HomeA la uneQUITUS DU PARLEMENT POUR L’ENVOI DE SOLDATS NIGERIENS AU NIGERIA : Le plus dur reste à faire

QUITUS DU PARLEMENT POUR L’ENVOI DE SOLDATS NIGERIENS AU NIGERIA : Le plus dur reste à faire


La classe politique nigérienne a su dépasser la vive controverse qui la déchire au sujet de l’affaire dite de bébés importés du Nigeria et dans laquelle une des épouses de l’ancien président de l’Assemblée nationale se trouve impliquée, pour parler d’une même voix contre Boko Haram. En effet, face au péril que représente pour la patrie ce mouvement djihadiste, le parlement a accordé, à l’unanimité, le lundi 9 février 2015, un quitus au gouvernement pour l’envoi de soldats nigériens au Nigeria. Cette attitude du parlement est à saluer parce qu’elle traduit le fait  que sur les questions d’intérêt national, comme celle de la lutte contre Boko Haram, la classe politique peut faire preuve de hauteur de vue pour regarder dans la même direction, comme a su bien le faire la classe politique française suite à l’attentat terroriste meurtrier contre Charlie Hebdo.

La traque de Boko Haram pourrait être corsée

Avant le Niger, les hommes politiques du Tchad avaient fait bloc autour de leur gouvernement pour l’envoi de soldats de leur pays pour traquer Boko Haram hors de leur territoire national. La classe politique de ces deux pays est donc à saluer. Malheureusement, dans le pays le plus concerné par la problématique de Boko Haram, la classe politique n’est pas dans cette logique. A ce propos, l’on se rappelle encore le rejet par le sénat nigérian, de la demande du gouvernement fédéral, lorsqu’il a sollicité de cette institution, l’octroi de crédits aux fins de doter l’armée d’équipements appropriés pour lutter contre Boko Haram. Ce manque d’union sacrée de la classe politique autour de Goodluck Jonathan, pourrait être lié au fait que ce dernier, en choisissant de rebelotter en 2015, a violé la règle non écrite qui organise l’alternance au sommet de l’Etat selon des critères confessionnels. Selon les partisans de cette fameuse loi, Goodluck Jonathan, le chrétien  du Sud, doit cette fois-ci passer la main à un musulman du Nord. Les tenants de cette logique peuvent faire feu de tout bois, pour faire barrage à Goodluck Jonathan. De ce point de vue, ils ne trouveront aucun scrupule à être de connivence avec Boko Haram, pour créer des difficultés au président nigérian. Ils peuvent d’autant plus le faire que politiquement, ils sont susceptibles d’en récolter des dividendes. La dénonciation du report de la date des élections par l’opposition, peut être lue dans ce sens. Car, plus Goodluck éprouve des difficultés face aux ravages meurtriers de Boko Haram, plus l’opposition a des arguments pour le faire passer aux yeux des électeurs, pour un homme qui n’est  pas digne de gouverner à nouveau le Nigeria. Cet argumentaire, au regard de la situation sécuritaire actuelle du pays, peut être bien reçu par l’électorat. Cela dit, et pour revenir au quitus fort et sans ambiguïté accordé par le parlement nigérien au gouvernement pour l’envoi de soldats au Nigeria, l’on peut avoir envie de dire que le plus dur reste à faire. Voter une loi contre Boko Haram est une chose, poser des actes pour le contrer sur le terrain en est une autre. A l’intérieur même du Niger, la traque de Boko Haram pourrait être corsée pour les raisons suivantes. D’abord, contrairement à la classe politique qui affiche un front uni contre Boko Haram, la société nigérienne pourrait être réceptive à certains thèmes développés actuellement par Boko Haram. L’idée selon laquelle l’éducation occidentale est un péché est susceptible de faire des émules au sein des populations. Même avant que les barbus nigérians n’en fassent leur credo, les autorités du Niger avaient du mal à convaincre bien des parents à scolariser leurs enfants dans les écoles classiques. Ceux-ci préfèrent les envoyer dans des écoles coraniques que de les inscrire dans le système éducatif formel qu’ils considèrent, à tort ou à raison, comme un cadre où l’on transmet aux apprenants des valeurs qui font la part belle à  la civilisation judéo-chrétienne, fondement de la culture occidentale. Cette représentation est forte dans la société nigérienne. Même dans les universités du pays, censées être de hauts lieux de la réflexion cartésienne, l’on note actuellement l’omniprésence de prêches incendiaires qui ne sont pas loin de ceux tenus par Boko Haram.

Il faut un travail de déconstruction des thèses de Boko Haram

Ensuite, Boko Haram a eu le temps de polluer certains esprits au Niger. En effet, la nébuleuse islamiste a recruté en masse dans la région de Diffa et à Bosso, et nombre de ses membres ont infiltré les camps de réfugiés installés sur le territoire nigérien. D’ailleurs, l’on peut imputer les actes de violence dirigés contre les églises et les centres culturels français, que l’on a pu observer dans le pays suite à l’affaire « Charlie Hebdo », à ce travail pédagogique déjà opéré en territoire nigérien par Boko Haram. L’on peut ajouter à cela le fait que cette organisation djihadiste dispose au Niger de cellules dormantes qu’elle peut activer quand elle veut et comme elle veut, dans sa croisade contre ce qu’elle appelle la culture occidentale et ses suppôts locaux. Le ver est donc déjà dans le fruit et l’en extirper ne sera pas tâche aisée. Pour cela, en plus des mesures militaires et politiques prises par le parlement contre Boko Haram, il faut tout un travail méthodique de déparasitage des esprits et de déconstruction des thèses de Boko Haram. A cela, il faut ajouter la prise de mesures fortes, susceptibles de tirer les jeunes Nigériens de l’emprise du chômage et de l’oisiveté. Car, avant de faire entendre raison à tous ceux qui peuvent être séduits par le discours de Boko Haram, il faut d’abord répondre à leurs préoccupations existentielles. Pour toutes ces raisons, l’on peut dire qu’après le quitus du parlement autorisant  l’envoi de soldats nigériens au Nigeria pour casser du Boko Haram, le plus dur reste à faire. Et ce plus dur doit être fait d’abord sur le territoire nigérien, parce que Boko Haram y est déjà confortablement installé. Au Nigeria, Goodluck Jonathan lui a donné l’occasion de gangrener toute la société nigériane. C’est pourquoi la déclaration du conseiller à la sécurité du président nigérian, selon laquelle le pouvoir donne six semaines à Boko Haram pour anéantir toutes ses bases au Nigeria, peut être perçue par les personnes avisées comme une déclaration qui n’engage que ceux qui y croient.

« Le Pays »


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