HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : Quand le Général Diendéré demande pardon aux victimes

PROCES DU PUTSCH MANQUE : Quand le Général Diendéré demande pardon aux victimes


L’audition du Général Diendéré s’est poursuivie à Ouaga 2000 au Tribunal militaire le 4 décembre 2018. Avant que les avocats de la partie civile ne prennent la parole pour leurs questions, le Général a fait acte de contrition en demandant pardon aux parents des victimes : « A vos yeux, je parais comme l’auteur de tous vos maux, je demande pardon ».

L’audition du Général en cette matinée du 4 novembre a commencé avec un débat sur le communiqué du CEMGA qui appelle à éviter un affrontement entre militaires. Une pièce à décharge que la défense exploite alors que les autres parties ne semblent pas l’avoir. Une pièce visiblement à charge contre la hiérarchie militaire dont l’un des avocats du Général indique la source du dossier dans lequel elle a été versée, alors que la partie civile souhaite qu’elle soit écartée. « A chaque fois qu’un élément décharge mon client, il y a un tollé qui résonne », réagit Me Dégli, un des conseils du Général. A une de ses questions, le Général répond et indique qu’on lui a fait recours chaque fois qu’il y a eu crise parce qu’il était considéré comme une autorité morale, étant donné qu’il n’avait plus de fonction au RSP. Le Général indique qu’en 2015, il était l’un des plus anciens, depuis 1982, à avoir connu toutes les péripéties au niveau du RSP né en 1996 des cendres du CNEC de Pô, dirigé par le capitaine Blaise Compaoré, dont il était l’adjoint avec le grade de sous-lieutenant. Il rappelle ses missions quand il était chef d’état-major particulier de la présidence du Faso. Me Dégli, son conseil, lui pose une séries de questions.
Le général indique qu’en s’adressant au commandant Korogo, chef de corps du RSP, c’était en termes de conseils et non des ordres qu’il lui donnait puisqu’il n’était pas son supérieur hiérarchique. De ce fait, si le commandant refusait les conseils, confie-t-il, «  je n’avais pas la possibilité de le sanctionner ». « S’il y a des personnes qui devaient être entendues après moi, c’est bien les membres de la hiérarchie militaire. Puisque ce sont eux que j’ai contactés dès que j’ai appris ce qui est arrivé le 16 septembre 2015 à la présidence », confie le Général qui déplore que ce soit en septembre 2016 que certains membres de la hiérarchie aient été entendus, après qu’ils ont refusé de comparaître 2 mois plus tôt. Le Général fait observer que sous le président Compaoré, il n’y avait pas de problème avec le RSP et il a fallu que le Premier ministre (un du RSP en plus) soit militaire pour que le RSP eût des problèmes avec lui. Il rappelle que tout le monde dans l’Armée, avait voulu que le Premier ministre soit remplacé par un civil. « Etait-ce une revendication politique ? », veut savoir son conseil. « Oui, je peux le considérer tel », répond le Général. Après qu’il a porté sans succès les revendications du RSP à la hiérarchie, il passait pour un traître aux yeux des hommes, à l’entendre. « Quelqu’un qui les menait en bateau », dit-il, cela d’autant plus que le président Michel Kafando avait rencontré les hommes pour leur dire que le RSP ne sera pas dissout sous son mandat alors que le corps va être dissout le 25 septembre 2015. Lorsque son conseil demande à savoir les actes que le Général a assumés, celui-ci indique « la prise du pouvoir le 17 septembre 2015 après que l’on a constaté, ensemble avec la hiérarchie militaire, la vacance du pouvoir et après l’accord de la hiérarchie d’assurer le maintien de l’ordre ». Le pouvoir du CND va du 17 au 23 septembre 2015. Une semaine au cours de laquelle le Général dit avoir fait beaucoup pour éviter que la situation nationale n’empire. Il convoque des éléments de l’histoire du Burkina Faso, à savoir le coup d’Etat de 1983 contre le Commandant Jean-Baptiste Ouédraogo. Il fait un acte de contrition après 10 minutes de suspension de l’audience, avant que les avocats de la partie civile ne prennent la parole pour leurs questions. Extrait : « J’étais conscient de l’humiliation que j’allais subir et la lourdeur de la peine que je risque. Ce qui paraissait important,… c’est de donner la vérité au peuple et aux parents des victimes. Je porte la responsabilité du changement du régime le 17 septembre 2015. Pour sa planification, son exécution, on pourra en discuter. A vos yeux, je parais comme l’auteur de tous vos maux, je demande pardon ». Et c’est Me Somé Séraphin qui, le premier, prend la parole pour d’abord rappeler les 5 chefs d’inculpation du Général, à savoir attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, incitation des militaires à commettre des actes contraires à la discipline, trahison. Il se réjouit de voir le Général relativement en bonne santé comparaître devant un Tribunal militaire, signe que les mœurs politiques ont changé au Burkina, selon ses mots. Il rappelle les éléments de frustrations du peuple, du fait des agissements du RSP. Le RSP, vu comme un pan de l’armée dont les éléments, « des enfants gâtés », étaient bien traités, plus aimés du Père (le président Compaoré qui leur accordait des « papas merci ») alors que les autres « enfants », en l’occurrence le reste de l’Armée, ruminait sa colère, ses frustrations sans broncher.

« A la croisée des chemins, le Général ne s’assume pas »

Réagissant au général qui a fait observer que la Transition a fait pire que ce qui était combattu en termes de gouvernance, l’avocat rappelle que la démocratie était verrouillée sans possibilité d’alternance politique avant, des pans entiers de l’économie étaient entre les mains d’une famille ou d’un clan, sans que le RSP ne réagisse ! Le RSP passe pour une milice qui se découvre une vocation de justicier pendant la Transition au point de faire un putsch, selon l’avocat. Une imposture que de considérer le RSP comme un redresseur de torts, ajoute-t-il. Il rappelle pêle-mêle les coups d’Etat antérieurs en 1982, 1983 et 1987, les tueries de Koudougou en 1989 et l’assassinat des officiers militaires la même année, le dossier Dabo Boukari, l’assassinat du journaliste Norbert Zongo à l’attention du Général, sans oublier de mentionner que ce même RSP a fait fuir le président Compaoré en 2011. « C’est comme si dans les gènes du RSP, on a inscrit la violence, la mort, les assassinats. C’est ce que notre histoire récente nous dit », relève l’avocat qui ajoute que « le RSP était comme un serpent dans la culotte d’un homme ». Quand Me Farama prend la parole à la suite de son collègue de la partie civile, c’est pour rassurer d’abord le Général, lui indiquant qu’il n’a aucun esprit de revanche ni animosité à son égard. Il se désole de voir qu’on arrive à « un coup d’Etat sans auteur, comme si des fantômes pouvaient faire un coup d’Etat », puisque, selon l’avocat, le Général dit avoir assumé le coup sans en connaître les auteurs. Il se réjouit aussi que le Général ait convoqué des éléments de l’histoire avant de lui rappeler, point par point, des dates importantes et des faits tragiques de cette histoire où le Général semble avoir posé des actes au cours de sa carrière militaire. Pour lui, le RSP est qualifié de milice parce que le corps était voué à la défense d’un individu. Il veut comprendre si l’on peut faire un coup d’Etat avec l’assentiment de la hiérarchie militaire. A la question, le Général répond en rappelant les coups d’Etat antérieurs survenus au Burkina, avant de confier qu’on a besoin d’un minimum de soutien des chefs militaires. Un avis que l’avocat ne partage pas. Pour lui, à la croisée des chemins, le Général ne s’assume pas. L’audition du Général continue ce matin au tribunal militaire.

Lonsani SANOGO

Dialogue entre Diendéré et Me Dégli

– Vu votre longévité dans l’armée, étiez-vous une autorité morale ?
– Oui, en effet !
– Est-ce pour cela qu’on recourait à vous chaque fois qu’il y a problème au RSP ?
– Oui !
– Pendant la crise, vous a-t-on contacté parce que vous étiez commandant ou une autorité morale ?
– Parce que je suis une autorité morale
– Quand les éléments sont venus vous chercher, aviez-vous un document de proclamation en poche ?
– Non, je n’avais ni document, ni projet de proclamation dans mes affaires quand je suis allé au camp
– Y avait-il sur vous d’autres documents relatifs aux crises antérieures ?
– Oui, puisque je notais toujours s’il y a crise et j’en parlais à la hiérarchie militaire !
– Quand est-ce que le document du CND a –t-il été élaboré ?
– Je l’ai rapidement élaboré lorsque les négociations ont échoué
– Pouvez-vous nous éclairer sur l’alerte que vous avez fait sonner ?
– En règle, on sonne l’alerte quand il y a problème au niveau du RSP pour élever le niveau de vigilance. En 2015, la situation commandait que l’alerte soit donnée.
– Pourquoi pensez-vous que certains de la hiérarchie devraient passer en procès comme vous ?
– Parce qu’accepter d’assurer le maintien de l’ordre est plus important que les actes que certains accusés ont posés, tels qu’appeler, faire des sms ou aller en mission. Leur attitude (hiérarchie) a été beaucoup plus déterminante que celle de ces co-accusés dans le box.

 


No Comments

Leave A Comment