HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE « Si je dois être condamné, que je le sois, mais ce serait sur la base d’écoutes fabriquées », dixit le Général Djibrill Bassolé

PROCES DU PUTSCH MANQUE « Si je dois être condamné, que je le sois, mais ce serait sur la base d’écoutes fabriquées », dixit le Général Djibrill Bassolé


L’audition du Général Djibrill Bassolé a repris le 7 janvier 2019 à partir de 9h 00 dans la salle d’audience du tribunal militaire de Ouagadougou après environ 2 semaines de suspension. Poursuivi pour  complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures sur 42 personnes et trahison, le Général de gendarmerie continue de rejeter les faits et demande au parquet de « faire la preuve de la fiabilité des écoutes téléphoniques aux origines douteuses » sur la base desquelles il est poursuivi, de son point de vue.

 

C’est un général de gendarmerie tout de blanc vêtu, assis sur une chaise, relativement très serein, assez disert, éloquent et très prudent qui fait face aux membres du tribunal militaire, l’air bien décontracté. Un Général maître de la parole qui fait montre d’un sang-froid jamais observé chez un accusé militaire à la barre et qui ne rate aucune occasion de mettre les choses à l’endroit lorsqu’il se sent agacé par les déclarations du parquet. A peine un parquetier lui a-t-il demandé son avis sur les écoutes téléphoniques que le Général de gendarmerie, qui les rejette catégoriquement pour leur « origine douteuse et leur non fiabilité », demande comment s’est opérée la retranscription desdites écoutes qui ont fuité pour se retrouver sur la place publique et sur les réseaux sociaux. Il laisse entendre que l’expertise des trois écoutes n’a pas été faite au Burkina puisque leurs intitulés sont faits en Anglais, dit-il. De ces écoutes téléphoniques, le Général indique que la gamme de fréquence dépasse les standards internationaux, selon les indications de l’expert allemand pour qui, dit-il, « le rapport d’expertise n’a pas une valeur judiciaire ». Ce qui lui fait dire que les éléments sonores ont été pris sur Internet. « Le juge d’instruction n’a pas produit un enregistrement classique original et l’enregistrement provient d’Internet », souligne le Général qui rappelle les propos de l’expert burkinabè qui a indiqué, à l’entendre, que la pièce audio mise en ligne ne peut être présentée comme l’enregistrement intègre d’écoutes téléphoniques classiques.  D’où viennent les enregistrements, qui les a réalisés, qui les a judiciarisés et comment ont-ils été diffusés avant même que le juge d’instruction n’en prenne connaissance, interroge avec insistance le général de gendarmerie ? Pour lui, ces éléments sonores ont été faits dans des conditions d’irrégularité totale et il ne souhaite pas en discuter à la barre, d’autant plus que c’est dans les médias qu’il en a pris connaissance. Lorsque le parquetier prend la parole, c’est pour dire au Général qu’il a pris l’hypothèse qui l’arrange dans les propos ainsi que la méthodologie  utilisée par l’expert. Et d’indiquer une partie des conclusions de l’expert selon lesquelles « les analyses acoustiques et linguistiques appliquées à la conversation n’ont produit ni indice, ni trace d’un trucage par montage. Et en cas de manipulations détectées, selon les conclusions citées, il faudra présenter les endroits pour une analyse appropriée ».  Le parquetier rappelle qu’à l’interrogatoire au fond le 8 décembre 2015 devant le juge, le Général a émis des réserves sur les conditions de production des éléments sonores qu’il a qualifiées « d’irrégulières et d’anticonstitutionnelles ». mais le Général se souvient qu’entre l’obtention des éléments sonores par le juge et leur obtention par les Officiers de police judiciaire, il s’est passé une large diffusion desdits éléments sur tous les médias du monde, selon lui. Comment alors, le parquet peut-il expliquer cela, questionne le Général  qui rassure le parquet qu’aucune espèce d’entorse n’existe entre ce qu’il a dit au juge et sa conviction profonde aujourd’hui à la barre ? Lorsque le parquet fait la lecture des messages échangés entre le Général Bassolé et d’autres interlocuteurs,  des messages qui l’incriminent, le général confie à l’endroit du procureur : Vous avez raison dans la lecture et la relation  des faits, et c’est là que l’énigme demeure. Le juge a reçu des OPJ, des éléments sonores sous scellés alors qu’ils ont été diffusés sur la place publique, dit le général. Ont-ils fuités ? Le juge les a-t-il puisé sur internet ? « Comment un élément capital comme preuve, établissant ma culpabilité  dans un crime aussi grave a-t-il  pu se retrouver sur Internet sans affecter sa fiabilité, son authenticité ?», se demande le Général.

 

Quelles parties des écoutes téléphoniques ont pu se retrouver sur internet, demande le parquet au général ?

 

Je n’ai pas accès à Internet. Même en situation de liberté provisoire, le gouvernement m’en a interdit l’accès, répond le Général Bassolé.Lorsque le parquet fait lecture des conversations téléphoniques entre le Général et certains de ses interlocuteurs comme le Commandant Damiba, et demande une réaction du Général, il répond : « Oh là là ! Vous me demandez un incroyable exercice ! Vous êtes habile, il faut que vous arrêtiez tout de suite sinon nos chemins vont se séparer parce que je ne vais pas du tout répondre  aux questions ». Des « enregistrements sauvages », selon les propos du Général. Lorsque le procureur continue à dire qu’il va lire d’autres enregistrements sonores à l’intention du général pour qu’il se prononce à propos, le général dit avec fermeté : « Pour la dernière fois, je dis et je répète : je ne souhaite pas du tout faire le moindre commentaire sur ce que vous appelez éléments audio ou sonores dont je doute de la régularité de leur production et de leur authenticité. Vous en ferez ce que vous voulez ». Le parquet fait une longue lecture des conversations téléphoniques entre le Général Bassolé et l’actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro. Une lecture qui révèle, à travers le contenu des éléments, ce que d’aucuns qualifieraient de  « vrai plan de déstabilisation du pays ». Une série d’échanges dans lesquels le Général Diendéré apparaît comme « un vaurien ». Le parquet prend soin de notifier au président du tribunal que le Commandant Damiba a été entendu et celui-ci a confirmé, soutient-il, que la conversation entre Bassolé et Soro visait à apporter un renfort aux éléments du RSP. Suit ensuite la lecture de la conversation par le parquet, entre les Généraux Bassolé et Diendéré à qui le premier suggère de créer l’incident qui permettra de défigurer tout dans l’Armée, d’après les éléments ou messages lus. Le parquet continue avec bien d’autres conversations entre le général Bassolé et d’autres inconnus, avec Fatouma Diawara. Des lectures qui ont duré presque 2h de temps et auxquelles le Général réagit en ces mots : « lire tout et n’importe quoi pour jeter le doute, la confusion dans l’esprit des gens », avant de préciser que la complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat reste la charge principale qui lui est reprochée et, ajoute-t-il, « c’est l’arrestation des autorités  de la Transition qui caractérise l’attentat à la sûreté de l’Etat ». « Au lieu de perdre le temps à lire des messages qui vont dans tous les sens, revenons à la réalité », lance-t-il à l’attention du parquet. Le seul élément dont dispose l’accusation, à son avis, c’est l’écoute téléphonique dont elle ne peut dire ni l’origine, ni l’authenticité, ni le mode d’enregistrement, clame le Général.

« Il jouait à un coup d’Etat dans le coup d’Etat »

 

A la reprise à 14h, le parquet fait savoir qu’il comprend l’embarras du Général qui refuse de répondre aux questions.  En réponse, le Général confie ceci : « je suis très embarrassé que  des magistrats de haut rang de la hiérarchie militaire manipulent des éléments sonores qu’ils considèrent comme des écoutes. J’ai été officier de police judiciaire (OPJ) et ai fait procéder à des écoutes, à des enregistrements, mais, nous n’osions pas dire au procureur que nous avions fait des interceptions d’écoutes téléphoniques  parce que c’est illégal ». Il ajoute : « Si je dois être condamné demain, que je sois condamné, mais ce serait sur la base d’écoutes fabriquées. Ça devient le procès des écoutes téléphoniques, c’est bien pour la jurisprudence et la doctrine, mais moi, j’ai besoin de me défendre ». Dans ses observations, le parquet indique que l’analyse des pièces montre que le Général Bassolé a incité le Général Diendéré et les éléments du RSP à résister, en lien avec des puissances étrangères dont la Côte d’Ivoire et Soro. « Il jouait à un coup d’Etat dans le coup d’Etat », dit le parquet, estimant que c’est à ce prix que les négociations allaient reprendre et sauver ainsi la face du RSP. Il était dans une posture pour créer le désordre militaire  qui allait lui profiter. Et la personne à laquelle on allait recourir serait lui. Sur le sergent-chef Roger Koussoubé qui a dit lors de son audition que le Général a un clan au RSP, le Général  dit ceci :  « je n’ai jamais eu de clan au RSP et n’ai jamais entretenu la notion de clan aussi bien chez les militaires que chez les hommes ». Il ajoute qu’au grand jamais, ni Badiel, ni Nion, ni Koussoubé, ni Rambo ne peut soutenir qu’il a eu un contact avec qui que ce soit parmi eux pour les inciter à faire un coup d’Etat. Lorsque le parquet revient aux conversations téléphoniques entre le Général Bassolé et un interlocuteur et demande son avis à propos, le Général rétorque : « je ne suis même pas sûr que vous avez compris ce que vous venez de lire.  Dites-nous d’où ça vient ! Comme nos mamans le disent, le jour de l’accouchement, il n’y a pas de honte ». L’auditions du Général se poursuit ce matin au Tribunal militaire.

 

Lonsani SANOGO

 

 

 Dialogue entre le Général Bassolé et le parquet

 

– Que dites-vous des écoutes avec Soro ?

Je ne souhaite pas y répondre.

– Avez-vous échangé avec Fatoumata Diawara ?

On peut gagner du temps, répond le Général.

– Avez-vous eu des conversations avec le commandant Damiba ?

Je ne souhaite pas revenir là-dessus.

– Vous avez nié avoir eu des conversations avec le Cdt Damiba qui a portant confirmé que vous aviez communiqué. Pouvez-vous nous dire la substance des la conversation ?

– Je n’entends pas répondre.

C’était pour soutenir le RSP, selon le Cdt Damiba, qu’en dites-vous ?

– Silence radio du Général !

– Ets-ce que le Cdt raconte des histoires ?

Mon procureur, vous pouvez passer à autre chose !

– Avez-vous remis de l’argent au couple Diendéré fils ?

Affirmatif !

– Cela n’est-il pas paradoxal que le couple vienne vous demander de l’argent  au moment où le Général Diendéré a remis 85 millions à des militaires ?

– J’ai déjà répondu à cela.

– Est-ce que les éléments téléphoniques sont vrais ou faux ?

M. le procureur, vous êtes particulièrement tenace ! Je vous ai dit que votre expert a dit dès le départ qu’il ne s’agit pas d’interprétation d’éléments de conversation classiques. Si c’est le procès des écoutes téléphoniques, que ce soit le procès des écoutes ! Qu’on m’oppose des choses vraies, des choses fiables ! Au risque de vous agacer, de grâce, dites-moi en quoi j’ai participé à l’attentat à la sûreté de l’Etat. Quand on dit le procès de Bassolé, c’est le procès des écoutes téléphoniques. Les écoutes, c’est quoi finalement ?

– Que reconnaissez-vous dans les écoutes téléphoniques ?

– Ce n’est pas la forme que je conteste, je conteste tout.

– C’est du faux que je ne reconnais pas ! Tout ce qui est dedans est truqué !

– Avez-vous soutenu la résistance d’un noyau dur du RSP  à ne pas désarmer ?

– Négatif !

 

 

 


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