HomeNon classéRECRUDESCENCE DES COUPS D’ETAT EN AFRIQUE DE L’OUEST: A quand la gouvernance vertueuse en Afrique ?

RECRUDESCENCE DES COUPS D’ETAT EN AFRIQUE DE L’OUEST: A quand la gouvernance vertueuse en Afrique ?


Palais de Koulouba à Bamako, Palais Sékhoutouréya à Conakry, Kosyam à Ouagadougou.  En l’espace de quelques mois, tous ces trois palais présidentiels ont été déshabillés- par la force des kalachs, des tanks et même d’hélicos de combat- de leurs attributs civils. Le même scénario était en passe de se produire au Palais du Gouvernement en Guinée-Bissau, le 1er février dernier, mais le président Umaro Sissoco Embaló a réussi à se tirer d’affaire. Faut-il s’étonner de cette tentative de coup d’Etat au pays des Lycaons ? Répondre par l’affirmative à cette interrogation, serait fermer les yeux sur cette épidémie putschiste hautement contagieuse, au sein des pays membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et oublier que les coups d’Etat font partie de l’ADN de ce narco-Etat.

La quadrature du cercle bissau-guinéenne

En effet, et cela est un fait établi, la CEDEAO qui avait pour ambition d’être un « bouclier anti-coup d’Etat » à l’intérieur de son espace, est en train de voir ses membres basculer, l’un après l’autre, dans des régimes militaires. Après IBK, Condé et Roch, Embalo semblait avoir été désigné pour être le prochain sur la liste. Et ce n’est pas la première fois que cet ancien général survit à un coup d’Etat dans son pays et ce, depuis son arrivée au pouvoir en 2020 dans les conditions que l’on sait. L’on se rappelle comme si c’était hier, que l’implication de la CEDEAO a été décisive pour la victoire de Embalo aux élections qui l’ont conduit au pouvoir. « Face à la persistance de ce blocage et après analyse approfondie de la situation politique du pays, les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO ont décidé de reconnaître la victoire de Monsieur Umaro Sissoco Embaló », avait écrit, dans un communiqué publié le 22 avril 2020, l’organisation sous-régionale. Par cette sentence, la CEDEAO pensait-elle avoir trouvé la solution à la quadrature du cercle bissau-guinéenne ? Peut-être oui parce qu’après avoir tant misé et investi, pour que ce pays retrouve la stabilité politico-institutionnelle, l’instance sous-régionale pouvait nourrir l’espoir mais, comme on le dit, les mauvaises habitudes ont la peau dure.

Les évènements du 1er février  dernier à Bissau illustrent l’immensité des défis à relever pour la stabilité de la Guinée-Bissau et de l’ensemble de la sous-région. Car, malgré les sanctions même les plus extrêmes contre les régimes militaires, comme c’est le cas au Mali, le pouvoir kaki ne cesse de se métastaser du Sahel au Golfe de Guinée en passant par la savane, laissant dans moult interrogations, les démocrates et autres adeptes de l’Etat de droit. L’une des questions les plus fondamentales, est la suivante : à quoi servent les armées en Afrique ? Forme-t-on les soldats pour qu’ils prennent, par la suite, le pouvoir d’Etat par les armes ? Du moins, sont-ils aujourd’hui plus aptes à casser du civil pour occuper les palais présidentiels qu’à affronter des terroristes armés qui sapent l’existence de nos Etats? A quoi servent nos armées ?

Sans jeter en pâture nos « grandes muettes », il faut reconnaitre que la réalité en Afrique est que, souvent, certaines armées jouent aux enfants gâtés si fait qu’une remise en cause de leurs privilèges, par souci d’équité dans la gouvernance, provoque des coups de sang. Assimi Goïta au Mali et Mamadi Doumbouya en Guinée, qui ont été démis de leurs postes respectifs avant leur prise de pouvoir, sont des cas illustratifs. Bien des chefs militaires adorent danser la salsa dans les boites de nuit et rouler dans des véhicules rutilants.

Le mal est connu, la thérapie aussi

A la décharge des militaires putschistes, la gouvernance vertueuse est le dernier des soucis de bien des pouvoirs politiques en Afrique. En effet, les changements anticonstitutionnels de gouvernements et les soulèvements populaires, comme l’écrit le Conseil de paix et de sécurité de l’UA, « tirent leurs causes profondes de carences en matière de gouvernance ». Pour sûr, la cupidité, l’égoïsme, la gestion inadéquate de la diversité, les violations des droits de l’Homme, le refus d’accepter la défaite électorale, les manipulations de Constitutions, ainsi que leur révision par des voies anticonstitutionnelles pour servir des intérêts égoïstes, la corruption, etc., constituent autant de facteurs qui contribuent grandement à la survenance de changements anticonstitutionnels de gouvernements.

Pour conjurer les putschs, il faut à la fois des armées républicaines et de la gouvernance vertueuse. Cela est-il possible ? Comment y parvenir ? Le mal est connu. La thérapie aussi. L’on espère bien que le sommet extraordinaire de la CEDEAO qui se tient ce 3 février 2022, à Accra au Ghana, sur la situation au Mali, en Guinée Conakry, au Burkina Faso et en Guinée-Bissau, au-delà des condamnations et des sanctions, aura le courage de traiter les questions fondamentales en lien avec la gouvernance politique, économique et sociale.

 

                                                                                   Michel NANA

 


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