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PROJET DE REFORME CONSTITUTIONNELLE EN GAMBIE


« Je vous l’assure à vous, au monde entier et à tous les Gambiens, nous aurons une nouvelle Constitution et y seront incluses une limite de mandat et la majorité absolue ». Foi du président sortant, Adama Barrow, nouvellement réélu à la tête de la Gambie, si l’on en croit les résultats provisoires de l’élection présidentielle du 4 décembre dernier, qui le créditent de 53% des voix, loin devant son principal challenger, Ousainou Darboe. Ce dernier aura obtenu 27% des suffrages. En Afrique de l’Ouest, seule la Gambie reste encore le pays à ne s’être pas fixé une limite au nombre de mandats présidentiels ; le Togo longtemps opposé au principe, n’ayant que récemment laissé entrevoir une évolution des choses à travers l’adoption par sa Représentation nationale, d’un projet de loi portant révision constitutionnelle qui limite désormais les mandats présidentiels, tout en remettant le compteur à zéro.  Pour revenir au pays de Dawda Diawara chassé du pouvoir en 1994, on peut se féliciter de l’engagement de l’illustre magnat gambien de l’immobilier qui s’apprête à entamer son second mandat en janvier prochain.  Toutefois, quel crédit accorder à la promesse d’un tel homme qui a déjà renié un précédent engagement, celui de ne passer, s’il est élu président, que 3 années à la State House –  le mandat présidentiel étant pourtant de 4 ans – suffisantes selon ses dires pour engager de vastes réformes dans son pays, avant de passer la main à l’un de ses précieux alliés au sein de la coalition qui l’aura porté au pouvoir ? Non seulement, Barrow aura trahi ses camarades politiques de l’époque en laissant courir son premier mandat jusqu’à terme.

 

 

En Afrique, les réformes constitutionnelles ne sont jamais dénuées de calculs politiciens

 

 

Mais bien plus, il se sera relancé dans la course pour un second mandat à la tête de l’Etat. Dans ces conditions, comment se fier à ce dirigeant dans sa promesse d’une nouvelle Constitution incluant une limite de mandat ? N’est-ce pas poudre de perlimpinpin que tout cela ?  En tout cas, comme Saint-Thomas, on attend de voir pour croire. On prend le président au mot.  Et à supposer même que ce dernier tienne parole, quid du principe nauséeux et bien souvent tragique, de la « remise du compteur à zéro » qui pourrait faire débat en Gambie le moment venu?  Pour tout dire, il faut rester prudent face à la profession de foi du locataire de la State House. A ce propos d’ailleurs, on peut se demander pourquoi ce dernier n’a-t-il pas inscrit la réforme de la limitation des mandats dans l’agenda de ses quatre premières années d’exercice du pouvoir ?  Pourquoi a-t-il attendu d’être réélu pour faire son annonce? En tout état de cause, l’on sait qu’en Afrique, les réformes constitutionnelles ne sont jamais dénuées de calculs politiciens destinés généralement à servir les intérêts de princes régnants usant de subterfuges pour s’accrocher au pouvoir. Et s’il s’inscrivait dans une sombre et dégoûtante perspective de jouer un tour pendable à ses concitoyens, Barrow ne serait, du reste, pas le seul dans ce type de jeu malsain, d’entourloupettes,  à l’image de son voisin sénégalais Macky Sall qui avait fait la promesse de campagne de faire passer le mandat présidentiel de 7 à 5 ans. On connait la suite.  Aujourd’hui, on lui prête même l’intention de s’accrocher au sommet de l’Etat au-delà de ses deux mandats. Mais pour ce qui est de Adama Barrow, n’allons pas vite en besogne en lui intentant un procès en sorcellerie.  Tout le mal qu’on puisse lui souhaiter, c’est de tenir ses promesses en ayant toujours à l’esprit qu’il ne doit pas – ou plus, c’est selon – décevoir ces milliers de Gambiens qui auront accepté de lui renouveler leur confiance. Car, parmi eux, il y a certainement des hommes et des femmes qui ont vu d’un mauvais œil, le pacte électoral de son parti, le Parti national du peuple (NPP), avec l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC) de Jammeh, scellé en septembre dernier. Une décision qui avait été dénoncée par les militants des droits humains.  Même s’il avait rejeté cette alliance et que ses partisans avaient, à la suite, créé un parti rival, on imagine bien que Jammeh vit toujours dans l’espoir d’un retour de l’ascenseur de la part du pouvoir de Banjoul. De là à ce que le vainqueur de la présidentielle de 2021 lui assure l’impunité, c’est un pas dangereux que le président Barrow devrait se garder de franchir au risque de se mettre à dos bon nombre de ses concitoyens.

 

CBS

 

 


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