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RECRUTEMENT ANNONCE D’UN PERSONNEL D’APPOINT AU MINEFID


Va-t-on vers le dénouement de la crise ?

Face au bras de fer qui oppose le gouvernement à la Coordination des syndicats du ministère de l’Economie, des finances et du développement (CS-MINEFID), le Conseil des ministres, en sa séance du 18 Juin 2018, a décidé du recrutement d’un personnel d’appoint, notamment les retraités et les volontaires pour pallier le manque à gagner qu’entraîne nécessairement le maintien du mot d’ordre de grève des syndicalistes. La décision est inédite dans l’histoire de notre pays, même si elle n’est pas sans rappeler le recrutement des enseignants révolutionnaires sous le Conseil national de la révolution (CNR), après les licenciements massifs des instituteurs grévistes en 1984. La question que l’on peut tout de suite se poser, est de savoir si cette décision gouvernementale est la bonne.

L’initiative du gouvernement peut permettre de faire bouger les lignes

A priori, l’on peut répondre à cette interrogation par l’affirmative. Et pour cause. Le gouvernement n’a pas perdu de vue l’une de ses prérogatives essentielles qui est d’assurer la continuité du service public, au nom de l’intérêt général. L’appel aux retraités et aux volontaires sonne, de ce fait, comme une mobilisation générale en temps de guerre. Sans nul doute, l’initiative du gouvernement peut permettre de faire bouger les lignes au sein même des syndicalistes. La preuve, les lézardes qui existaient dans le
front, vont immanquablement se muer en de véritables failles, avec la création annoncée d’un nouveau syndicat qui se démarque des positions jugées maximalistes de la CS-MINEFID. Enfin, dans un contexte national où la quête de l’emploi relève du parcours du combattant, la mesure gouvernementale va faire mouche dans le monde des chômeurs qui vont y voir une occasion rêvée de se faire un petit job ; toute chose qui aura pour effet d’augmenter le capital sympathie de l’équipe de Paul Kaba Thièba (PKT) au sein d’une opinion publique dont la CS-MINEFID a déjà perdu la bataille. Mais l’on se doute bien que cette décision du gouvernement ne soit pas tout bénef.
En effet, il y a un véritable risque que les autres organisations de la Fonction publique, craignant que leur tour ne vienne après la liquidation de la CS-MINEFID, n’appellent, à titre préventif, à des grèves de solidarité. Les conséquences d’un tel scénario qui n’est pas improbable au regard du soutien de principe de la Confédération générale des travailleurs du Burkina (CGT-B) à la lutte des financiers, seraient dramatiques pour une économie déjà moribonde et pour la cohésion sociale déjà menacée par le péril djihadiste. Sans être un partisan de l’apocalypse ou un scénariste de la politique- fiction, il faut admettre que le risque existe, surtout en ce moment où les passes d’armes entre les gouvernants et les syndicats sont légion, rendant le climat social délétère.
Cela dit, quels que soient les aboutissants de cette décision qui constitue un tournant
dans la crise parce qu’elle marque la radicalisation des positions tant du côté du gouvernement que du côté des travailleurs en lutte au MINEFID, c’est le peuple qui trinquera. Car, comme le dit l’adage, « quand les éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit ».

Il faut faire prévaloir le bon sens

Nonobstant les conséquences déjà bien connues de ce mouvement d’humeur des « Colbert » burkinabè sur le tissu économique et le fonctionnement des institutions dont certaines sont déjà frappées de paralysie partielle ou totale, il va sans dire que l’arrivée de volontaires sans peut-être les qualifications requises dans un secteur aussi stratégique que les finances publiques, risque d’entraîner la Nation dans des difficultés énormes. A titre illustratif, l’on connaît ce que l’arrivée des enseignants révolutionnaires avait entraîné comme déficit en matière de qualité de notre système éducatif et de dévalorisation même du métier, avec ses effets induits. Il faut espérer que le gouvernement ait déjà fait preuve d’anticipation à ce propos. Par ailleurs, ce même gouvernement devrait prendre ses responsabilités en parant à toute éventualité de vengeance de la part de certains agents du MINEFID qui voudraient se défouler sur le secteur privé, à défaut d’avoir pu faire plier le gouvernement. Manifestement déterminés à préserver vaille que vaille leurs intérêts, ceux-ci pourraient être amenés à ne faire aucune concession au secteur privé qui leur servirait alors de punching-ball. Mais soyons clair, notre propos n’est pas d’encourager l’impunité fiscale, ni d’inciter le secteur privé à se dérober de ses obligations vis-à-vis de l’Etat. Loin s’en faut ; les entreprises privées fautives doivent être sanctionnées. Reste que l’on peut faire remarquer que la faute n’est pas toujours et forcément imputable à l’opérateur économique. Lenteurs administratives, problèmes de connexion, etc., sont autant de goulots d’étranglement qui pourraient faire le miel d’agents intéressés et cupides. Et dans le pire des cas, ceux-ci pourraient même, à dessein, s’ériger en obstacles dans le traitement d’un dossier, causant ainsi des retards dans la perspective d’en tirer des dividendes personnels. Rien n’est à exclure. En tout cas, dans son propre intérêt, l’Etat devrait se prémunir contre de tels scénarii. Car, si des agents d’impôts venaient dorénavant à se comporter systématiquement en pères fouettards aveugles et avides de sous (fonds communs), ce serait alors la meilleure façon de tuer la poule aux œufs d’or, c’est-à-dire le secteur privé qui constitue le moteur vrombissant de l’économie nationale déjà à la peine. Le secteur privé a déjà suffisamment de problèmes, il ne faut pas en rajouter. C’est pourquoi l’Etat doit travailler à éviter toute perversion, au risque de provoquer la mort lente et assurée du secteur privé.
Cela dit, il n’est peut-être pas encore tard pour sauver l’essentiel qui reste, dans l’intérêt général. Le gouvernement a fait des concessions pour réduire le train de vie de l’Etat en concédant, lors de la Conférence nationale sur le système de rémunération des agents publics, la suppression de nombreuses institutions jugées budgétivores. Les organisations syndicales aussi doivent faire preuve de bonnes dispositions en quittant le front des positions radicales pour permettre une paix des braves autour d’un minimum consensuel. Et c’est peut-être maintenant qu’il faut le faire, car plus tard serait peut-être trop tard. Dans cet élan, il est aussi temps que les mécanismes de réconciliation de la société burkinabè qui ont toujours permis au pays de se frayer les portes de sortie dans les orages, se mettent en branle pour apaiser les cœurs. Car ce qui est en jeu, c’est l’avenir du Burkina Faso qui n’appartient pas aux seules générations présentes. Le pays nous a été légué par nos ancêtres et nous devons le transmettre à nos enfants avec toutes les chances de réussite, dans un monde où rien n’est donné. La sagesse africaine nous enseigne d’ailleurs que « la calebasse ne se brise pas entre les mains de deux personnes sensées ». Et c’est maintenant qu’il faut justement faire prévaloir le bon sens.

« Le Pays »

 


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