HomeOmbre et lumièrePROCES DU PUTSCH MANQUE : Timboué Tundaba et Samuel Coulibaly ne reconnaissent pas les faits

PROCES DU PUTSCH MANQUE : Timboué Tundaba et Samuel Coulibaly ne reconnaissent pas les faits


 

Le procès du putsch manqué de septembre 2015 se poursuit du côté de la salle des Banquets de Ouaga 2000. Les caporaux Timboué Tundaba et Samuel Coulibaly étaient à la barre, le 24 juillet 2018, pour répondre des faits qui leur sont reprochés. Ils sont inculpés pour «attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres sur 13 personnes, coups et blessures sur 42 personnes, destruction et dégradation volontaires de biens». Ces derniers ont décidé de plaider non coupables.  Ils estiment qu’ils ont exécuté des ordres militaires donnés par leurs supérieurs hiérarchiques. 

 

Le caporal Timboué Tundaba était le premier à répondre des faits qui lui sont reprochés, dans le cadre du putsch manqué de septembre 2015 dans la matinée du 24 juillet 2018. Né en 1974 à  Solenzo,  marié et père de 4 enfants, le caporal Timboué Tundaba est  accusé  des faits suivants : « attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres, coups et blessures, destruction et dégradation de biens ». Après avoir écouté les faits à lui reprochés, ce dernier a dit ne pas les reconnaître. Pour lui, il n’a fait qu’exécuter des ordres venant de sa hiérarchie. « Avez-vous exécuté des ordres ou avez-vous délibérément choisi de suivre vos frères d’armes ?», a interrogé le parquet militaire. «J’ai exécuté des ordres», a-t-il répondu.   En effet, le caporal faisait partie de ceux qui étaient chargés d’escorter le président de la Transition, Michel Kafando. Le 16 septembre 2015, il a  escorté le président de la Transition, Michel Kafando, au palais où devait se tenir  l’hebdomadaire conseil des ministres. Après avoir exécuté cette tâche, il s’était retiré dans une salle où se reposaient habituellement les chauffeurs de la présidence.  Quelques heures plus tard, des hommes en tenue militaire sont venus les désarmer puis les enfermer. Un instant plus tard, les mêmes hommes sont revenus dire aux chauffeurs  de rester prêts. C’est ainsi qu’on lui a intimé l’ordre d’escorter le président Michel  Kafando à la résidence derrière le palais présidentiel de Kosyam. Après l’avoir fait, il est reparti à la résidence du président, c’est-à-dire la résidence officielle du Directeur général du Trésor public sise à Ouaga 2000 où il restera jusqu’au 18 septembre 2015, date à laquelle il a été appelé pour faire partie de l’escorte du Général Gilbert Diendéré. A  la question  de savoir quand il a appris que le pouvoir avait changé de main, il  a dit  ne pas le savoir. « Quand est-ce que vous avez su qu’il y avait coup d’Etat ? », interroge le parquet. Je n’ai pas compris. vous pouvez reprendre ?», a-t-il  repris. «Mais c’est ce que vous venir de répéter », a précisé le parquet. « Donc, je ne peux pas répondre à cette question», a fini par  répondre le caporal Timboué Tundaba. «Quand est-ce que vous avez su que le président de la Transition, Michel Kafando, le Premier ministre Zida et certains ministres ont été arrêtés ?», a interrogé le procureur militaire, Alioun Zanré. Je ne peux pas dire quand.     « Comment ne pas  savoir qu’il  y avait un  problème, étant donné que vous étiez de l’escorte du président Michel  Kafando  quelques heures plus tôt et que vous vous   retrouvez dans l’escorte du Général Diendéré  ? »  A cette question, le caporal a piqué une colère noire puisqu’il a élevé le ton pour répondre. «Avant le président Michel Kafando,  j’ai  servi l’ancien président Blaise Compaoré. Si on me demande d’aller quelque part, même demain j’irai », a-t-il dit.  Face à cet état d’âme, le président du tribunal, Seydou Ouédraogo, l’a rappelé à l’ordre en l’invitant à répondre calmement aux questions qu’on lui posait. Après ces instants de recadrage, la parole a été donnée aux avocats de la partie civile.

 

« Si j’avais riposté, je ne serais pas à la barre ce matin »

 

« Le 16 septembre 2015, après avoir escorté le président Michel Kafando, vous vous êtes retrouvé dans une salle. Combien de personnes étiez- vous ?», a questionné un des avocats de la partie civile. «Je ne sais pas », répond le caporal Timboué. «Vous êtes de la sécurité du président du Faso. D’autres personnes sont venues vous désarmer. Comment avez-vous organisé la riposte ? », a-t-il repris. « Si j’avais riposté, je ne serais pas à la barre devant vous ce matin. Des éléments ont dit ici que si les gens résistaient, ils allaient riposter », a répondu le caporal Timboué Tundaba.Signalons qu’en plus du caporal Timboué Tundaba,  le caporal Samuel Coulibaly a été entendu par le juge. Né en 1987 à Gorom-Gorom, il  est célibataire et père de 2 enfants.   Tout comme son co- accusé, quatre chefs d’inculpation pèsent contre lui : « attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres sur 13 personnes, coups et blessures sur 42 personnes, destruction et dégradation volontaire de biens». L’intéressé a plaidé non coupable. Pour lui, il a exécuté des ordres. En effet, a-t-il relaté, le 16 septembre 2015, il bénéficiait d’une permission d’absence. Il était d’ailleurs  à Nouna, auprès de son enfant malade. Après avoir essayé de prolonger en vain sa permission, il fut obligé de rejoindre Ouagadougou, le 17 septembre 2015. Ce jour-là, lorsqu’il est arrivé au camp, il a vu plusieurs soldats. C’est ainsi qu’il s’est renseigné auprès de ses frères d’armes qui  lui ont dit  que le quartier était consigné. C’est après avoir consulté le tableau d’affichage qu’il a su  qu’il devait assurer la garde au poste intermédiaire situé juste entre le palais présidentiel et la résidence. Il y restera jusqu’au 18 septembre 2015 à 10h. C’est du moins à  cette heure-là  que le chef Ali Sanou est venu lui demander de le conduire parce qu’il n’avait plus de chauffeur.  Ce qu’il a accepté, mais a pris le soin de lui demander  d’informer son   chef de poste. Ce qui fut fait.  C’est ainsi que lui et le chef Ali Sanou se sont rendus au Conseil de l’entente en passant par la Télévision BF1, l’échangeur de Ouaga 2000, la pédiatrie Charles De Gaulle avant de bifurquer à gauche pour se rendre au Conseil de l’entente.  Il y avait également dans le même véhicule, les soldats Amado Zongo, Boureima Zouré. En cours de route, se souvient le caporal Samuel Coulibaly, le chef Ali Sanou lui avait   demandé s’il connaissait Boudry et qu’il lui avait répondu par la négative.   « Et la route de Fada N’Gourma ? », lui avait demandé le chef Ali Sanou. «Si c’est la route de Fada N’Gourma, je connais très bien » avait répondu le caporal Samuel Coulibaly. Alors, ils ont  pris la direction de Fada N’Gourma. En cours de route, ils ont vu une voiture de marque Mercedes.   C’est ainsi que le chef Ali Sanou lui a demandé de ralentir.  Arrivé au niveau de la Mercedes, il s’est arrêté et le chef Ali Sanou est descendu pour parler à une dame qu’il dit ne plus reconnaître. Quelques instants après, environ une minute, le chef Ali Sanou est remonté et lui avait demandé de suivre la Mercedes. C’est ainsi qu’il ont commencé à suivre cette voiture jusqu’à ce qu’elle  bifurque  pour emprunter une voie non bitumée. Après une certaine distance, la Mercedes ne pouvait plus avancer. La dame fut obligée de descendre. Elle sera suivie du chef Ali Sanou. Puis, les deux sont rentrés dans une cour. Entre-temps, le conducteur de la Mercedes avait manœuvré pour reprendre la direction d’où ils étaient venus. Une vingtaine de minutes plus tard, les deux sont revenus ; le chef Ali Sanou lui dit de reprendre la route de Ouagadougou. Ce qu’il a fait. C’est à l’entrée de Ouagadougou, notamment au niveau de l’échangeur de l’Est, que la Mercedes a pris la direction de Kossodo et eux ont pris la direction du palais présidentiel. Mais entre-temps, il avait remarqué qu’une voiture du RSP les suivait. C’est au retour qu’il a su que ladite voiture était conduite par Zerbo Laoko Mohamed.  A la question de savoir s’il s’était rendu chez Simon Compaoré, au parc automobile de l’Etat ou encore au studio Abazon, il a répondu non. Mais il dit avoir été dans une boulangerie vers la base aérienne, pour acheter du pain pour les pèlerins qui étaient au stade du 4-Août.

Un conflit d’intérêt au-dessus de l’avocat

 

Dans la soirée du 24 juillet 2018, l’audience suspendue à 13h a effectivement reprise à 14h 30mn et c’était le soldat de 1re classe Samuel Coulibaly qui était à la barre du Tribunal militaire. Mais il était à la fin de son interrogatoire. Après une quarantaine de minutes à la barre, il a rejoint sa place. Ensuite, c’était au tour du Sergent-chef Sienimi Medard Boué qui a choisi le cabinet Yampa pour le défendre, de passer à la barre. Mais au lieu de Me Seydou Yampa, c’est plutôt Me Balibié Bazémo, membre du cabinet Yampa, qui était aux côtés de l’accusé. Tout avait bien commencé puisqu’après avoir pris connaissance des chefs d’accusation qui lui sont imputés, le sergent-chef Boué qui a dit ne pas reconnaître les faits qui lui sont reprochés, avait même commencé à donner sa version des faits quand il a été interrompu par le juge. En effet, le juge a remarqué que Me Balibié Bazémo était le conseil du major Eloi Badiel. Alors que dans sa version des faits, le sergent-chef Sienimi Medard Boué dit avoir refusé d’exécuter des ordres du major. Le juge a demandé si le fait que Me Bazémo soit l’avocat des deux ne pose pas problème. En clair, est-ce qu’il n’y a pas conflit d’intérêt ? Le parquet militaire a trouvé qu’il y a bel et bien un conflit d’intérêt. Embouchant la même trompette, les avocats de la partie civile ont aussi confirmé le conflit d’intérêt et même que Me Guy Hervé Kam a affirmé que le conflit d’intérêt se situe au-dessus de l’avocat. Toute chose qui a conduit Me Bazémo à demander du temps pour trouver une solution au problème posé. C’est alors que le sergent-chef Sienimi Médard Boué est allé se rasseoir et c’est le soldat de 1re classe Amadou Zongo qui a été appelé à la barre. Son conseil est Me Alexandre Sandwidi. Amadou Zongo est né en 1988 et a été décoré de la médaille commémorative avec agrafe Mali, CEDEAO. Il purge une peine de 120 mois, suite au procès de la poudrière de Yimdi. Relativement au procès du putsch manqué, il est accusé des fait suivants : « attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, destruction et dégradation de biens ». L’intéressé ne reconnaît pas les faits. Sa version des faits : « le 16 septembre 2015, j’étais dans un maquis. Vers 16h, un de mes amis civils m’a appelé pour me demander si j’étais au courant que les autorités de la Transition ont été enlevées par le RSP et comme moi, j’étais du RSP, il a voulu confirmer. Je lui ai dit que je n’étais pas au courant et que j’allais me renseigner. Vers 17h, je me suis rendu au Conseil de l’entente, et c’est au garage que je me suis mis en tenue et ensuite, je suis allé au Poste de commandement pour me renseigner. Et c’est là-bas que j’ai appris que les autorités de la Transition ont été arrêtées. Et j’ai dit que je suis juste venu pour me renseigner et en même temps on m’a dit que le quartier est consigné. Je suis alors allé à mon pied-à-terre. C’est de là-bas que j’ai vu le sergent-chef Ali Sanou passer en voiture. J’ai embarqué dans sa voiture pour rejoindre le camp Naaba-Koom II où je suis resté au piquet. Le 17 matin, je suis sorti avec le sergent-chef Ali Sanou avec qui on a fait le tour pendant une trentaine de minutes et après nous sommes rentrés au camp. Je ne me rappelle pas de la date, mais je suis parti à Zorgho avec le sergent-chef Ali Sanou. Avant Zorgho, on a croisé une Mercedes et le sergent-chef est descendu parler avec une dame. Ensuite, on a démarré pour Zorgho. Arrivé là-bas, on s’est arrêté devant une cour où le sergent-chef Ali Sanou et la dame sont rentrés, et moi je suis resté à côté du véhicule. Nous sommes revenus de Zorgho aux environs de 21-22h. Je ne suis plus ressorti du camp jusqu’à la dissolution du RSP. Et c’est le 29 septembre que j’ai quitté le camp Naaba-Koom, avant les tirs ». Après la relation des faits, le juge a posé des questions d’éclaircissement à l’inculpé. Ensuite, le parquet a pris la parole. Et c’est à ce moment que le juge a suspendu l’audience parce qu’il était 17h.

 

Françoise DEMBELE et Issa SIGUIRE

 

 


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