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REPORT DES ELECTIONS LOCALES : NKurunziza déplace le problème mais ne le résout pas


 

Au Burundi, Pierre N’Kurunziza a retrouvé son fauteuil mais il est encore loin de retrouver la sérénité nécessaire pour bien s’y installer. En effet, les manifestations de rue ont repris de plus bel et la population burundaise semble plus que jamais déterminée à envoyer le dictateur en enfer.

Passée la déception de l’échec du coup d’Etat, qui semblait lui offrir un raccourci pour se débarrasser de NKurunziza, le peuple burundais, après avoir enterré ses martyrs, revient avec plus de détermination pour obtenir, par la voie de la contestation, le retrait de la candidature de NKurunziza pour un troisième mandat. Tout porte à croire que ce deuxième round pourrait déboucher sur la fuite du dictateur. Cela est d’autant plus probable que le sang des martyrs de cette insurrection alimente désormais le courage de ceux qui hésitaient encore et grossit les rangs de ceux qui se disent qu’ils n’ont plus rien à perdre dans un affrontement avec la milice du dictateur. Seulement voilà, NKurunziza n’est pas un apprenti dictateur. Il est plutôt un dictateur achevé. Et en tant que tel, il ne lâchera jamais « le morceau », tant qu’il lui restera une narine pour respirer l’air de Bujumbura.

NKurunziza veut se servir de la communauté internationale pour dompter le peuple rebelle

NKurunziza est cette espèce d’animal politique, qui tente toujours de prendre une avance sur le peuple. Ce n’est pas un homme d’Etat, capable de comprendre ce que veut son peuple et le conduire à bonne destination. C’est un politicard, égoïste et sadique qui sait ce que veut son peuple, mais qui est convaincu que ce dernier ne sait pas ce qu’il veut, ou qu’il ne sait pas ce qui est bon pour lui. Et ce qui est bon pour le peuple burundais, selon le pasteur, ne peut donc pas venir de ce même peuple. Le salut du peuple doit sortir du cerveau du guide éclairé, c’est-à-dire lui, le Pasteur président. Il n’abandonnera donc pas, à moins d’y être contraint.

Le peuple burundais en est conscient, tout comme il est désormais conscient qu’il ne peut pas compter sur un quelconque soutien de la communauté internationale pour se libérer des serres de NKurunziza.

D’autant plus que ce dictateur rusé tente désormais d’avoir la communauté internationale comme allié contre son peuple. Sa logique semble simple mais est d’une efficacité redoutable. Convaincu qu’il ne pourra  jamais soumettre le peuple, ni faire taire les voix des ténors de l’opposition malgré la destruction systématique de tous les organes de presse privés, NKurunziza a décidé de déplacer le problème sur un autre terrain, ce qui lui permettra de se servir de cette même communauté internationale pour dompter ce peuple rebelle qui ne jure que sur son départ du pouvoir. C’est bien le sens qu’il faut donner à sa dernière décision de reporter de 10 jours la date des élections locales. Ce report était une requête des chancelleries occidentales (Etats-Unis en tête), reprise en chœur et de manière grégaire par les chefs d’Etat voisins du Burundi.

Le pasteur-président a une dent dure contre la presse étrangère qu’il accuse de travestir la réalité au Burundi

En accédant à cette requête, NKurunziza s’offre donc un moyen de chantage à l’endroit des chancelleries occidentales. Il pourrait désormais prétendre avoir fait un pas important vers la recherche d’une solution de sortie de crise. Et si lui, en tant que président, il a rempli sa part du contrat comme l’exigeaient les Occidentaux, il serait bien en droit de demander à ces Occidentaux d’exiger une contrepartie de la part des leaders de l’opposition et de la société civile burundaise. Et cette contrepartie serait évidemment que ces derniers arrêtent de faire descendre leurs militants dans la rue, pour exiger son départ du pouvoir. En d’autres termes, on dira que « c’est donnant donnant ». Mais en réalité, il s’agit plutôt d’un marché de dupes. C’est vrai que la communauté internationale avait demandé le report des élections locales. Mais c’était dans le but de se donner le temps de travailler avec les uns et les autres, pour parvenir à faire en sorte que la colère du peuple que l’on sentait monter ne finisse par exploser et détruire ce climat social. Ce qui n’a pas eu lieu, puisque le climat social s’est détérioré au point de déboucher sur un coup d’Etat militaire, et une vingtaine de morts parmi ceux qui revendiquent le retrait de NKurunziza de la liste des candidats à la présidentielle à venir. Logiquement donc, cette exigence n’a plus sa raison d’être. Mais le Pasteur préfère offrir ce report des élections locales comme contrepartie à l’acceptation de sa candidature à un troisième mandat. Cela dit, que va donc maintenant faire la communauté internationale ? Elle a bien qualifié le troisième mandat de NKurunziza de coup d’Etat constitutionnel. Tout comme elle a condamné le coup d’Etat militaire qu’elle a qualifié d’anti-républicain. Mais on peut aujourd’hui considérer que l’échec du coup d’Etat militaire est synonyme d’un retour à l’ordre constitutionnel. Quid du coup d’Etat constitutionnel que veut opérer à tout prix Nkurunziza? Les Occidentaux auraient dû savoir qu’en acceptant de prendre langue avec un dictateur de la trempe de Nkurunziza, on doit toujours s’aménager une sortie de secours. Pour avoir négligé  cette précaution, les chancelleries occidentales courent le risque de devenir les complices du dictateur.

Mais, en attendant, le pasteur-président a une dent dure contre la presse étrangère qu’il accuse de pratiquer  la désinformation et de travestir la réalité au Burundi. Oubliant dictatorialement que c’est lui qui est à l’origine de ce qui arrive à ce beau pays. Soudainement décidé à défaire ses chaînes.

« Le Pays »

 


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