HomeA la uneRENCONTRE DES MINISTRES DES FINANCES DE LA ZONE FRANC  A YAOUNDE : Il est temps de grandir !  

RENCONTRE DES MINISTRES DES FINANCES DE LA ZONE FRANC  A YAOUNDE : Il est temps de grandir !  


 

Les ministres des Finances de la zone CFA se sont retrouvés le 9 avril dernier à Yaoundé autour du thème suivant : quelle politique monétaire, pour quels objectifs ? Cette rencontre, faut-il le noter, se tient sur fond d’interrogations persistantes sur l’avenir de cette monnaie et dans la perspective des assemblées annuelles de la Banque Mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI). A cette rencontre des argentiers des Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et des pays de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC), participe l’ancienne puissance coloniale représentée par Michel Sapin. La présence de ce dernier est suffisamment révélatrice du fait que la France, pour des raisons évidentes liées à ses intérêts, n’est pas prête à renoncer de sitôt à cette monnaie qu’elle a réussi à imposer à ses ex-colonies africaines depuis le 26 décembre 1945, date de sa création et peu après que l’Hexagone a signé les accords de Bretton Woods.

La philosophie qui avait prévalu à la création du Franc CFA n’a pas varié d’un iota

En 1945, pour rappel, la France était sortie exsangue économiquement, surtout de la Deuxième Guerre mondiale. Une solution pour se remettre sur ses deux pieds, était de compter sur son empire colonial africain. D’où l’idée de créer le « Franc des Colonies françaises d’Afrique » devenu par la suite le « Franc de la Communauté financière africaine » pour les Etats membres de l’UEMOA et le « Franc de la Coopération financière en Afrique centrale » pour les pays membres de l’Union monétaire de l’Afrique centrale. Cette monnaie donc a connu des mutations de sigles avec les indépendances politiques formelles concédées généreusement par la France, mais dans le fond, la philosophie qui avait prévalu à sa création n’a pas varié d’un iota. Et ce ne sont pas de simples ministres des Finances qui vont oser mettre les pieds dans le plat en suggérant l’abandon de cette monnaie. Bien au contraire, l’on peut être sûr qu’ils feront diversion en mettant en avant la nécessité de maintenir le Franc CFA et ce  en prenant appui sur des arguments éculés du genre « le franc CFA garantit la stabilité macro-économique de nos Etats, permet de lutter contre l’inflation et favorise l’intégration économique des Etats membres par les échanges ». A l’analyse, l’on peut bien se rendre compte de la vacuité d’un tel argumentaire. En effet, si l’on prend rien que le cas de l’UEMOA, les statistiques publiées par cette institution montrent que le commerce entre les pays membres ne dépasse pas 15% de leurs échanges totaux. Et cela représente à peine un quart de leurs échanges avec l’Union européenne. Et cet exemple n’est pas isolé. Bien d’autres existent qui montrent à suffisance que cette histoire de Franc CFA s’apparente beaucoup plus, pour reprendre l’expression de Tiken Jah Fakoly, à du “blaguer tuer” qu’à toute autre chose. Elle est, pour appeler les choses par leur nom, comme l’a fait remarquer   Demba Moussa Dembélé, économiste et chercheur sénégalais, « non seulement un instrument de contrôle des économies africaines, mais également un symbole d’humiliation des dirigeants africains ». Cette analyse est, on ne peut plus pertinente. On se souvient, en effet, de la dévaluation de 1994 à Dakar, imposée par la France et le FMI, dirigé à l’époque par Michel Camdessus, ancien gouverneur de la Banque de France. A cette occasion, c’était le ministre français de la Coopération qui avait été dépêché à Dakar pour annoncer la dépréciation du F CFA devant un parterre de chefs d’Etat ahuris, mais obligés de signer pour ne pas prendre le risque de se mettre à dos la France. Pour une humiliation, c’en était une. Malgré cela, les dirigeants des ex-colonies françaises continuent de s’accrocher au symbole de leur humiliation. Et pour cause. L’on peut d’abord avoir l’impression que nos têtes couronnées ne sont pas encore parvenues à s’affranchir de l’idéologie coloniale selon laquelle tout ce qui émane de “nos ancêtres les Gaulois” est bien pour les “indigènes”. Sur le papier, le système de l’indigénat est terminé mais dans la mentalité de bien des dirigeants, il est encore présent au point qu’ils sont formatés de manière à avaler toutes les couleuvres venant de l’ancienne puissance coloniale. La deuxième raison de cette servilité à l’égard de la France, qui empêche de briser le carcan du Franc CFA, est liée au manque de leadership audacieux et visionnaire des dirigeants africains. L’existence d’une personnalité de ce profil à la tête d’un des Etats de l’UEMOA ou de la CMAC, aurait pu jouer le rôle de locomotive pour pousser les autres à aller dans le sens d’une rupture avec ce cordon ombilical monétaire aliénant et rétrograde que représente le Franc CFA.

Aucun pays des BRICS ne dort sur la natte monétaire d’une ancienne puissance coloniale

En attendant l’avènement d’un leader politique de ce genre pour aider les ex-colonies françaises à s’affranchir du joug du Franc CFA, véritable survivance du pacte colonial, l’on peut faire le constat que l’écrasante majorité des pays qui ont en commun cette monnaie, tire le diable par la queue et ce malgré les immenses richesses dont la plupart dispose. Ils ont donc les atouts économiques pour battre monnaie. Seule la France n’y a pas intérêt. Et à travers elle, ses valets qui, avec sa bénédiction, se sont emparés de la tête des Etats et entendent y rester en recourant à des tripatouillages de la Constitution de leur pays ou encore à des mascarades d’élection. L’on comprend dès lors pourquoi la France fait dans la langue de bois face aux nombreux dénis de démocratie auxquels bien des dirigeants de la zone CFA, de l’Afrique centrale surtout, se livrent aujourd’hui. Il revient par conséquent aux peuples de ces pays de s’approprier le débat sur la problématique du franc CFA. Et ces peuples, sous la houlette des sociétés civiles qui ont de la hauteur de vue, doivent se garder de ne pas se laisser divertir par des économistes de service, formés pour la plupart dans les grandes écoles occidentales et aux yeux desquels l’abandon du CFA serait une aventure périlleuse qui déboucherait sur une catastrophe. En tout état de cause, il est grand temps pour l’ensemble des pays de la zone CFA de grandir en prenant leur distance vis-à-vis de cette monnaie qui les empêche véritablement d’exister dans le concert des nations en tant que pays souverain avec tous les attributs que cela suppose. Et l’un de ces attributs est justement la monnaie. Explorer cette voie, au-delà des possibilités qu’elle peut donner en matière de développement réel, est d’abord une question de dignité. En tout état de cause, aucun pays des BRICS ne dort sur la natte monétaire d’une ancienne puissance coloniale. A méditer.

« Le Pays »


Comments
  • Je voudrais vous remercier et vous feliciter pour cet article dans lequel vous avez abandonne la langue de bois pour clairement situer la source de la misere et du sous-developpement de nos pays Africains de la Zone Franc. Je vous prie de le laisser quelques jours sur votre site pour que beaucoup d’Africains (francophones) aient la chance de le lire. Puisse cet article etre relaye par d’autres organes de presse des pays francophones pour eveiller la conscience de nos populations afin de nous affranchir de ce boulet de servitude qu’est la FCFA et permettre a nos etats d’amorcer leur veritable developpement. Coup de chapeau

    11 avril 2016
  • Votre conclusion relative aux BRICS résume tout. Sans toutefois se tourner vers les BRICS dont seul un pays africain est membre, en l’occurrence l’Afrique du Sud qui, je l’espère se sortira vite des pantalonnades de son président Zuma, on peut mentionner les pays de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique Australe. Le Rwanda et le Malawi par exemple, qui n’ont pas pour monnaie le franc CFA et encore moins la livre sterling, brillent cependant par leur gouvernance. Un pauvre qui gère bien son argent s’en sortira à la longue toujours mieux qu’un riche qui dilapide le sien.

    11 avril 2016
  • Merci au journal pour l’analyse. Voilà qui vous démarque des autres organes qui devant la réalité feront comme nos dirigeants: mettre la queue entre les jambes et fuir. Si c’est pas de la pure sorcellerie, voilà comment moi je comprends cette histoire de franc des colonies françaises d’afrique. Je bosse durement avec mes ouvriers et à la fin j’ai 1000 000 f. je verse 500 000f à un comptable externe pour garantir ma comptabilité et me rendre crédible auprès des banques alors que j’ai des comptables. Les 500 000 f gardé auprès ce comptable ne sont pas remboursable et s’il se trouve que j’ai besoin de 300 000 f pour régler un problème urgent il faut que j’emprunte avec ce comptable avec des taux d’intérêt et après je crie sur les toits que le comptable est bon et il est généreux. Chaque fois que je veux un prêt il me l’accorde volontiers. Entre nous et l’argent que je garde chez lui, et les intérêts que produisent cet argent qu’est ce qu’il en fait? Même dans une banque j’ai du mal à comprendre que j’ai 1000f sur mon compte et je veux négocie un prêt de 200 f voir 800f avec ma banque. Ce n’est pas sérieux.

    Aussi longtemps que nos dirigeants se laisseront guider par la boulimie de la France et tant que l’on ne dira pas la vérité ( que ce sont en partie les taux d’échanges des état de la zone franc qui permettent de renflouer les caisses du trésor public français) nous autres allons continué à souffrir. L’exemple que j’ai pris n’est que caricatural mais vous pouvez vérifier ” Les pays de la zone franc doivent obligatoirement déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du Trésor public français. En 2005, la BEAC et la BCEAO disposaient d’un dépôt de plus de 3 600 milliards de francs CFA (environ 72 milliards d’euros) auprès du Trésor public7.” dites moi nous avons le budget du Burkina et du Niger réuni auprès du trésor public français et c’est dans cet argent on nous fait des crédits. Ce n’est pas pour rien la France ne veut pas d’un président qui tente de créer sa propre monnaie et se défaire financièrement de la banque de France. Suivez mon regard des présidents africains on payé le plus fort prix pour avoir osé ….

    11 avril 2016
  • D’accord, il nous faut grandir même dans Francs CFA, avant d’évoluer vers la création d’une monnaie africaine tout au moins d’une monnaie CEDEAO. On peut se poser la question de savoir si avoir une « monnaie nationale » par exemple est seulement suffisant et est une condition unique pour émerger sur le plan économique ? La réponse est évidemment Non ! On peut citer la Guinée Conakry, la Mauritanie, le Nigéria, le Congo et (le Mali qui avait sa monnaie nationale avant de réintégrer le F CFA) etc..Ces pays qui ont des monnaies autre que le FCFA ; est ce que pour autant ces pays sont-ils émergents ? Aujourd’hui, le « Pacte Colonial » en question, ne correspond plus à la réalité des faits dans les économies africaines. Depuis un certains nombres d’années, qui empêche nos pays en Afrique de transformer localement certains de nos matières premières dans des industries moyennes et pour y produire des valeurs ajoutées ? Tout le monde sait que les richesses d’un pays se trouvent d’abord dans sa capacité de produire de la valeur ajouté. Au Burkina Faso par exemple, nous avons quelques opérateurs économiques dans l’agro-alimentaire, qu’est que l’Etat a pu faire pour les accompagner afin qu’ils grandissent ? De même, nous avions la SAVANA qui avait des produits très prisées en Afrique de l’Ouest, qu’est ce que l’Etat a fait pour accompagner son redressement ou sa reprise par un privé nationale ? Nous élevons du bétail et des volailles, qui a nous interdit de mettre en place une industrie animales ? Qui a nous interdit de mettre en place une fabrique d’engrais local ? Une industrie de produits de beauté à base de Karité existait au Burkina Faso, qu’est ce que l’Etat a fait pour la faire grandir ? Le sucre de la SOSSUCO était dans une crise de mévente, nos hauts cadres, Ministres et autres consomment-ils des produits SOSSUCO ? Qu’est ce qui est fait pour que nos artisans évoluent vers des petites manufactures ? On peut multiplier les exemples à souhait. Il faut se dire d’abord la vérité. Qu’avant d’accuser les autres, faisons notre propre examen de conscience ! La vérité c’est que ce sont les Dirigeants Africains eux-mêmes et pour leurs intérêts personnels égoïstes qui s’acoquinent avec les grandes multinationales et qui les fait profiter des valeurs ajoutées de nos produits agricoles et autres. Il faut prendre conscience et aussi la décision de « produire en Afrique et de consommer les produits africains ». Que nos dirigeants africains cessent aussi d’aller déposer de l’argent en milliards dans des paradis fiscaux au lieu de créer des usines en Afrique pour employer la jeunesse africaine. Que les détourneurs des deniers publics soient sanctionnés avec la rigueur qu’il faut. Que les consommateurs africains privilégient d’abord, nos produits nationaux ! Que ceux qui ont fuit avec des « caisses de milliards » nous les ramènent afin qu’on puisse équiper nos écoles et nos universités qui manquent de laboratoires. Décolonisons tout d’abord, nos esprits et nos ventres. Car il est vrai que les problèmes de l’Afrique sont endogènes et exogènes, mais commençons à l’intérieur d’être correct d’abord, et ensuite nous pourrions nous attaquer aux difficultés exogènes ! Le francs CFA n’est pas la seule cause des malheurs de l’Afrique ! C’est mon point de vue ! Courage et Salut !

    11 avril 2016
  • La France ne les autorisera pas. Ça sera une guerre de libération qui durera longtemps. La position de Ouattara ou des autres présidents est claire depuis longtemps. On respecte toujours son beau-père ou son chef.

    11 avril 2016

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