PUTSCH AU BURKINA : Les stigmates de la barbarie de la soldatesque du RSP
Des domiciles et lieux de service de certains hommes politiques et activistes d’Organisations de la société civile (OSC) gardent toujours les stigmates de la furie des éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Quelques jours après le putsch, nous avons fait le tour de certains de ces endroits. Le constat est désolant !
Avec le coup d’Etat du 16 septembre 2015, et l’avènement du Conseil national pour la démocratie (CND), une chape de plomb s’est abattue sur certaines figures politiques et leaders d’Organisations de la société civile (OSC). Il s’agit, entre autres, du 1er vice-président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Salif Diallo, du 2e vice-président du même parti, Simon Compaoré, du leader du mouvement « Le Balai Citoyen », Smockey, de la présidente de l’Association pour la promotion de la démocratie et la participation citoyenne (APDC), Safiatou Lopez. Des impacts de balles, des vitres brisées, des portes défoncées, des immeubles calcinés, des biens pillés. Bref, le constat est triste aux domiciles et lieux de service de ces leaders. Des soldats se sont attaqués à leurs domiciles et à leurs lieux de service dans le seul objectif, pour le CND, d’« en finir avec eux ». Un règlement de comptes qui ne dit pas son nom. Au domicile de Simon Compaoré sis à Gounghin, où nous nous sommes rendus le 25 septembre dernier, l’effroi du putsch se lisait toujours sur le visage des membres de la famille Compaoré. C’est le 18 septembre dernier, alors que le coup d’Etat battait son plein, que des éléments de l’ex-RSP y ont fait irruption dans l’après-midi. L’évènement s’est déroulé à la hollywoodienne, nous ont expliqué les neveux de Simon Compaoré, Ulrich Bamogo et Narcisse Compaoré. Ce jour-là en effet, selon leur récit, c’est à bord de quatre pick-up que des soldats lourdement armés, tous cagoulés, ont signalé, aux environs de 15h, leur présence dans le quartier. Tout le secteur était resté coi. Les soldats ont d’abord commencé à tirer en l’air, deux fois, pour dire : «Ces deux balles sont pour Dieu ».
Ils ont déchiré la bible
Puis, ils se sont introduits dans la cour de l’ancien bourgmestre de Ouagadougou et ont commencé à tirer partout. Rien n’a été occulté à leur passage. Même la maison du père de Simon Compaoré, Pasteur Sana Compaoré. N’ayant pas trouvé celui qu’ils cherchaient activement, les militaires ont emporté tout ce qu’ils y ont trouvé de précieux. Avant de se retirer de la cour, ils ont pris la bible qui se trouvait sur la table à manger. Ils l’ont déchirée avant de s’en servir pour incendier le salon. Comme par miracle, l’autodafé n’a pas pris. Mais les traces des flammes se voyaient sur les fauteuils qui avaient été touchés. Plus de peur que de mal. Car aucune perte en vie humaine ni de blessés graves n’a été enregistrée. D’autant que pendant ce temps, Simon Compaoré et sa famille étaient en lieu sûr. Selon Ulrich Bamogo, la première visite des putschistes date de la première nuit du coup d’Etat. Des coups de feu intenses ont été entendus cette nuit-là dans le quartier. Venu traduire la compassion de son parti à Simon Compaoré qui était victime d’une énième attaque des militaires, le président du Nouveau temps pour la démocratie (NDT), Vincent T. Dabilgou, a déploré la cruauté avec laquelle les militaires ont assailli la cour. « Cela va au-delà de la politique, car la cruauté avec laquelle les gens ont assailli la cour remet en cause les valeurs religieuses. C’est une situation difficile à accepter en démocratie », a-t-il soutenu.
Autre endroit, même réalité. Le domicile de Salif Diallo sis à Ouaga 2000. Apparemment, la cour de celui qu’on surnomme « Gorba » a été attaquée au même moment que celle de Simon Compaoré, selon des informations reccueillies sur place. Lorsque les soldats sont arrivés, ils ont arrosé la cour de balles, puis défoncé la porte de l’entrée principale. A l’aide de bouteilles d’essence, ils ont incendié une partie de la cour après avoir maltraité le gardien qui, d’ailleurs, est un militaire à la retraite. Après leur départ, des groupes de jeunes sont venus piller ce qui restait. Selon le gardien de la cour qui a requis l’anonymat, ces jeunes-là sont bien des « pro-CDPistes ».
Le studio Abazon sis à Sin- Yiri, dont le propriétaire n’est autre que Smockey, leader du mouvement « Le Balai Citoyen », a aussi reçu la visite de militaires de l’ex-RSP. Dès le lendemain de l’insurrection populaire, Serge Bambara de son vrai nom, avait exigé la dissolution du RSP. Dès l’annonce de la prise en otage des membres du gouvernement le 16 septembre dernier, il avait demandé à tous les militants de son mouvement de le rejoindre à la place de la Révolution, pour marcher sur le palais présidentiel. Mais la foule avait été stoppée par les balles « assassines » de l’ex-RSP. La situation s’est vite dégradée, avec des courses-poursuites à travers la ville. La plupart des leaders des mouvements de la société civile étaient ciblés et activement recherchés par les putschistes. On peut citer, entre autres, Me Guy Hervé Kam, Safiatou Lopez, Hervé Ouattara, Sams’k Le Jah, Marcel Tankoano. Parlant du studio Abazon de Smockey, jouxtant la porte d’entrée principale d’un célibatérium, c’est le 17 septembre dernier qu’il a été attaqué à la roquette puis incendié par des éléments du RSP. Selon des informations recueillies le 25 septembre dernier sur les lieux sinistrés, c’est vers midi que des éléments putschistes ont attaqué le studio. Après s’être rendu compte que Smockey ne logeait pas dans le célibatérium, les soldats ont pris le soin de chasser tous les occupants de la cour. Puis, ils ont défoncé la porte du studio par des roquettes accompagnées d’une salve de tirs d’armes automatiques. La famille de l’artiste a pu s’échapper du studio en flammes en escaladant un mur. Les instruments de musique du lauréat du Kundé d’or 2006 ont été emportés. Tout le studio créé au début des années 90 est parti en flammes.
Il faut noter que certaines radios, dont Oméga FM et Savane FM, n’ont pas échappé à la répression. D’autres personnes ont vu leurs cours saccagées, notamment Safiatou Lopez, Jean Baptiste Natama, Léonce Koné, le général Gilbert Diendéré.
Mamouda TANKOANO
Trois questions à Simon Compaoré
« Le Pays » : Comment avez-vous vécu le putsch ?
Simon Compaoré :
Je remercie le Tout-Puissant Dieu. N’eut été la main divine, je ne serais pas là devant vous, en train de répondre à vos questions. Ce que vous avez vu s’est produit deux heures après que j’ai quitté chez moi. Si je n’avais pas bougé de chez moi, j’allais trouver la mort. J’ai été prévenu qu’ils allaient venir m’attaquer. Mais en plein jour, je ne l’imaginais pas. C’est la troisième fois que je suis agressé. La première fois, c’était la nuit. La deuxième fois c’était en plein jour. (NDLR : le jour de l’adoption du nouveau Code électoral).
Comptez-vous déposer plainte contre X, dans les jours à venir ?
Bien sûr ! C’est une évidence. C’est vrai que ce qui est important, c’est que je sois en vie, grâce à la volonté de Dieu. J’ai beaucoup perdu et je ne connais pas l’étendue des dégâts. Il n’y a pas de raison que je ne porte pas plainte contre les assaillants qui sont d’ailleurs connus. Ce qui m’a surtout marqué, c’est la cruauté des actes. Il y a l’aspect satanique dans leurs actes. Aller jusqu’à arracher des pages de la bible pour brûler une maison, c’est inqualifiable. Selon ceux qui les ont vus, ils ont d’abord tiré en l’air pour dire : « Dieu n’a qu’à prendre sa part ». Même la cour de mon papa n’a pas été épargnée.
Où étiez-vous quand tout cela se produisait ?
(Rire). Comment voulez-vous que je vous dise où j’étais. Tout n’est pas encore terminé. Même si c’est terminé, demain, qui sait ? Je peux simplement vous dire que j’étais quelque part en ville. Je n’ai pas quitté Ouagadougou.
Propos recueillis par M.T.
