HomeA la uneAVANT-PROJET DE CONSTITUTION : Les propositions des Burkinabè de Bruxelles

AVANT-PROJET DE CONSTITUTION : Les propositions des Burkinabè de Bruxelles


La diaspora burkinabè du Benelux (Belgique-Luxembourg-Pays-Bas) s’est mobilisée le dimanche 2 avril 2017 à l’ambassade du Burkina Faso à Bruxelles, pour discuter avec une délégation de la Commission constitutionnelle, de l’avant-projet de Constitution qui doit fonder la Ve République.

Bruxelles, la capitale belge et de l’Union européenne, était l’ultime étape de la tournée européenne de la délégation de la Commission constitutionnelle. Après Milan et Paris,  l’équipe forte de cinq personnes et conduite par le professeur Luc Marius Ibriga, rapporteur général de la Commission, est venue rencontrer les Burkinabè vivant dans les trois monarchies constitutionnelles d’Europe de l’Ouest.

 

Pour l’ambassadeur du Burkina Faso à Bruxelles, Mme Jacqueline Zaba, la forte mobilisation de nos compatriotes montre l’attachement qu’ils ont à l’égard de la patrie. «La délégation de la Commission constitutionnelle est venue vous consulter, recueillir vos commentaires, vos avis et critiques sur la nouvelle Constitution en élaboration. Je vous exhorte à participer activement à cette séance», a indiqué Mme Zaba, avant le début des échanges. Luc Marius Ibriga, chef de la délégation et rapporteur général de la Commission constitutionnelle, a indiqué que l’avant-projet de Constitution qui doit fonder une nouvelle République, a été élaboré de façon inclusive et consensuelle par une commission constitutionnelle de 92 membres. «Le décret mettant en place la Commission constitutionnelle dit que l’avant-projet de Constitution doit être présenté dans les différentes régions du Burkina Faso pour recueillir les amendements des Forces vives. Il précise aussi qu’il doit être présenté aux Burkinabè vivant hors du pays pour recueillir les critiques de la diaspora», a-t-il expliqué.

Le chef de la délégation a également indiqué que le Burkina Faso, au lieu de privilégier une écriture élitiste de sa Constitution à travers laquelle quelques experts auraient pu proposer un texte qui serait adopté par un vote référendaire, a opté d’élaborer sa Constitution de façon inclusive, participative et consensuelle. C’est justement l’esprit inclusif et participatif qui guide ces tournées de la Commission aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, a-t-il indiqué.

Dans une présentation détaillée de l’avant-projet de Constitution, la magistrate Fatimata Sanou, membre de la délégation, a indiqué que le souci des commissaires dans l’élaboration du texte, a été la consolidation de l’Etat de droit, l’équilibre des pouvoirs, l’affirmation de l’indépendance de la Justice, une meilleure organisation de la redevabilité dans la gestion de la chose publique, la stabilité des institutions et la transparence du jeu politique. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Burkinabè établis dans le Benelux n’ont pas marchandé leur participation à ces assises sur l’élaboration de la nouvelle Constitution qui va fonder la Ve République.

 

Déchoir les anciens chefs d’Etat de leurs titres

 

Au regard des événements récents que le Burkina Faso a connus, certains Burkinabè du Benelux ont proposé de renforcer la disposition constitutionnelle qui interdit au chef de l’Etat de se prévaloir d’une autre nationalité. Pour eux, il faut créer une disposition dans la nouvelle Constitution, qui prévoit de déchoir de la nationalité burkinabè, tout chef d’Etat qui se serait rendu coupable de crimes au Burkina Faso et qui s’exilerait dans un autre pays dans lequel il prendrait la nationalité. «Si un président commet des crimes au Burkina Faso et fuit dans un autre pays pour prendre une nationalité étrangère, on doit le déchoir de son titre d’ancien chef d’Etat et lui retirer les avantages y liés», a notamment proposé un participant, en allusion à la récente nationalité ivoirienne acquise par Blaise Compaoré après son départ du pouvoir à la suite de l’insurrection populaire qui l’a contraint à l’exil depuis fin octobre 2014. D’autres compatriotes ont proposé le renforcement des dispositions relatives à l’atteinte à la Constitution comme par exemple les coups d’Etat. Pour eux, les auteurs de tels actes attentatoires à la Loi fondamentale, doivent écoper de la sanction suprême.

 

Quant aux critiques émises par certains Burkinabè sur le caractère « prétendument » budgétivore des tournées de la Commission constitutionnelle, des participants ont estimé que ni le temps ni l’argent ne devraient être comptés «parce que c’est cette Constitution qui va régir nos vies et il faut prendre le temps qu’il faut et y mettre tous les moyens nécessaires afin qu’elle soit connue de tous». A cet effet d’ailleurs, certains ont proposé des rencontres dans les quartiers, pour expliquer le texte et recueillir les avis des uns et des autres. D’autres ont recommandé la traduction de cet avant-projet constitutionnel dans les langues nationales. Avec son franc-parler habituel, le professeur Ibriga a dit avoir entendu des critiques selon lesquelles les tournées de la Commission constitutionnelle sont budgétivores.

«Nous-mêmes sommes les premiers à savoir que le pays a besoin de ressources pour faire face aux défis sécuritaires qui se posent aujourd’hui», a-t-il indiqué. Mais, a-t-il précisé, ces tournées sont financièrement supportées par des organisations non gouvernementales, notamment la britannique WaterAid et l’allemande, la Fondation Hanns Seidel. «J’ai le sentiment que c’est un texte qui a été écrit par les insurgés quoique moi-même j’en fais partie. Mais j’ai l’impression que l’on veut dépouiller le chef de l’Etat de ses pouvoirs pour les confier à des gens qui ne sont pas élus», a fait observer un compatriote. Réponse du professeur Ibriga. «Il faut protéger le chef de l’Etat contre lui-même. Tout pouvoir qui n’a pas de contre-pouvoir tend à abuser. C’est pourquoi il faut faire en sorte que le président ne soit pas un homme omnipotent, comme on l’a vu de par le passé. Il faut faire en sorte d’arrêter les dérives du pouvoir en encadrant au maximum les prérogatives des différents responsables à la tête de l’Etat», a-t-il souligné.

 

Homosexualité

 

La question de la promotion de la culture burkinabè et de la protection de l’environnement afin de permettre au Burkina Faso -un pays enclavé- de mieux développer et profiter de son secteur touristique, devrait être affirmée dans la nouvelle Constitution, a opiné un autre compatriote. Les participants ont aussi exprimé des points de vue divergents sur la question de l’homosexualité. Chacun arguant sa position, en s’appuyant sur les avancées juridiques et sociétales de son pays d’accueil. Pour un compatriote vivant aux Pays-Bas, il faut profiter de l’écriture de cette nouvelle Constitution pour faire évoluer les positions sur la question au Burkina Faso. Pour d’autres, il faut être suffisamment précis dans l’usage des termes pour lever toute équivoque. Ceux-ci ont prôné son interdiction claire et nette, dans une disposition constitutionnelle. A ce sujet, le rapporteur général de la Commission constitutionnelle a rappelé que les commissaires qui viennent de divers horizons, ont longuement débattu de cette question et ont finalement opté de ne pas l’aborder dans la Constitution.

«Aucun maire ne doit marier des personnes de même sexe au Burkina Faso», a précisé M. Ibriga.

Comment faire pour constitutionnaliser les sanctions à infliger à certains praticiens de la santé qui, par leur indélicatesse ou des comportements anti-professionnels et anti-déontologiques, causent la mort de patients ? «Il y a des morts inutiles dans nos formations sanitaires. L’incompétence de certains médecins, leur manque de conscience professionnelle et les erreurs médicales sont souvent la cause de certaines morts. Mais on dit +Dieu a donné, Dieu a repris+ alors que ce sont certains agents de santé qui ont mal fait leur travail. Ces gens-là, il faut que la Constitution prévoie des sanctions contre eux», a tonné un compatriote qui semble avoir été touché par la perte d’un proche qu’il attribue aux mauvais comportements des agents de santé.

Pour Mme Sanou, magistrate de formation, la loi prévoit déjà des sanctions en pareils cas. «Seulement, souvent les parents des victimes eux-mêmes, soit par peur ou par pression sociale, ne veulent pas ester en Justice ou quand ils arrivent à le faire, ils reviennent souvent demander le retrait de la plainte, prétextant qu’on leur a demandé pardon. Donc, point besoin de constitutionnaliser des sanctions déjà prévues. Ce qu’il faut faire, c’est de sensibiliser les gens afin qu’ils portent plainte et qu’ils aillent jusqu’au bout», a-t-elle indiqué. La plupart des participants affirment que c’est une question délicate à traiter car, souvent la solidarité de corps rend le citoyen, usager des services de santé, vulnérable au cas où il porterait plainte.

Des compatriotes ont aussi proposé qu’il soit autorisé dans la Constitution, une révision périodique des accords et traités conclus par les dirigeants, de sorte à éviter que des générations entières soient pieds et poings liés à des engagements manifestement injustes ou déséquilibrés pris par leurs devanciers. Le débat sur le type de régime politique : régime parlementaire ou présidentiel, semi-parlementaire ou semi-présidentiel a aussi été houleux. Chacun ayant sa préférence. Mais pour le professeur Ibriga, c’est pour justement prévenir l’instabilité institutionnelle que le système semi-présidentiel encore appelé semi-parlementaire a été proposé. Les Burkinabè du Benelux, débordant de propositions et d’idées pour l’amélioration de ce texte constitutionnel, ont promis de se réunir à nouveau pour mettre en commun leurs propositions et les transmettre à la Commission constitutionnelle.

«Nous sommes toujours preneurs de vos idées pour enrichir ce texte qui va régir notre vie en commun. Mais nous souhaitons quand même rendre le texte au président du Faso qui aura huit jours pour apporter ses amendements avant de nous le renvoyer pour adoption en plénière. Vos derniers amendements et avis sont donc attendus avant fin avril parce que nous pensons qu’il faut, au plus tard début mai, remettre le document final au chef de l’Etat», a-t-il conclu. Après l’Afrique et l’Europe, la Commission constitutionnelle doit maintenant mettre le cap sur l’Amérique, dernière étape des consultations prévues à l’extérieur sur cette Loi fondamentale en gestation depuis le 29 septembre 2016.

 

Romaric Ollo HIEN

Ambassade du Burkina Faso à Bruxelles

 

 


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