PROJET DE MODIFICATION CONSTITUTIONNELLE AU CONGO : L’Elysée accordera t-il son onction à Sassou NGuesso ?
A peine est-il rentré de la mini-tournée africaine que le président français, François Hollande, a reçu son homologue congolais, Denis Sassou NGuesso. Cet accueil par l’Elysée, du dictateur de la rive Sud du fleuve Congo, a de quoi intriguer, au regard des velléités de tripatouillage constitutionnel dont fait montre ce vieux caïman de la mare politique congolaise. Mais le président français avait-il vraiment le choix ?
Hollande a hérité du soutien français à Sassou NGuesso qui n’est autre que le prix à payer pour la dette morale au bras armé des intérêts français au Congo. Arrivé au pouvoir en 1979 suite à l’assassinat de Marien N’Gouabi et évincé des élections de 1992 par Pascal Lissouba, Sassou NGuesso a été remis en selle par les lobbies pétroliers français, aux termes d’une sanglante guerre civile. Depuis lors, la France et le dictateur se tiennent non seulement par les intérêts économiques, mais aussi par les dessous de cette sale guerre. Quand on sait qu’en France, au-delà des discours, les réalités qui prévalent dans les relations entre l’Hexagone et son pré-carré semblent immuables, le président ne pouvait déroger à la règle établie par l’histoire.
Mais plus que par l’histoire, le président français est surtout contraint par les réalités d’une économie française asphyxiée par la crise financière dont il peine à trouver les solutions de sortie en Europe. Jouant sa prochaine élection, il est obligé de s’allier des dirigeants peu fréquentables . En Afrique centrale particulièrement, il embraye sur le Congo-Brazzaville où les groupes français Total et Bolloré dominent le tissu économique. Mais le vieux dictateur au pouvoir, maniant l’arme de la concurrence, notamment avec la Chine, sait que les décideurs politiques et économiques français ont plus que jamais besoin de lui. Fort de cette position avantageuse, le vieux caïman de la rive Sud du fleuve Congo, joue très habilement pour se rendre indispensable. De fait, il s’attire ainsi les faveurs de L’Elysée et son soutien pour en tirer le meilleur bénéfice politique, notamment dans la perspective de la modification constitutionnelle qu’il ambitionne.
Hollande doit trouver les mots justes pour dire à Sassou NGuesso que son dessein est suranné et lourd de dangers
Mais au-delà de la raison d’Etat, il n’est pas impossible que se jouent, pour Hollande, des intérêts personnels. Le président normal est dans l’antichambre de la campagne présidentielle française. Ce n’est un secret pour personne que par le biais de transactions financières mafieuses, des présidents africains ont financé de par le passé, des campagnes électorales en France, et malgré le scandale suscité par ces révélations, rien ne dit que la pratique s’est arrêtée. Connaissant les mœurs politiques et les mœurs de NGuesso, il n’hésitera pas à délier les cordons de la bourse pour payer le prix de son adoubement par le locataire de l’Elysée.
Il est donc à parier que pour cette visite, la France opte pour le diplomatiquement correct, en adoptant une de ces positions ambiguës dont elle a le secret, avec pour corollaire que Sassou NGuesso en revienne renforcé dans son projet. Le pessimisme est d’autant plus grand que le discours du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, tendait à conforter NGuesso dans son initiative de dialogue qui n’est autre qu’une entourloupette. « Il faut trouver un équilibre entre l’objectif démocratique et la nécessité sécuritaire dans le cadre d’un dialogue parfois tonique, mais nécessaire. Même si la priorité est aujourd’hui sécuritaire», avait-il déclaré ! Quand on sait que le principal enjeu sécuritaire est justement lié à l’élection présidentielle de 2016, et à la modification préalable de la Constitution pour que Sassou NGuesso puisse s’arroger un nouveau mandat, on se demande si la messe n’est pas déjà dite.
Mais Hollande, au nom des intérêts du moment, peut-il se dédire et désavouer les valeurs républicaines portées par la France ? Il doit nécessairement s’assumer et trouver les mots justes pour dire à Sassou NGuesso que son dessein est suranné et lourd de dangers pour le Congo et pour toute l’Afrique Centrale. Autrement, la France devra jouer encore les sapeurs-pompiers sur le continent, comme elle le fait en République centrafricaine. Elle devra aussi souffrir de la montée d’un sentiment antifrançais sur le continent, à cause de la maturité grandissante des populations.
Mais en attendant, la société civile congolaise ne devra pas rester en marge. Elle doit donner de la voix en relayant les bruits que ne manqueront pas de produire des organisations comme Amnesty International et Sherpa à Paris, contre la visite du tripatouilleur.
SAHO