RD CONGO : Le pouvoir et l’opposition dans une logique d’affrontement
Après le retour triomphal au pays natal, de l’opposant historique et charismatique, Etienne Tshisekedi, après que le pouvoir a réussi, le vendredi 29 juillet dernier, le pari de remplir le mythique stade « Tata Raphaël » de Kinshasa à l’effet de soutenir le dialogue national prôné par Joseph Kabila, c’était au tour de la plateforme de l’opposition, sous la houlette du sphinx de Limeté, de réunir ses militants pour marteler et réitérer sa position face à la situation qui prévaut aujourd’hui en RDC. La manifestation a eu lieu, hier, à Kinshasa, au stade des martyrs. Et le moins que l’on puisse dire est que la mobilisation était au rendez-vous. La vedette du jour était naturellement celui qui a toujours placé son action politique sous le signe du combat contre la dictature dans son pays. De ce fait, il a eu à croiser le fer de par le passé contre les dictatures de Mobutu Séssé Séko et de Kabila père. Aujourd’hui, il a dans son viseur la dictature de Kabila fils, au pouvoir depuis 2001 et qui n’entend pas le quitter à l’expiration de son mandat. Comme l’on pouvait s’y attendre, le vieux a craché toutes ses vérités à l’occasion de ce méga meeting, le premier du genre depuis qu’il est rentré d’exil.
A entendre Etienne Tshisekedi, pas une seconde de plus ne sera accordée à Joseph Kabila, à l’expiration de son mandat
“Le vieux”, comme l’appellent affectueusement ses militants et sympathisants, ne s’est pas encombré de périphrases pour signifier à Joseph Kabila de débarrasser le plancher le 19 décembre à 0 heure, date à laquelle il devrait passer le témoin à l’homme ou à la femme que le peuple congolais aura choisi dans les urnes. Pas une seconde de plus, à entendre Etienne Tshisekedi, ne sera accordée à Joseph Kabila, à l’expiration de son mandat. La clarté et la fermeté du message ont mis aux anges tous ceux qui ont fait le déplacement du stade des martyrs de Kinshasa pour écouter religieusement le patriarche. Et le message semble avoir été reçu 5/5 ; en témoignent « les bye bye Kabila » tonitruants, scandés par la foule surchauffée qui a pris place au stade des martyrs. Deux jours avant les tirades du vieux, c’était les pro-Kabila qui s’étaient retrouvés au stade Tata Raphaël de Kinshasa pour marquer leur soutien sans faille au dialogue national voulu par le pouvoir. Là aussi, la mobilisation, si l’on s’en tient aux organisateurs du meeting, n’avait pas fait défaut. Mais l’opposition, on se rappelle, avait brandi le caractère suscité de la mobilisation. Elle avait notamment dénoncé l’obligation faite aux fonctionnaires de participer au meeting de la majorité. Sans prendre parti dans la guerre des statistiques à laquelle se livrent les acteurs politiques congolais et sans apporter de l’eau au moulin de l’opposition, l’on peut se permettre de faire remarquer que sous nos tropiques, de façon générale, les rassemblements organisés par les satrapes à l’effet de justifier leurs forfaitures, sont toujours couronnés de succès. Et pour cause. Ils y mettent les moyens. En effet, toute l’Administration est mise à contribution et les populations dont l’écrasante majorité est en proie à l’analphabétisme et à la misère, sont convoyées comme du bétail, nourries à l’occasion et gratifiées de billets de banque, pour venir aux meetings, rien que pour applaudir à tout rompre le prince régnant. La RDC de Joseph Kabila ne peut pas déroger à cette règle générale. Car, le moins que l’on puisse, dire c’est qu’elle s’apparente à une satrapie. Et pour conforter la satrapie, Joseph Kabila sait qu’il peut compter sur les bons services d’une flopée de Raspoutine et autres rhéteurs passés maîtres dans l’art du mensonge et du déni de la démocratie. Et pour en rajouter à l’imposture, il a mis à contribution la Cour constitutionnelle. Cette structure, on se souvient en effet, lui a déjà donné quitus de demeurer au pouvoir jusqu’à ce qu’on lui trouve un successeur. La voie est ainsi ouverte pour le dictateur, de tordre le cou aux délais prescrits par la Constitution, au gré de ses humeurs. Malheureusement pour lui et heureusement pour la démocratie, l’on peut dire qu’il a face à lui “un garçon”, pour parler comme les Ivoiriens, qui a la carapace nécessaire pour contrarier son projet.
L’on peut craindre le pire pour la RDC
Ce garçon n’est autre, vous l’aurez deviné, que Etienne Tshisekedi. Et il semble avoir derrière lui des hommes et des femmes déterminés à en découdre avec le camp de Joseph Kabila composé essentiellement de courtisans, d’habiles et machiavéliques flatteurs disposés à brûler le pays pour sauvegarder leurs intérêts. Il en résulte une cristallisation, très dangereuse pour la paix sociale, du débat politique autour de deux positions. Le vice-président du G7, Christophe Lutumdula, a su bien décrire la situation, on ne peut plus manichéenne en ces termes : « D’un côté, l’on a le camp de ceux qui soutiennent le président de la République et son dialogue convoqué pour violer la Constitution et entériner l’incapacité du pouvoir d’organiser les élections. Et de l’autre, le camp des forces de changement qui tiennent à la Constitution du 18 février et à l’alternance politique ». Ces 2 camps, manifestement, ne sont pas prêts à se faire de cadeaux. Dès lors, l’on peut dire que le pouvoir et l’opposition sont dans une logique d’affrontement. Et quand on sait que dans ce pays aux mille et une ethnies largement instrumentalisées par des acteurs politiques en manque de vision, où bien des gens donnent l’impression d’avoir le viol et la violence chevillés au corps, l’on peut craindre le pire pour la RDC. D’ailleurs, l’on peut se risquer à dire que ce scénario-catastrophe fait partie du plan de Joseph Kabila. Car, autrement, l’on peut avoir du mal à comprendre son acharnement morbide à s’accrocher à son trône et ce, après plusieurs années de règne et en contradiction flagrante avec la Constitution de son pays.
« Le Pays »