HomeA la uneREFERENDUM CONSTITUTIONNEL EN MAURITANIE : L’obstination suspecte de Ould Abdel Aziz

REFERENDUM CONSTITUTIONNEL EN MAURITANIE : L’obstination suspecte de Ould Abdel Aziz


 

Demain 5 août 2017, les Mauritaniens iront aux urnes dans le cadre du référendum constitutionnel convoqué par le président Ould Abdel Aziz, pour une révision de la loi fondamentale qui prévoit, entre autres, le changement du drapeau et la suppression du Sénat. Le hic est que cette consultation populaire qui devrait au préalable avoir l’aval du Parlement et du Sénat, intervient dans un climat tendu, parce que si les députés avaient donné leur onction, cela n’a pas été le cas au niveau de la Chambre haute qui avait retoqué le projet. Et pour cause. Ne voulant certainement pas se faire harakiri, les sénateurs avaient purement et simplement rejeté le texte qui prévoit la disparition de leur institution. Mais, passant outre leur avis, le président Ould Abdel Aziz a trouvé le moyen de convoquer ce référendum constitutionnel auquel il semble tenir comme à la prunelle de ses yeux. Suscitant la colère et la fronde des principaux partis de l’opposition qui appellent au boycott du scrutin qu’ils jugent anticonstitutionnel. Du coup, l’obstination du président Abdel Aziz à tenir coûte que coûte ce référendum paraît suspecte. Car, l’on se demande s’il n’est pas en train de préparer un bébé dans le dos de ses compatriotes.

Le président Ould Abdel Aziz doit faire la preuve de sa bonne foi

D’autant plus qu’il ne s’agit pas de l’adoption de n’importe quel texte, mais de la loi fondamentale du pays qui devrait rassembler les Mauritaniens, et en laquelle ils devraient tous se reconnaître. Mais, en faisant fi de l’avis de la Chambre haute au risque de se mettre en porte-à-faux avec la loi comme le dénoncent ses contempteurs, l’on se demande si le président mauritanien ne nourrit que des intentions nobles. Car, s’il ne fait aucun doute qu’une Constitution est faite pour évoluer et s’adapter à l’air du temps, il reste que sa modification a souvent fait l’objet de polémiques et de vives tensions sur le continent où nombre de princes régnants sont soupçonnés d’opérer des changements en fonction de leurs intérêts personnels. On l’a vu au Congo où la Constitution a été modifiée dans le seul but de permettre à Denis Sassou Nguesso de se maintenir au pouvoir. Il en est de même au Burundi où Pierre Nkurunziza a marché sur les textes fondamentaux de son pays pour confisquer un pouvoir auquel il n’avait plus droit. Au Rwanda, Paul Kagame s’est ouvert un boulevard constitutionnel jusqu’en 2034. Au Mali, le président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) est à couteaux tirés avec son opposition à propos du référendum constitutionnel qu’il veut organiser, pendant qu’en RD Congo, Joseph Kabila se prépare à entrer dans les starting-blocks. Seul le Burkinabè Blaise Compaoré a jusque-là eu moins de chance, puisqu’il a été chassé en plein midi du pouvoir, pour avoir voulu s’essayer à ce jeu. C’est dire si les agitations de l’opposition mauritanienne ne manquent pas de fondements, puisque l’histoire a toujours fini par donner raison aux opposants quant aux intentions malsaines des initiateurs de ces tripatouillages constitutionnels généralement présentés sous les meilleurs auspices.  C’est pourquoi le président Ould Abdel Aziz doit faire la preuve de sa bonne foi.  Mais, ce n’est pas en opérant un passage en force qu’il pourrait rassurer ses compatriotes. Bien au contraire, une telle attitude ne pourrait que contribuer à renforcer la suspicion, d’autant plus que cela semble la nouvelle trouvaille des satrapes du continent  qui se servent de telles consultations populaires pour renforcer leur pouvoir, bien loin des intérêts du peuple.

Le président Abdel Aziz est attendu au tournant

En tout état de cause, en organisant son référendum dans un climat aussi tendu, le président mauritanien expose son pays à des troubles éventuels. Car, dès le départ, la donne semble faussée. Et rien ne dit que les opposants accepteront aussi facilement d’avaler la pilule. En tout cas, cela pourrait créer une atmosphère encore plus malsaine qui pourrait déboucher sur une crise post-référendum. C’est pourquoi, à défaut d’avoir l’adhésion de tous les Mauritaniens à la tenue de ce référendum, le pouvoir de Nouakchott doit mettre un point d’honneur à assurer la bonne tenue du scrutin. Car, l’on peut se demander quelle sera la qualité de cette consultation populaire. Se passera-t-elle dans la transparence et le calme ou sera-t-elle émaillée de violences ou d’irrégularités qui pourraient mettre en doute la sincérité du scrutin ? Quoi qu’il en soit, l’on peut déjà noter dans la forme que ce référendum ne fait pas l’unanimité et qu’il manque même quelque peu d’élégance. Par conséquent, l’on peut d’ores et déjà se convaincre qu’il va contribuer à diviser davantage les Mauritaniens. Mais, puisqu’il est désormais acté et que son adoption ne semble faire l’objet d’aucun doute, il appartiendra au président Abdel Aziz de prouver sur le terrain qu’en allant à ce référendum, il n’était animé que d’intentions hautement patriotiques. Cela serait à son honneur et contribuerait à  confondre ses contempteurs. Se montrera-t-il à la hauteur du défi ? En tout cas, il est attendu au tournant.

 

 « Le Pays »


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