HomeA la unePUTSCH CONTRE LE PRESIDENT GUINEEN

PUTSCH CONTRE LE PRESIDENT GUINEEN


Pour sa première sortie publique au lendemain de son coup d’Etat qui a renversé le président Alpha Condé, le 5 septembre dernier, le colonel Mamady Doumbouya s’est voulu plutôt rassurant. Devant les caciques de l’ancien régime convoqués pour une réunion d’urgence et de mise au point au Palais du peuple le 6 septembre dernier, il a non seulement déclaré qu’«il n’y aura pas de chasse aux sorcières » mais aussi promis la formation d’un gouvernement d’union nationale pour conduire la transition. Au même moment, avaient lieu les premières passassions entre militaires et autorités civiles, notamment à Labé et à Kankan (fief du président déchu) où le gouverneur et le préfet ont été remplacés. Preuve que petit à petit, la junte militaire au pouvoir en Guinée est en train de prendre ses marques pour une transition qui ne dit encore véritablement rien de sa couleur. Et la question qui préoccupe plus d’un, est de savoir quelle forme prendra la transition guinéenne. Car, une chose est de balayer une dictature, une autre est de passer par des tours de passe-passe et autres manœuvres insidieuses pour en installer une autre, généralement beaucoup plus féroce.

 

 

Le colonel Doumbouya n’a pas droit à l’erreur

 

 

C’est pourquoi, relativement à la transition qui se dessine, l’on est curieux de savoir s’il faut s’attendre à une pâle copie de celle en cours au Mali où les militaires, après avoir tenu des propos mielleux au lendemain de leur coup de force contre le président Ibrahim Boubacar Keita (IBK), ont fini par tomber le masque en s’accaparant tous les postes stratégiques du pouvoir. Ou bien le colonel Mamady Doumbouya mettra-t-il un point d’honneur à mettre en place une transition civile à l’effet de remettre le plus rapidement possible le pays sur les rails de l’ordre constitutionnel normal ? On attend de voir. Mais d’ores et déjà, tout porte à croire que du choix qu’il fera de contrôler ou non la transition, dépendra la confiance de ses compatriotes et de la communauté internationale relativement à sa volonté ou non de rester au pouvoir. C’est dire si le colonel Doumbouya sera étroitement surveillé comme du lait sur le feu , et ses faits et gestes minutieusement scrutés à la loupe pour savoir s’il est sincère dans sa volonté d’ouvrir une nouvelle ère d’espoir démocratique pour son pays ou s’il ne fera pas l’exception de ses frères d’armes du continent venus balayer…le palais présidentiel pour mieux s’y installer. En attendant, ses premiers actes vont dans le sens de la décrispation et de l’apaisement, comme la libération annoncée des prisonniers politiques, de même que le démantèlement qui a déjà commencé à Conakry, des fameux postes avancés de Condé jadis édifiés pour faciliter les interventions des forces de l’ordre contre les manifestants, dont de nombreux Guinéens gardent un triste souvenir.  Ce qui est de bonne guerre pour avoir le soutien des contempteurs du président déchu.

 

 

Le quadragénaire colonel doit travailler à installer la démocratie guinéenne sur des bases beaucoup plus saines et plus solides

 

 

Mais le colonel Doumbouya doit savoir qu’il n’a pas droit à l’erreur. Et c’est peu dire qu’il est tenu à l’œil par ses compatriotes, notamment l’opposition et la société civile qui ne manqueront pas de donner de la voix le cas échéant, mais aussi par la communauté internationale qui a déjà annoncé la couleur par des condamnations tous azimuts et qui donne des raisons de croire qu’elle va immanquablement s’inviter dans cette transition qui s’annonce encore pleine d’incertitudes pour la Guinée.  C’est pourquoi, si son coup de force contre le Professeur paraît pour le moins salutaire aux yeux de nombreux Guinéens, le quadragénaire colonel se doit de se montrer à la hauteur de l’histoire pour ne pas décevoir. En tout cas, s’il veut rentrer dans l’histoire de son pays par la grande porte, il doit tout faire pour que ses compatriotes ne regrettent pas Alpha Condé. Pour ce faire, il doit œuvrer à corriger les erreurs et autres dérives totalitaires de ce dernier.  Et au-delà, travailler à installer la démocratie guinéenne sur des bases beaucoup plus saines et plus solides. S’il y parvenait, il prouverait à la face du monde qu’un coup d’Etat comme départ d’un renouveau démocratique n’est pas une utopie. Autrement, autant il est arrivé en libérateur sous les vivas et autres ovations de son peuple, autant, s’il n’y prend garde, il pourrait repartir sous les quolibets de ce même peuple s’il s’avisait à vouloir jouer les roublards dans le but de rouler in fine tout le monde dans la farine. Le colonel Mamady Doumbouya est prévenu.

 

 « Le Pays »

 

 


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