RENDEZ-VOUS MANQUE DE LUANDA : On fait quoi maintenant ?
Même s’il n’est pas particulièrement long, puisqu’il dure tout au plus une demi-journée à vol d’oiseau, le trajet entre Goma et Luanda, est parsemé d’embûches. En effet, alors qu’il était prévu des échanges directs entre Kinshasa et le M23-AFC, dans la capitale angolaise, le dernier cité a décidé, à la dernière minute, de tourner casaque. Pour quelles raisons ? Toujours est-il que tout a basculé avec l’annonce de nouvelles sanctions de l’Union européenne (UE) contre des leaders du M23-AFC et ce, à la veille même de l’ouverture des pourparlers en terre angolaise. Et ce n’est pas tout. Corneille Nangaa et ses camarades justifient aussi leur revirement par le fait que les forces armées congolaises ont lancé une contre-offensive militaire, notamment avec le déploiement de l’aviation dans le territoire de Walikale passé, depuis quelques semaines, sous le contrôle du groupe armé rebelle. Certes, la délégation de Kinshasa, pour sa part, a fait le déplacement de Luanda.
En adoptant de nouvelles sanctions contre le M23-AFC à la veille du début des pourparlers, l’UE n’a pas rendu service au médiateur Jao Laurenço
Mais en l’absence de la partie adverse, il ne serait pas exagéré de dire qu’elle est en villégiature en Angola. C’est dire si tous ceux qui espéraient voir bouger les lignes avec le rendez-vous de Luanda, doivent désenchanter. On est bien loin du compte. Si bien qu’ils sont nombreux à se poser les questions suivantes : on fait quoi maintenant ? S’achemine-t-on inexorablement vers une solution militaire à la crise qui ravage la partie orientale de la République démocratique du Congo (RDC) ? Bien malin qui pourrait y répondre. Mais tout porte à croire qu’en adoptant de nouvelles sanctions contre le M23-AFC, à la veille du début des pourparlers que tous les Congolais, des leaders religieux aux hommes politiques en passant par des acteurs de la société civile, appellent de leurs vœux, l’UE n’a pas rendu service au médiateur Jao Laurenço. Bien au contraire, elle lui a taillé des croupières et ce, alors même qu’il était sur le point de réussir là où les autres ont échoué, c’est-à-dire réunir autour d’une même table, les différents protagonistes de la crise en RDC. Maintenant que ce premier rendez-vous qui suscitait beaucoup d’espoirs, a échoué, il faudra au président angolais, une véritable débouche d’énergie et de l’entregent afin de pouvoir aplanir les divergences de vues. Y parviendra-t-il ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite ; lui qui, jusque-là, semble bénéficier de la confiance de toutes les parties prenantes au conflit. Toutefois, en refusant de se rendre à Luanda, le M23-AFC rend un tant soit peu sympathique le président Félix Tshisékédi. On se rappelle, en effet, que ce dernier s’était refusé à tout dialogue avec le mouvement armé rebelle qu’il a toujours considéré comme étant un proxy du Rwanda de Paul Kagame. Mais face à la pression interne et externe, Fatshi, ainsi qu’on le surnomme, a décidé de franchir la ligne rouge qu’il s’était lui-même fixée en acceptant de prendre langue avec le M23-AFC. Et comme preuve, pour ainsi dire, de sa bonne foi, ses missi dominici étaient déjà sur place en Angola au moment où le M23-AFC décidait d’en faire autrement.
Tout porte à croire que le M23-AFC cherche à affaiblir davantage le président Tshisékadi
Toute chose qui n’est pas sans rappeler les rendez-vous manqués à Nairobi et à Luanda, entre les présidents Félix Tshisékédi et Paul Kagame qui, parce qu’ils ne se blairent pas, passent le temps à s’éviter au point que la situation a fini par aller de Charybde en Sylla dans l’Est de la RDC. A quand donc le retour de la paix ? La question reste posée. Car, tout porte à croire que le M23-AFC, fort de sa victoire militaire sur le terrain et visiblement maître du jeu, cherche à affaiblir davantage le président Tshisékadi pour le contraindre à faire beaucoup de concessions. Si fait que l’on se demande si les sanctions de l’UE ne constituent pas un prétexte tout trouvé pour boycotter le rendez-vous de Luanda. L’appétit venant en mangeant, le M23-AFC qui vole de victoire en victoire face aux soldats congolais qui décampent dès le premier coup de feu, ira-t-il jusqu’à demander la démission du chef de l’Etat dont il n’a eu de cesse de dénoncer la gouvernance ? On attend de voir. En tout cas, à l’allure où vont les choses, il faut craindre que, si rien n’est fait, l’on assiste au remake de 1997 où des colonnes de rebelles, à l’issue de combats acharnés, avaient fondu sur Kinshasa, mettant ainsi fin aux dérives totalitaires de Mobutu Sese Seko. Rien n’est donc à exclure. A moins que, prenant toute la mesure de la situation, les uns et les autres n’acceptent de mettre beaucoup d’eau dans leur vin et ce, dans l’intérêt supérieur de la Nation.
« Le Pays »