RECONDUCTION DU PREMIER MINISTRE CHRISTOPHE MARIE JOSEPH DABIRE
La nouvelle est tombée la nuit dernière et a surpris plus d’un. Christophe Joseph Marie Dabiré a été reconduit dans ses fonctions de Premier ministre, mettant ainsi fin au suspense et aux supputations qui ont tenu les analystes politiques et les cyber- activistes en haleine pendant ces dix derniers jours. Si le président du Faso a décidé de renouveler sa confiance à l’ancien ministre et ancien commissaire de l’Uemoa, c’est sans doute parce qu’il lui aurait été difficile de justifier sa séparation d’avec ce Premier ministre accommodant, que les mauvaises langues qualifient de pâle exécutant à la solde de Kosyam. Les observateurs et même les spécialistes en sciences politiques oublient bien souvent que changer de Premier ministre n’est pas une opération anodine, et dans le cas de Christophe Dabiré, c’eût été difficilement compréhensible que le président du Faso l’abandonne en rase campagne à l’entame de son deuxième et dernier mandat. En dehors du handicap de l’âge avancé qui rend encore plus périlleuse sa mission qui consiste à « enfourcher le tigre » dans ce Burkina en ébullition, et bien que le parti au pouvoir dispose d’une panoplie de Premier ministrables jeunes et combatifs, rien ne pouvait a priori justifier la non-reconduction du « Vieux », car le faire reviendrait à reconnaitre qu’il y avait eu un mauvais casting quand il s’était agi de remplacer Paul Kaba Thiéba en janvier 2019. En outre, le président Roch Kaboré donnerait par là la preuve que les relations avec son chef du gouvernement étaient devenues exécrables ou à tout le moins conflictuelles. Et comme vu de Kosyam il n’y a pas de nuages entre les deux têtes de l’Exécutif, pourquoi le président du Faso ne prolongerait-il pas le bail de Christophe Dabiré à la Primature, afin non seulement de lui témoigner sa gratitude pour les efforts « surnaturels » qu’il a fournis pour apaiser un tant soit peu les tensions tous azimuts qui menaçaient entre-temps d’emporter le régime, mais aussi et de se servir de cet homme de consensus pour mettre en sourdine les rivalités et conflits de leadership extrêmement dommageables à la cohésion du parti au pouvoir qui a déjà les élections couplées de 2025 en ligne de mire ?
Il faudra attendre la formation du gouvernement pour savoir si c’est à une équipe rageusement combative et très politique qu’on aura affaire
Reste à savoir comment les partenaires sociaux qui ont plus d’une fois pointé du doigt l’autoritarisme du septuagénaire Premier ministre, vont accueillir la nouvelle, surtout qu’il est certain que pendant ce dernier quinquennat de Roch, l’Exécutif sera plus enclin à dérouler le programme du président qu’à se ruiner dans des négociations compromettantes et à prendre des engagements suicidaires comme on l’a vu pendant le premier mandat. Mais il faudra attendre la formation très prochaine du gouvernement pour savoir si véritablement c’est à une équipe rageusement combative et très politique qu’on aura affaire, d’autant qu’il se susurre que quasiment tous les ministres sortants issus de la société civile, seront effectivement sortis, pour faire place-nette aux acteurs politiquement marqués et provenant de différentes chapelles. En attendant, les tractations continuent et il semble que nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises puisque des membres de l’opposition et non des moindres, seraient pressentis pour accompagner Roch Marc Christian Kaboré dans l’exécution du programme pour lequel il a été réélu. On espère que les contradictions internes et les débats dont on dit qu’ils sont parfois houleux sur la répartition des portefeuilles ministériels, ne vont pas nous maintenir pour plusieurs jours encore dans ce mode « laisse-guidon » ou « pilotage automatique », d’autant plus préjudiciable pour notre pays que nous avons des défis multiples et multiformes d’une urgence extrême à relever, notamment sur les plans sécuritaire, économique et sanitaire.
Hamadou GADIAGA