REFUS DE MAIN TENDUE DU PRESIDENT CONGOLAIS : L’opposition a vu plus loin que Kabila
Les dictateurs ont toujours plus d’un tour dans leur sac. Quand ils sont dans leur palais, ils passent le gros de leur temps à cogiter sur les voies et moyens devant leur permettre de conserver leur fauteuil ad vitam aeternam. Et les Raspoutine, il n’en manque pas pour les encourager dans leurs dérives totalitaires.
Ce fut le cas, par exemple, au Niger où le ci-devant ministre de la Communication, Mohamed Ben Oumar, avait pris fait et cause pour le président d’alors, Mamadou Tandja, qui s’apprêtait à charcuter la Constitution afin de pouvoir « achever ses chantiers ». Il en est de même pour la RD Congo où le porte-parole du gouvernement, Lambert Mendé, se bat comme un beau diable pour que Kabila rempile pour un nouveau mandat, quoique la Constitution l’en empêche. On a vu d’ailleurs la levée de boucliers que cela a suscitée, lorsque l’Assemblée nationale congolaise, réunie en séance plénière, voulait modifier la loi fondamentale au profit du président Joseph Kabila qui, face à la clameur montante, avait dû battre en retraite. Loin d’être dupes, bien des observateurs savaient que l’homme n’avait fait que reculer pour mieux sauter.
Et voilà ! A un an et demi de la présidentielle, le président Kabila a envoyé un émissaire proposer des concertations sur le calendrier électoral. Rappelons au passage qu’en un peu plus d’un an, le peuple congolais a été appelé aux urnes près de sept fois. De quoi irriter l’opposition politique qui, dans une déclaration commune, a rejeté la main tendue de Kabila, estimant qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’une stratégie visant à contourner la Constitution pour se maintenir au pouvoir. A malin, malin et demi. Kabila croyait avoir l’opposition dans sa poche, mais celle-ci s’est montrée très vigilante. Car comme le dit l’adage, « chat échaudé craint l’eau froide ». En fait, on ne le sait que trop bien. Les dialogues entre les princes régnants et les oppositions politiques, en Afrique, ne sont rien moins que de simples manœuvres des pouvoirs en place, destinées à la consommation extérieure. Par ce geste, Kabila veut laisser croire à l’opinion nationale et internationale qu’il est ouvert au dialogue, alors qu’il sait bien que c’est lui-même qui constitue le nœud du problème.
Kabila attend de voir le dénouement de la crise burundaise avant de passer à la vitesse supérieure
Plutôt que de proposer un dialogue, il aurait dû ou pu tout simplement déclarer qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle de novembre 2016. Cela aurait été plus élégant et plus simple qu’une offre de dialogue pour le moins suspecte.
D’ailleurs, un dictateur peut-il entreprendre gratuitement un dialogue avec son opposition ? On est tenté de répondre par la négative. Du reste, on l’a vu au Burkina Faso, avec Blaise Compaoré qui a passé le temps à ruser avec son opposition, avant d’être finalement chassé par la rue. En vérité, les dictateurs ont le même destin : une triste fin. Kabila, il faut le dire, est sur les traces de Pierre Nkurunziza qui, comme Néron, a mis son pays à feu et à sang, oubliant que jamais un dictateur, fût-il de la pire espèce, ne peut triompher d’un bras de fer engagé contre son peuple. Et c’est peu dire que Kabila attend de voir le dénouement de la crise burundaise avant de passer à la vitesse supérieure en convoquant son référendum sur la Constitution. Et il n’est pas le seul. Car la région des Grands Lacs constitue la plus grande poche de dictature en Afrique.
Boundi OUOBA