HomeA la uneRAPPORT D’ACTIVITES 2014 DE L’ASCE : Des malversations portant sur plus de 800 millions de F CFA relevées

RAPPORT D’ACTIVITES 2014 DE L’ASCE : Des malversations portant sur plus de 800 millions de F CFA relevées


L’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE) a officiellement remis son rapport général d’activités 2014 au président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, le 14 janvier 2016 au palais de Kosyam. Au-delà de la simple satisfaction à une obligation légale, l’institutionnalisation et la remise du rapport d’activités visent à faire en sorte que l’Etat burkinabè devienne un espace de service et non plus un espace d’enrichissement, de puissance et de prédation au profit d’une minorité. L’ASCE s’est employée à mettre en lumière les abus, les excès et les dysfonctionnements du système de gouvernance. Ce rapport est le fruit d’un travail d’exploitation et de coordination de plus de 600 contributions diverses issues de missions de l’ASCE, de l’Inspection générale des finances, des Inspections générales des services et parfois d’enquêtes conjointes. Les contrôles ont révélé des malversations à hauteur de 821 738 789 F CFA en 2014, où les détournements de fonds ou manquants de caisse représentent 90%. Le Burkina, classé pays de l’UEMOA le moins corrompu depuis 2013, occupe le deuxième rang après le Sénégal, au titre des pays les plus corrompus.

 

« C’est mettant fin à l’impunité et en tenant les corrupteurs pour responsables, que nous pourrons commencer à restaurer la confiance dans nos institutions et aider nos gouvernants à asseoir un réarmement éthique fondé sur les valeurs d’intégrité et de responsabilités ». Ce sont ces mots du Contrôleur d’Etat, Luc Marius Ibriga, qui figurent en fin de message dans les premières pages du rapport d’activités de 192 pages qui met en évidence les tares et autres mauvaises pratiques au niveau de l’Administration burkinabè. L’administration est férue de textes, mais les pratiques institutionnelles sont faites en dehors des textes. Les détournements de fonds estimés à 2% en 2013 sont passés à 92% en 2014 selon le rapport. Pour infléchir la courbe de cette recrudescence de malversations, les contrôles doivent être réguliers et rigoureux, à entendre le contrôleur d’Etat, Luc Marius Ibriga. Selon le rapport, au niveau du contrôle et de l’audit, de 2009 à 2014, plusieurs types de malversations ont été constatés en fonction de leur prépondérance.

L’analyse de l’ASCE et celle du REN-LAC concordent sur les passations de marchés publics qui n’obéissent pas aux normes légales en la matière. Les textes ne sont pas mis en œuvre dans ce domaine. L’audit du processus d’octroi de crédit au Fonds d’appui aux initiatives des jeunes (FAIJ) a relevé que le non-respect des critères d’octroi de crédit et le manque de rigueur dans l’analyse des dossiers ont été causes de favoritisme, ce qui sous-tend le faible taux de remboursement des créances. Quant au Fonds d’appui à la promotion de l’emploi (FAPE), l’audit du processus d’octroi de crédit a révélé qu’il n’existe pas de manuels de procédures et des critères formalisés d’octroi de crédits. Le FAPE fonctionne de ce fait sur la base de procédures informelles. Ce qui constitue un boulevard ouvert à la corruption, au favoritisme et à la fraude. L’audit de l’utilisation des ressources reçues par 7 ministères, 2 communes (Ouaga et Bobo) dans le cadre de la mise en œuvre des mesures sociales a révélé des dépenses non éligibles, non autorisées. Les montants en F CFA s’élèvent à plus de 176 millions pour le ministère de la Communication, plus de 270 millions pour le ministère de l’Action sociale et de la solidarité nationale, plus de un milliard pour le ministère des Enseignements secondaire et supérieur. Dans la prise en charge des dépenses liées à la couverture médiatique de l’ensemble des mesures sociales, censée être assurée par le ministère de la Communication, le montant des doublons de dépenses s’élève à plus de 66 millions. Ailleurs, les irrégularités ont des formes variées. Le contrôle et la vérification de la gestion des subventions accordées par le Fonds mondial par exemple, ont permis de découvrir des dépenses non justifiées de plus de 2 millions de frais de carburant servis à l’ancien coordonnateur du projet Fonds mondial/SP/CNLS-IST sur la dotation destinée au fonctionnement des départements du SP/CNLS, le versement sans contrat de prestation de plus de 20 millions de frais de prestation aux personnes faisant partie du personnel. L’audit de la SONABEL a révélé, entre autres irrégularités et anomalies, un important « stock mort » de créances douteuses de plus de 5 ans d’âge d’un montant de plus de 3 milliards FCFA sur un total de plus de 5 milliards, des créances douteuses de plus de 185 millions dont le recouvrement est définitivement compromis. Au niveau de la SONABHY, les pertes sur créances totalisent un montant de plus de 7 milliards sur la période 2010-2014, avec inexistence de procédures formalisées pour la constatation des pertes, selon les résultats de l’audit. Luc Marius Ibriga a confié au président du Faso et au Premier ministre l’importance de mettre en place une chaîne pénale spéciale pour sanctionner les crimes économiques ; toute chose qui a rencontré l’adhésion de ces deux personnalités de l’Etat.

Lutte anti-corruption sans merci

La lutte contre la corruption est l’une des principales missions de l’ASCE qui a organisé une campagne de sensibilisation sur les effets néfastes de la corruption au profit des six Ecoles de formation professionnelle et du ministère de la Recherche scientifique et de l’innovation. L’ASCE s’est dotée d’un mécanisme de suivi-évaluation de la corruption dont le premier rapport publié en 2014 a porté sur les finances publiques et les activités judiciaires. En 2013, le Burkina Faso était classé 2e pays le plus corrompu des pays de l’UEMOA après le Sénégal. L’ASCE préconise des actions fortes et concrètes parmi lesquelles l’adoption d’une loi anti-corruption, recommandée par les assises nationales sur la corruption et la mise en place d’une infrastructure efficiente de lutte contre la corruption. Le rapport mentionne que la lutte contre la corruption est un combat de longue haleine qui ne saurait être l’apanage de la seule ASCE et qui nécessite la participation citoyenne. La vulgarisation de la loi 004/2015/CNT de mars 2015 portant prévention et répression de la corruption au Burkina ainsi que son application effective va aider à éradiquer l’impunité ambiante dans notre pays, à entendre le Contrôleur d’Etat. Ce rapport est le sixième du genre depuis les huit ans d’existence de l’ASCE. L’institution appelle à une mobilisation générale contre la corruption afin que s’installe dans le corps social une culture du refus de la corruption. L’ASCE va connaître des changements significatifs quant à son statut et sa dénomination, son organisation et ses compétences. L’ASCE deviendra Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC).

Lonsani SANOGO

 


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