REDEPLOIEMENT EN COURS DES ENSEIGNANTS
Le ministère de l’Education nationale et de la promotion des langues nationales (MENAPLN), c’est connu de tous, a pris la décision de redéployer le surplus d’enseignants enregistré dans certaines régions du pays. Cette mesure, bien des Burkinabè dont moi-même, l’avaient applaudie à tout rompre ; tant elle participe de la gestion rationnelle et efficiente des ressources humaines. Car, pendant longtemps, on s’est rendu compte que bien des enseignants, au primaire comme au secondaire, étaient sous-employés par l’Etat lui-même qui les paye, pourtant, à chaque fin de mois. C’est pourquoi personne ne peut trouver à redire sur la volonté affichée des premiers responsables du MENAPLN, de redéployer ce qu’il considère comme un surnombre d’enseignants d’autant qu’il y a des localités où le besoin se fait sentir. C’est tout à leur honneur. Mais tel que les choses se passent, il y a des insuffisances que je ne peux m’empêcher de relever. La première, c’est que ce redéploiement, longtemps annoncé, a pris trop de retard. Tant et si bien qu’à ce jour, beaucoup d’enseignants ne savent pas où ils iront servir. Pourtant, nous sommes à la veille de la rentrée scolaire. Certains enseignants ont déjà inscrit ou réinscrit leurs enfants de peur de s’entendre dire que le délai est dépassé. Imaginez donc les désagréments si on venait à les affecter demain en province. A ce propos, je connais une dame qui enseigne, ici, à Ouagadougou, une veuve de surcroit, qui a contracté un prêt bancaire et qui a payé toute la scolarité de ses trois enfants inscrits dans des établissements scolaires privés. Elle fait comment si on en vient à l’affecter à Niangoloko ou à Logobou, par exemple ? Et Dieu seul sait s’ils sont nombreux les enseignants qui sont dans une telle situation. Le ministre Ouaro lui-même est enseignant. Il doit comprendre que ce n’est pas facile. Pour moi, il aurait fallu faire en sorte que dès juillet ou août au plus tard, chaque enseignant sache à quelle sauce il sera mangé. L’autre insuffisance que je relève, c’est le cafouillage qui entoure le processus de redéploiement en cours, laissant entrevoir un manque de sérieux. En effet, sur la base des travaux effectués par une commission technique, plus de deux cents enseignants étaient supposés quitter le Centre pour servir ailleurs.
On a l’impression que les affectations se font à la tête du client
La même liste de plus de deux cents noms, s’est réduite comme peau de chagrin à moins d’une centaine de personnes. Voyez-vous ? Dans ces conditions, il est difficile de convaincre l’opinion que tout s’est déroulé sur la base de critères objectifs ; tant ça sent l’arbitraire. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Et ce n’est pas tout. J’ai vu des enseignants que l’on a fait partir de certains lycées où ont été affectés d’autres, parfois dans les mêmes disciplines. Là aussi, il y a quelque chose qui ne va pas puisque cela laisse croire qu’en fait de surplus, il n’en est rien. C’est pourquoi, à y observer de très près, je comprends la colère des syndicats de l’éducation qui, du reste, avaient déjà annoncé la couleur en claquant la porte des commissions d’affectations. Certes, les affectations pour nécessité de service existent conformément aux textes mais, dans le cas d’espèce, on a l’impression qu’il n’ y a aucune objectivité. Car, on a l’impression que les affectations se font à la tête du client.
Cela dit, je fais la proposition suivante aux premiers responsables du MENAPLN.
Plutôt que de vouloir opérer un passage en force au risque de compromettre la rentrée des classes qui avance à grands pas, je leur demande de revoir leur copie. Il ne sert à rien de vouloir ouvrir un nouveau front avec les syndicats. Maintenant, pour résoudre le problème du surpeuplement dont on parle, il suffit de limiter les affectations des enseignants vers les régions concernées, en l’occurrence le Centre et faire en sorte que toutes les nouvelles recrues soient affectées dans les zones où besoin est. Vous verrez qu’en cinq ou dix ans, les choses vont s’équilibrer d’elles-mêmes. Car, bien des enseignants iront à la retraite et l’on pourra ainsi faire des réajustements dans les différents lycées à l’échelle régionale. Sinon, faire partir un enseignant du Centre en province dans un contexte où l’Etat n’arrive pas à assurer la sécurité des citoyens, ne sera pas chose aisée. Car, n’oublions surtout pas que s’il y a aussi des gens qui ont payé un lourd tribut depuis que le Burkina est entré dans l’œil du cyclone des terroristes, ce sont les enseignants. Beaucoup d’entre eux ont perdu la vie. Pour moi, le plus urgent consiste d’abord à trouver des points de chute aux enseignants dont les écoles sont fermées à cause de l’insécurité. Et le reste pourra venir après.
« Le Fou »