HomeOmbre et lumièrePROCES DU PUTSCH MANQUE « Loin d’être un émissaire de Macky Sall, Me Mamadou Traoré était le conseiller juridique de Diendéré », :selon le parquet

PROCES DU PUTSCH MANQUE « Loin d’être un émissaire de Macky Sall, Me Mamadou Traoré était le conseiller juridique de Diendéré », :selon le parquet


Me Mamadou Traoré, Bâtonnier au moment des évènements du putsch manqué, est accusé de « complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres et coups et blessures ». Il était à la barre le 22 novembre dernier pour répondre des faits à lui reprochés. Au deuxième et dernier jour de l’audition de Me Mamadou Traoré, le parquet déclare que l’ancien Bâtonnier a été le conseiller juridique du Général Diendéré au moment des faits. Mais celui-ci balaie du revers de la main cette déclaration.

« Je ne sais pas en quoi j’ai été le conseiller juridique du Général », rétorque le Bâtonnier Me Mamadou Traoré au parquet qui déclare que « loin d’être un émissaire de Macky Sall, Me Mamadou Traoré était le conseiller juridique du Général Diendéré ». Se fondant sur le fait que Me Mamadou faisait partie de la délégation du Général pendant la rencontre de Laïco avec les émissaires de la CEDEAO, le parquet militaire soutient qu’on ne peut faire partie d’une délégation lorsqu’on ne partage pas certaines valeurs avec l’intéressé. Tout compte fait, Me Mamadou Traoré martèle qu’il ne reconnaît pas les faits «  de meurtres et de coups et blessures ». Le Bâtonnier s’offusque : « Voir que je suis accusé de meurtres, de coups et blessures sans porter une arme, c’est catastrophique. Je n’ai ni tué ni accepté que l’on tue parce que ça ne fait pas partie de mes valeurs. C’est une fois dans ma carrière que j’ai soutenu la peine de mort mais … ». A ce moment précis, l’émotion s’empare de l’avocat, il est au bord des larmes, il s’arrête de parler. Le parquet empare de la parole : « A travers le déroulement des faits, contrairement à ce que l’accusé affirme, il n’est pas rentré à minuit mais il est resté très tard au camp Naaba Koom II. Et c’est la raison pour laquelle le colonel-major Saïdou Yonaba, le capitaine Zoumbri, le capitaine Korogo, dans leurs différentes déclarations, ont dit l’avoir vu le 17 matin à la fin de la rencontre avec les sages ». Me Mamadou Traoré s’en défend : « Si la déclaration est partie à 4h du matin à la RTB, qu’est-ce que je faisais à 7h du matin au camp d’autant plus que je n’habite pas loin du camp ? ». Le parquet revient à la charge en affirmant qu’il ne voulait accabler personne, mais que son argumentation repose sur des « éléments factuels ». Le ministère public, dans sa logique, déclare que les infractions de meurtres, de coups et blessures ne sont que des conséquences « de la complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat ». Tout compte fait, il ajoute que Me Mamadou Traoré a apporté un soutien, une assistance et une aide à la réalisation de l’infraction d’attentat à la sûreté de l’Etat. Et qu’il a aidé et assisté à travers la déclaration du CND. Comme les co-auteurs sont responsables au même titre que les auteurs, il est aussi responsable des faits qui lui sont reprochés.

« Nous ne donnons jamais de coups en bas de la ceinture»

Auparavant, au tout début de l’audience, le parquet tient à souligner qu’il ne s’acharne pas sur l’accusé et qu’il pose les questions avec fermeté, sincérité et courtoisie. « Nous sommes restés en harmonie avec notre serment qu’on ne nous accable pas outre mesure », fait signifier le parquet avant de souligner que « le danger serait de confiner les gens à un service minimum. Il faut que les gens évitent de penser que comme l’accusé est une robe noire, nous allons aménager un boulevard pour lui. Nous allons y aller sans haine, sans sentiment». Pour faire ressortir les éléments constitutifs de l’infraction, le parquet trouve que c’est curieux que ce soit Me Traoré que le président Macky Sall ait appelé. « Pourquoi n’a-t-il pas appelé directement le Général Diendéré ? », interroge-t-il « En plus, le parquet insinue que l’ambassade du Sénégal existe au Burkina Faso ; pourquoi n’avoir pas envoyé cet ambassadeur, qui a une immunité diplomatique, chez le Général Diendéré ? », poursuit le parquet « Curieux qu’il vous choisisse vous, pendant que la situation était trouble ». Mais l’accusé ne trouve rien de curieux au fait que ce soit lui que le président Macky Sall ait choisi comme émissaire. Comme pour étayer ses propos, le Bâtonnier affirme que le président Alpha Condé est aussi passé par lui pour parler au Général. « Le président Macky Sall n’est pas obligé de passer par sa représentation diplomatique. Il y a des représentations diplomatiques, mais cela n’empêche pas de passer par un émissaire pour faire passer un message. Revenons à nos moutons. Qu’est-ce qui va m’amener à aller amender une déclaration dans un camp militaire ? Et même si le général était mon client, je n’ai pas l’habitude de travailler chez mes clients. Ce procès, c’est un Torquemada. Chacun raconte des choses pour sauver sa tête », insiste le Bâtonnier qui martèle : « je ne peux rentrer dans le schéma mental des uns et des autres. Je n’avais rien à faire au camp Naaba-Koom II après avoir transmis le message du président Macky Sall ». Mais le parquet laisse entendre : « Nous ne donnons jamais de coups en bas de la ceinture. Nous avons des pièces et nous les utilisons ».  L’accusé, le Bâtonnier Mamadou Traoré, a comme conseil, deux Bâtonniers, Me Patrick Monter du Cameroun et Me Moussa Coulibaly du Niger. Ce dernier fait comprendre que dans cette affaire, Me Mamadou Traoré n’a exercé que sa profession. « Il est allé au camp parce qu’être avocat est un sacerdoce et il a été sollicité. Et il a prêté son sacerdoce pour rétablir la légalité pendant que certains étaient sous leurs lits ». Le Bâtonnier Moussa Traoré trouve que la mission d’émissaire fait partie des prérogatives de l’avocat. En tout état de cause, le Bâtonnier Patrick Monter ajoute : « je suis triste pour mon ami, le Bâtonnier Mamadou Traoré qui est un homme d’honneur. Cela me choque qu’il soit traîné au banc des accusés parce qu’il n’a rien fait ».

Françoise DEMBELE

 

* Le malaise de Me Prosper Farama

« C’est peiné que je prends la parole. Quand quelque chose me fait rire, je ris. Quand quelque chose me fait pleurer, je pleure. Je suis entier. Je suis gêné, quelle que soit la sanction qui sera infligée à Me Mamadou Traoré. J’ai dit que je suis gêné mais je n’ai pas invoqué la confraternité. Nous fréquentons la même chapelle mais nous ne prions pas le même Dieu. Je refuse que les avocats qui se présentent comme étant le glaive de la justice, s’offusquent quand l’un d’eux est attaqué et qu’on dise « comment pouvez-vous attaquer un avocat dans l’exercice de ses fonctions ? » C’est comme un crime de lèse-majesté. Mais l’avocat est-il un Dieu ? Même Dieu, on l’attaque. Je ne cautionne pas ce comportement au nom de la confrérie. Au lieu de faire des déclarations en faveur du Bâtonnier, les avocats de l’UEMOA auraient dû condamner l’atteinte aux vies humaines. S’il fallait choisir entre l’avocat et les victimes, je choisirais de défendre les victimes. C’est cela défendre la justice et c’est cela défendre la confraternité.
Le barreau n’est pas le Bâtonnier. Il est le flambeau, l’étendard des valeurs, le défenseur des libertés individuelles. Je pense que les bâtonniers de l’UEMOA ont fait la déclaration sans consulter la base. Il est préférable, en amont, de défendre un Etat de droit que de défendre des règles de procédures. Il n’est pas nécessaire de laver une plaie quand on ne se lave pas soi-même.  Le Débat de la justice et du droit ressemble au débat de la religion. La neutralité, contrairement à l’impartialité, n’existe dans aucune juridiction du monde. Dans le procès de Staline, il est dit qu’« il est vain d’attendre d’un juge qu’il soit neutre. Si on demande à un pédophile de juger un autre pédophile, ce ne sera jamais pareil que de demander à un juge musulman ou à un juge chrétien de juger un pédophile. Le juge n’est pas Dieu. Et le droit est un fait social. Je ne refuse pas que le Bâtonnier soit jugé mais si je me sens gêné, je le dirai. Je refuse d’entrer dans le jeu de la confraternité en envoyant un mauvais message. Un avocat dans l’exercice de ses fonctions, peut-il être jugé ? Oui. Le principe de la justice est que tous répondent devant la même juridiction et au même degré. »

Rassemblés par FD

 

* Le réquisitoire de l’accusé Me Mamadou Traoré

«Monsieur le président du tribunal, je suis soulagé et je voudrais vous remercier sincèrement. On a dit que j’étais une haute personnalité, mais quand je suis arrivé à la MACA (Maison d’arrêt et de correction des Armées), j’ai été conduit dans le quartier des sous-officiers. L’adjudant Rambo et ses compagnons de cellule, ils étaient huit, m’ont accueilli de façon émouvante. Durant tout mon séjour, j’ai bénéficié de leur attention. Ils ont rendu cette incarcération humaine. Je pense qu’il y a eu beaucoup d’excès. Il a été dit ici que j’ai eu la chance parce qu’en d’autres temps, on m’aurait fusillé et je serais actuellement à deux pieds sous terre. J’ai été étonné que cela vienne de mes confrères. Etant jeune, j’ai été acteur de la révolution qui a commencé par des morts violentes. Il y a eu des exécutions sommaires. C’est après que j’ai réalisé qu’il y avait un problème. Le propre de la démocratie, c’est qu’il n’y ait plus cela et le Tribunal militaire a été créé pour cela. Quand on fait un zapping historique pour dire que d’autres n’ont pas eu cette chance, est-ce qu’il faut revenir en arrière ? Ce sont des réflexions qui conduisent à l’exclusion. Il y a eu beaucoup d’excès. Le procès ne doit pas être un moment de haine. C’est un moment de justice et de vérité. Je préfère de loin un Tribunal militaire à un Tribunal populaire ».

* « J’ai soutenu la peine de mort à une seule occasion »

Sous le coup de l’émotion, ils ne sont pas nombreux ceux qui arrivent à se retenir. Et le Bâtonnier Me Mamadou Traoré est passé par là le 22 novembre 2018, au deuxième jour de son interrogatoire. En effet, quand il lui a été notifié les chefs d’accusation de «  meurtres et de coups et blessures », le bâtonnier a affirmé n’avoir pas tué et que tuer ne faisait pas partie de ses valeurs. Mais il se souvient : « la seule fois où j’ai soutenu la peine de mort », l’avocat n’a pas pu terminer sa phrase parce qu’il était au bord des larmes. Après un certain temps, le temps qu’il se ressaisisse, il parvient à s’expliquer : « La seule occasion où j’ai soutenu la peine de mort, c’est quand l’épouse d’un de mes enseignants, Pr Meyer, a été sauvagement assassinée. C’est à cette seule occasion que j’ai soutenu la peine de mort ».

Rassemblés par FD


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