HomeA la unePROCÈS D’UN SOUTIEN DE GOITA OPPOSE A UNE PROLONGATION DE LA TRANSITION : Le Mali s’enfonce-t-il dans les profondeurs de la pensée unique ?  

PROCÈS D’UN SOUTIEN DE GOITA OPPOSE A UNE PROLONGATION DE LA TRANSITION : Le Mali s’enfonce-t-il dans les profondeurs de la pensée unique ?  


C’est ce 8 septembre 2023 que s’ouvre, sauf report ou changement de programme, dans la capitale malienne, le procès de l’activiste Adama Diarra dit Ben le Cerveau placé sous mandat de dépôt le 5 septembre dernier, par le pôle judiciaire spécialisé de lutte contre la cybercriminalité pour atteinte au « crédit de l’Etat ». Le leader du mouvement Yerewolo Debout sur le Rempart, par ailleurs membre du Conseil national de transition (CNT) connu pour être un fervent défenseur du régime, était devenu très critique à l’encontre de la Transition. En effet, dans des déclarations publiques récemment tenues dans la presse, et une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, non content de pointer du doigt la gestion de la transition, le leader d’opinion a aussi insisté sur la nécessité du respect du délai de retour à l’ordre constitutionnel avec l’organisation des élections à la date échue.

 

Tout se passe comme si la junte militaire était dans une dynamique de musellement des voix discordantes

 

Morceaux choisis : « Le gouvernement a pris l’engagement qu’il n’allait pas dépasser 24 mois comme durée de transition. La communauté internationale avait pris acte. Pour honorer cet engagement international, nous sommes prêts, du point de vue organisationnel. Yerewolo a estimé qu’à partir du moment où les sanctions des institutions économiques et financières ont été levées, nous devons faire en sorte d’organiser l’élection présidentielle conformément au chronogramme électoral pour ne pas tomber sous le coup d’autres sanctions inutiles ». Est-ce cette position publiquement exprimée, d’une organisation de la société civile qui se veut un soutien de première heure de la transition, qui vaut à son leader cette convocation devant la Justice ? Est-ce un retournement de veste de la part de ce dernier ? Quoi qu’il en soit, le procès de ce fervent soutien du président Assimi Goïta ne manque pas d’interroger à Bamako où la liberté d’expression est de plus en plus sujette à caution. Et ce, au regard du motif de l’assignation en justice de Ben le Cerveau, qui est loin d’être un cas isolé au Mali. On se souvient, en effet, que quelques mois auparavant, le célèbre chroniqueur radio, Mohamed Youssouf Bathily plus connu sous le nom de Ras Bath, et une autre activiste de la société civile du nom de Rokia Doumbia alias Tantie Rose, avaient été appelés à comparaître pour des propos jugés « outrageants » envers les autorités de la transition. Le premier, pour avoir affirmé que l’ex-Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga avait été « assassiné ». La seconde, pour avoir critiqué la cherté de la vie sous la transition. Depuis lors, tous deux croupissent en prison, en attendant leurs jugements respectifs. Avant eux, c’est l’opposant Oumar Mariko un temps réduit à la clandestinité, qui avait maille à partir avec la Justice pour des propos très critiques contre l’armée et les dirigeants de la transition. Autant dire que tout se passe comme si la junte militaire au pouvoir à Bamako, était dans une dynamique de musellement des voix discordantes, où la presse, tant nationale qu’internationale, n’est pas non plus en reste.

 

Les autorités de la transition malienne gagneraient à montrer un peu plus d’ouverture à la critique

 

Et l’omerta est telle qu’aujourd’hui, seuls semblent avoir voix au chapitre, les vuvuzelas et autres zélateurs impénitents du régime. Autrement dit, tant que Ben le Cerveau se faisait l’avocat des militaires, il était dans les bonnes grâces du pouvoir. C’est pourquoi on se demande si le leader d’opinion ne doit pas ses ennuis judiciaires à ses propos pour le moins polémiques sur la conduite de la transition.  Toujours est-il que son interpellation interroge. Et elle interroge d’autant plus que le malaise semble lié au fait que Ben le Cerveau est connu pour sa très grande proximité avec les autorités de Koulouba. En tout état de cause, si l’assignation en justice de celui qui passe pour être un soutien indéfectible du Colonel Assimi Goïta, devait être la traduction d’un quelconque désaccord ou autre divergence de vues avec les tenants du pouvoir, il y aurait de quoi se demander si le Mali ne s’enfonce pas dans les profondeurs de la pensée unique. La question mérite d’autant plus d’être posée que si tel était le cas, cela ne rendrait pas service à la transition malienne qui a besoin d’avancer dans la vérité. Autrement, le réveil pourrait être douloureux. C’est pourquoi, malgré le contexte difficile, les autorités de la transition malienne gagneraient à montrer un peu plus d’ouverture à la critique. Car, certaines remarques pourraient les aider à mieux garder le cap. En tous les cas, elles doivent réaliser qu’elles ne sont pas omniscientes et par conséquent, elles devraient faire preuve d’humilité. Quant à la Justice malienne, elle doit savoir se montrer à la hauteur de l’histoire en faisant preuve de vigilance et surtout d’indépendance pour ne pas donner raison à ceux qui pensent, à tort ou à raison, qu’elle est à la solde des officiers de Kati. Autrement, si elle devait se laisser instrumentaliser, elle creuserait la tombe de sa propre crédibilité. Et c’est peu dire.

 

 « Le Pays »  

 

 

 

 


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