HomeOmbre et lumièreREEXAMEN DE MARCHES PUBLICS PASSES SOUS LA TRANSITION : Volonté de rupture ou réaction par dépit ?

REEXAMEN DE MARCHES PUBLICS PASSES SOUS LA TRANSITION : Volonté de rupture ou réaction par dépit ?


Le gouvernement de Paul Kaba Thiéba a mis en place un comité interministériel lors du dernier Conseil des ministres, à l’effet de procéder à un réexamen de marchés publics passés sous la Transition alors que celle-ci tirait vers la fin de son mandat. Ces marchés qui doivent passer au scanner du nouvel Exécutif, sont au nombre de 18 et leur montant cumulé est de 72, 174 milliards de nos francs. Il s’agit plus particulièrement, pour l’équipe Thiéba, de se pencher sur les aspects suivants : la pertinence de ces marchés, la conformité de leur passation avec les textes en vigueur, la disponibilité des ressources qui leur ont été allouées et leur bonne exécution. A priori, l’on peut croire à la volonté du nouveau pouvoir d’inscrire sa gouvernance des marchés publics dans le sens de la vertu, tel que l’exigent bien des Burkinabè.
C’est de bonne guerre. Car, tout le monde sait que de par le passé, la gestion des marchés publics était entourée d’opacité et de magouilles si fait que la plupart des « nouveaux riches » de la République, dont l’insolence n’avait d’égale que leur voracité, en avaient fait leur chasse gardée. Ces derniers, à cause du délitement moral ambiant qui caractérisait le système Blaise Compaoré, avaient fini par afficher leur mépris et leur défiance vis-à-vis des structures de lutte contre la corruption qui avaient mis un point d’honneur à dénoncer cet état de fait. La raison est que la corruption et les autres mauvaises pratiques liées à la gestion des marchés publics, étaient consubstantielles à la nature du système Compaoré. Celui-ci était donc conscient que s’attaquer véritablement à ce fléau s’apparentait au fait de scier l’une des branches principales sur laquelle il était confortablement assis. Il avait par conséquent opté de fermer les oreilles et les yeux sur le phénomène pour ne pas se faire hara kiri.

La rupture prônée par les dirigeants et exigée par le peuple doit passer par une juste perception des audits

Avec l’insurrection et le pouvoir de la Transition, l’on pouvait croire que cette page allait être définitivement tournée. Mais si l’on en croit le porte- parole du gouvernement, cela semble n’avoir pas été le cas. En effet, Remi Dandjinou a exprimé à notre confrère Jeune Afrique, le scepticisme du gouvernement en ces termes : « On peut se demander, à juste titre, comment se fait-il que tous ces marchés aient pu être passés en si peu de temps. Le gouvernement s’inquiète seulement qu’autant de marchés aient pu être octroyés parfois en entente directe sur des montants importants ». Ces propos sont sans ambiguïté. Ces passations de marchés n’ont-elles pas été faites dans les règles de l’art ? En tout cas, le nouveau pouvoir a l’obligation de les réexaminer dans la transparence. Et dans l’hypothèse où des failles viendraient à être constatées, il ne doit pas craindre de traduire leurs auteurs devant les tribunaux pour qu’ils répondent de leurs actes. Et ce d’autant plus que trop de bruits avaient couru au sein de l’opinion publique sur le caractère peu orthodoxe de ces marchés. Ce faisant, Roch Marc Christian Kaboré marquera positivement les esprits. Mieux, il apportera la preuve que son régime s’inscrit dans une dynamique de rupture en matière de gestion des marchés publics. Et un des aspects du contrat social qu’il vient d’établir avec le peuple burkinabè trouvera par là un début d’exécution. Au cas où il irait dans cette logique, Roch Marc Christian Kaboré aurait le satisfecit des Burkinabè. Mais dans le même temps, il doit savoir que sa gouvernance des marchés publics sera surveillée comme du lait sur le feu. Et aucune défaillance ne saura tolérée. Mais l’on peut également lire derrière le réexamen des marchés publics passés sous la Transition, une réaction par dépit du parti au pouvoir, le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès). Et ce dépit pourrait être lié au fait que ce parti ne décolère pas de voir filer cette manne sous le nez des opérateurs économiques dont la générosité ne lui a pas fait défaut pendant sa marche vers Kosyam. Le MPP peut profiter donc de ce réexamen pour les remettre dans le jeu. Une telle hypothèse n’est pas farfelue puisque certains de ces opérateurs économiques qui ont tourné casaque pour se retrouver dans le navire MPP, étaient, de par le passé, au cœur du système Compaoré.
Cela dit, la rupture prônée par les dirigeants et exigée par le peuple, pour être une réalité, doit passer, entre autres, par une juste perception des audits. Ceux-ci, contrairement à l’idée répandue selon laquelle ils ont pour objectif de livrer une chasse aux sorcières, sont simplement un instrument de bonne gouvernance.

Sidzabda


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