HomeA la unePROMESSE DE LIBERATION DE WADE : Le risque calculé de Macky Sall  

PROMESSE DE LIBERATION DE WADE : Le risque calculé de Macky Sall  


« Beaucoup de personnes demandent que Karim Wade soit libéré. C’est possible ». C’est par ces mots sans équivoque mais d’une banalité déconcertante au regard de l’atmosphère surchauffée qui avait accompagné le procès,  que le président sénégalais, Macky Sall, s’est prononcé en faveur de la relaxation de Karim Wade, envisagée d’ici à la fin de l’année. Faut-il le rappeler,  le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade et ancien ministre d’Etat chargé de la Coopération internationale, de l’aménagement du territoire, des transports aériens et des infrastructures, avait écopé d’une peine d’emprisonnement de 5 à 6 ans, assortie d’amendes allant de 105 millions à 210 millions d’euros et de la confiscation de tous ses biens. Le verdict avait provoqué l’ire de ses partisans qui n’en démordent d’ailleurs toujours pas.  Cette annonce qui ne peut être dissociée du contexte du dialogue national en cours,  suscite bien des interrogations : le président ne confirme-t-il pas le caractère politique du procès et de l’incarcération de Karim Wade, donnant ainsi raison aux partisans de ce dernier ? Cette libération annoncée met-elle fin à la traque des auteurs des biens mal acquis et auquel cas, ne serait-elle pas une prime à l’impunité ? Et au finish, tout ceci  n’entamera-t-il pas la confiance des Sénégalais en leur président ? Macky Sall qui n’est certainement pas dupe, préfère, lui, souffler dans la trompette de la réconciliation nationale. Mais on le sait, derrière ce paravent, l’homme obéit à des contraintes qui déterminent son action. Et la première de ces contraintes est celle d’un président qui a pris le pouvoir grâce à l’aide de la société civile et qui, pour gouverner, doit composer avec d’autres forces politiques dont les intérêts sont parfois en porte-à-faux avec ceux de la rue.

Si le seul cas Karim Wade vaut un dialogue national, Abdoulaye Wade aurait atteint ses objectifs

Dans le cas d’espèce, l’homme peine à faire passer ses réformes portant entre autres sur la réduction du prochain mandat présidentiel de 7 à 5 ans, le statut du chef de file de l’opposition, le droit à un environnement sain, ou bien encore la création de sièges de députés pour les Sénégalais de la diaspora. Quand on sait que des divergences existent dans son propre camp, Sall ne pouvait qu’envisager une ouverture en direction du PDS qui, en plus de déjà décrisper l’atmosphère politique nationale, peut lui valoir à défaut de son accompagnement, la sympathie du vieux Wade. La seconde contrainte qui n’est pas des moindres, c’est sans doute le prochain mandat. Le président Sall n’entend certainement pas quitter dès la fin de son premier bail, les appartements présidentiels, et pour y demeurer, il doit non seulement montrer qu’il a l’étoffe d’un rassembleur d’hommes et qu’il est le symbole de l’unité nationale, mais il doit aussi mettre la main à la pâte pour ratisser large et même dans le camp de ses adversaires. D’où la nécessité pour lui,  de faire des concessions. Contraint donc par la realpolitik, Sall fait dans l’équilibrisme mais il devrait faire attention à l’effet boomerang. Car, sa manœuvre peut être perçue comme un deal au sommet par les Sénégalais. Comment en effet comprendre que le PDS, contre toute attente, ait fait volte-face pour accepter le dialogue national, s’il n’avait en sous-main l’assurance d’une contrepartie ? En plus de lui faire courir le risque de déperdition non négligeable de son capital de sympathie auprès des Sénégalais, ce deal pourrait n’être qu’un piège à cons, car Abdoulaye Wade, en vieux lion rusé, peut toujours  retourner sa veste et présenter contre lui le même Karim Wade qui peut s’avérer un redoutable challenger, avec l’empire financier qu’il s’est bâti. La fortune personnelle de celui qui était considéré comme « le ministre du Ciel et de la Terre » est, en effet, estimée à 694 milliards de F CFA (1,05 milliard d’euros). Et puis finalement, Macky Sall ne donne-t-il pas l’impression que le dialogue national n’a été convoqué que pour Karim Wade ? Si c’était le cas, non seulement, ce serait vider ce cadre de son contenu, occultant son rôle attendu de catharsis sociale, mais ce serait finalement aussi donner trop d’importance à Karim Wade en liant son sort à celui de la Nation. Si le seul cas Karim Wade vaut un dialogue national, Abdoulaye Wade aurait atteint ses objectifs.

SAHO


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