HomeA la unePROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE EN GUINEE-BISSAU

PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE EN GUINEE-BISSAU


La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui pressait le nouveau Chef de l’Etat bissau-guinéen, « d’engager immédiatement la réforme relative à une nouvelle Constitution qui sera soumise à un référendum dans six mois », doit s’en féliciter. En effet, le 11 mai dernier, Umaro Sissoco Embalo a ouvert le chantier de cette réforme constitutionnelle en prenant, à cet effet, un décret instaurant une commission qui devra présenter sous 90 jours, ses propositions. L’ambition, on le devine aisément, est de doter le pays d’une nouvelle loi fondamentale débarrassée des scories de l’ancienne loi accusée d’être à l’origine de l’instabilité politique en Guinée-Bissau.
En attendant de voir les résultats qui sanctionneront les travaux de la nouvelle commission constitutionnelle, l’on peut déjà se féliciter de l’engagement du nouveau chef de l’Etat qui, visiblement, n’hésite pas à prendre le taureau par les cornes pour tenter de mettre le pays sur orbite. On le sait, la Guinée-Bissau est constamment menacée par de puissantes forces de l’ombre qui fragilisent la stabilité de ses institutions.

On n’est véritablement pas encore sorti de l’auberge du blocage institutionnel

Quand ce n’est pas la soldatesque qui provoque des troubles, c’est le jeu partisan des forces politiques en présence, qui prend en otage le bon fonctionnement de la République. Ce n’est certainement pas l’ancien président, José Mario Vaz dont le mandat a été miné par un conflit ouvert qu’il entretenait avec son parti, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) qui lui déniait le droit de nommer le Premier ministre de son choix, qui dira le contraire. Et il faut le dire, on n’est véritablement pas encore sorti de l’auberge du blocage institutionnel quand on sait que le président Embalo lui-même est contesté par le PAIGC qui domine le parlement et devra donc relever le défi titanesque de former un gouvernement sans disposer de la majorité parlementaire. Cela dit, on peut se poser des questions quant aux chances de succès du nouveau président dans cette ambition de doter le pays d’une nouvelle Constitution. Le moins que l’on puisse dire est que le pari n’est pas gagné d’avance. Et pour cause : Embalo devra faire face à de nombreux adversaires. Et le premier de ces adversaires, est lui-même. L’homme sera, en effet, tenté de se tailler un costume constitutionnel à sa mesure pour garder toutes les rênes du pouvoir face à un parlement qui semble tout puissant. Il ne pourra donc pas échapper à la critique d’être à la fois juge et partie par ses adversaires politiques qui ne le laisseront pas faire à sa guise. Le second obstacle, c’est tout naturellement le PAIGC et ses alliés qui, depuis l’indépendance, dominent le paysage politique du pays. Se gargarisant de cette légitimité historique et populaire, ceux-ci ne voudront pas se laisser déposséder de la réalité du pouvoir au détour d’une simple réforme constitutionnelle et n’hésiteront pas à multiplier les embûches sur le chemin de Embalo. En tout état de cause, il faut craindre que le président Umaro Sissoco Embalo ne tombe dans le piège de consacrer tout son mandat à déjouer des intrigues politiques sans pouvoir s’occuper réellement du développement de son pays qui est l’un des plus pauvres de la planète et qui vit essentiellement de la contrebande et du narcotrafic.

La CEDEAO et toute la communauté internationale doivent véritablement mettre les bouchées doubles pour que ce processus parvienne à son terme

Il y a, dans ce cas de figure, risque de déphasage entre le sommet de l’Etat et les aspirations des populations ; toute chose qui peut aussi mettre en péril la stabilité des institutions de la République. L’autre crainte est qu’une bonne partie de la classe politique, dénonçant une trop grande mainmise de la CEDEAO sur ce processus constitutionnel, ne vienne à la soupçonner de disposer d’un agenda caché dans le pays. Cette crainte n’est pas une simple vue de l’esprit quand on connaît le bras de fer qui a opposé l’organisation communautaire et les autorités bissau-guinéennes dans le processus électoral qui vient de s’achever. Au regard des risques qui menacent ce projet de réforme constitutionnelle, la CEDEAO et toute la communauté internationale doivent véritablement mettre les bouchées doubles pour que ce processus qui est porteur de grands espoirs pour ce pays, parvienne à son terme. La CEDEAO, en particulier, ne doit ménager aucun effort dans ce sens. D’abord, elle est à l’origine de la recommandation qui a enclenché le processus. Elle sera donc comptable de l’échec ou du succès du projet que vient d’entamer Embalo. Ensuite, elle paiera un lourd tribut à travers les troupes militaires qu’elle a déployées depuis les derniers bruits de bottes en Guinée-Bissau. Enfin, l’intégration et le développement économique de la sous-région, ne seront qu’une chimère tant qu’il restera dans l’espace communautaire, des germes d’instabilité qui, comme un cancer, peuvent toujours se métastaser pour dérégler le bon fonctionnement de l’ensemble de la zone.

« Le Pays »


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