et se met en retrait, selon son récit. Lorsque le parquet veut comprendre comment le caporal Sami Da s’est retrouvé dans le dispositif de sécurité du général, le Touareg indique que c’est en remplacement de sa personne, puisqu’il avait refusé d’être de ladite sécurité à la demande du major Badiel qui lui a demandé si un autre élément de son groupement (le Groupement des unités spéciales) était à côté. En réponse, il donne le nom du caporal Sami Da qui est du même GUS que lui. Ce qui explique le fait que le caparol s’est retrouvé dans le dispositif de sécurité devant escorter le général. Le Touareg précise que c’est l’adjudant-chef major Eloi Badiel qui a articulé les éléments du dispositif de sécurité. Lorsque le parquet rappelle que l’adjudant-chef major Badiel a dit que c’est le sergent-chef Koussoubé qui est venu lui dire que le général a instruit de faire un coup d’Etat, le sergent-chef Koussoubé réplique : « C’est archifaux de dire que le général m’a demandé de faire un putsch ». Il ajoute que si cela était vrai, on devrait le mettre aux arrêts, en tant que subalterne. Il rappelle que sa relation avec le major Badiel était tendue et c’est grâce à la médiation de Nion que celle-ci s’est apaisée. « On se salue, mais je ne m’assois jamais avec lui », précise le Touareg. Quand le parquet revient sur les questions de clans au RSP, indiquant que le colonel- major Kiéré avait dit qu’il existait des pro-Bassolé, le clan de Zida et des non-alignés, le sergent-chef Koussoubé dit qu’il ne revient plus sur la question des clans au RSP. Le parquet rappelle que le sergent-chef Koussoubé a dit être arrivé à la présidence le 16 septembre quand les éléments s’apprêtaient à donner l’assaut. « Je n’ai jamais dit ce que le parquet vient de dire ; qu’il laisse les notes et relise mes procès-verbaux d’audition », s’offusque-t-il, précisant qu’il se rappelle être arrivé à la présidence lorsque l’adjudant-chef Moussa Nébié disait d’aller chercher le général Diendéré.
« Ce n’est pas la faute de Koussoubé, si les gens ont eu la bienveillance du parquet, dans l’objectif de faire du procès un pétard mouillé »
Lorsque le parquet fait lecture de la déposition de certains accusés qui le mettent en cause, le sergent-chef Koussoubé confie que les gens font une confusion de dates, et confie au président du tribunal ceci : « M. le président, vous allez m’acquitter comme dans les autres dossiers », indiquant que celui-là même qui est l’organisateur de la chose (du putsch) a dit que lui, sergent-chef Koussoubé, n’a rien fait. « Je n’ai jamais porté un message du général », renchérit-il. Me Alexandre Sandouidi, conseil de l’accusé, confie dès son intervention : « Si ce putsch avait réussi, je ne suis pas convaincu que Koussoubé en aurait un bénéfice ». Il déplore l’attitude du parquet qui ressasse, selon lui, les mêmes choses dans une audition complémentaire. « Si tout le monde fait le jeu du parquet, on est parti pour encore un an », lance-t-il. A propos de son client, il indique que « tout ce qui le lie dans cette galère, ce sont ses propres aveux ». Koussoubé, dit-il, peut bien avoir des raisons de croire que les gens lui en veulent. « Des gens manipulés, instrumentalisés qui ont pu l’accabler », à entendre Me Sandouidi. Et d’ajouter que son client n’a pas participé au putsch, et « ce n’est pas la faute de Koussoubé, si les gens ont eu la bienveillance du parquet, dans l’objectif de faire du procès un pétard mouillé ». Il n’y a pas d’éléments matériels pour soutenir les accusations à l’encontre du sergent-chef Koussoubé, de l’avis de Me Sandouidi, sauf à considérer que l’on est dans un procès politique, à son avis. L’autre conseil de l’accusé, Me Michel Traoré, souligne qu’il n’y a aucun élément factuel concret, aucune preuve matérielle pouvant étayer la participation du sergent-chef au putsch. « Pourquoi vouloir nous habiller d’un costume qui n’est pas notre taille ? », s’interroge-t-il. Pour lui, « lorsque vous vous portez mandant d’un pustch, votre rôle ne se limite pas à dire d’aller faire le putsch ». Me Zanliatou Aouba, un des avocats de la défense, a estimé qu’il y a des dérives lorsque des avocats de la partie civile tentent de séparer les propos de l’accusé de ceux de ses conseils. Les accusés ont évolué dans leurs déclarations alors que le parquet interroge les PV de première comparution, selon elle. Pour la manifestation de la vérité, elle demande qu’on tienne compte des évolutions dans les déclarations des accusés. Les avocats de la partie civile n’ont pas manqué de mettre les choses à l’endroit, au cours de leurs interventions. Quand il prend la parole le premier, Me Guy Hervé Kam fait observer que les conseils de l’accusé ajoutent de la confusion à la confusion. « On s’attendait à des révélations comme le sergent-chef l’avait promis ». Après une série de questions posées à l’accusé, il passe la parole à son collègue, Me Farama. Il veut comprendre pourquoi le sergent-chef Koussoubé s’est articulé dans un groupe déjà articulé pour une mission chez le général Diendéré. Sur le fait que l’accusé se soit retrouvé à la radio Savane FM « par curiosité », l’avocat lui demande si militairement il est possible d’aller assister une mission par curiosité. « Oui », réagit l’accusé. Plus loin, face aux questions, le sergent dit à l’attention de l’avocat qu’il ne souhaite plus revenir sur des choses qu’il avait déjà dites. Pour l’avocat, cela est compréhensible parce que l’accusé constate qu’il défend des positions illogiques. L’audition du sergent-chef Koussoubé continue ce matin au Tribunal militaire.
Lonsani SANOGO