REPRISE MUSCLEE DE BOCARANGA PAR LA MINUSCA : Un message fort envoyé aux ennemis de la paix
La Mission onusienne en République centrafricaine (MINUSCA) a véritablement bandé les muscles le 7 octobre dernier dans le nord-ouest du pays, contre l’un des groupes rebelles qui écument la région, plus connu sous l’acronyme 3R, pour « Retour, Réclamation et Réhabilitation », il s’agissait, pour la Minusca, de déloger par la force ce groupe qui prétend défendre la communauté peule contre les exactions réelles ou supposées des anti-balakas, de la ville de Bocaranga qu’il avait investie en fin septembre. Mission accomplie pourrait-on dire, mais on devrait très rapidement ajouter pour combien de temps, car le plus difficile pour la Minusca, c’est de sécuriser durablement les zones « reconquises » dans cette partie éruptive de la République Centrafricaine (RCA) où les groupes armés naissent et agissent de façon spontanée et en toute impunité. Les actions somme toute louables que la mission onusienne mène dans ce pays en proie à un désordre sécuritaire depuis 2012, gagneraient à être généralisées et renforcées, afin de ne laisser aucune portion du territoire centrafricain à des seigneurs de guerre qui n’ont comme agenda politique et programme économique que le communautarisme et le pillage systématique des maigres ressources du pays. Et comme ils font appel à la religion et à l’ethnocentrisme pour recruter leurs combattants, les fondements de la République ne peuvent que vaciller, au grand dam de la communauté internationale et de certaines bonnes volontés comme les membres de l’Association des fidèles catholiques Sant’Egidio qui s’investissent pour ramener la coexistence pacifique dans ce pays meurtri. Il est donc plus qu’urgent de procéder au désarmement effectif de toutes les milices, de mettre en garde tous les pays voisins notamment, qui leur servent de tête de pont ou de pont arrière pour déstabiliser la RCA, et de dresser sans complaisance la liste de tous les chefs de gangs déguisés en défenseurs des causes ethnico-religieuses afin qu’ils répondent de leurs actes, le moment venu, devant la Cour pénale internationale ou la Cour pénale spéciale créée en 2015, et qui a mandat d’enquêter, de poursuivre et de juger les crimes résultant de violations graves des droits de l’Homme en RCA.
Les Centrafricains ont assez souffert de l’irresponsabilité de certains de leurs fils
On peut déjà espérer que plus que les frappes épisodiques des hélicoptères de la Minusma, ce soit les visites médiatisées de Adama Dieng, Conseiller spécial de l’ONU pour la prévention du génocide, et de Muntazini Mukimapa, Président de la Cour pénale spéciale qui dissuaderont les généraux de pacotille comme Nouredine Adam, Sidiki Abass ou Abass Rafal entre autres, qui sont visiblement prêts à brûler la Centrafrique pour continuer à vivre impunément de leurs rapines. On ne peut pas, on ne doit pas en effet tolérer que des individus sans foi ni loi prennent tout un pays en otage, sous le nez et à la barbe des Casques bleus dont le mandat a été renforcé pour anticiper les massacres à grande échelle en mettant hors d’état de nuire tous les criminels qui continuent d’avoir pignon sur rue un peu partout dans le pays. Après Bocaranga, le cap doit être mis sur toutes les autres villes susceptibles d’être réinvesties par les groupes armés, notamment Bangassou, Gambo, Béma, Bria, Bossangoa et Kaga-Bandoro, quitte à renforcer les effectifs et à multiplier les opérations de ratissage, pourquoi pas jusqu’au Tchad et au Cameroun voisins. Les Centrafricains ont assez souffert de l’irresponsabilité, de la cupidité et de la boulimie du pouvoir de certains de leurs fils, et ce sont eux qui doivent aider les sapeurs-pompiers venus de l’Onu à les aider à éteindre le brasier qui a été allumé et qui consume inexorablement leur pays. Et comme apparemment le bon sens et le patriotisme sont les choses les moins bien partagées au pays de Bokassa, il appartient à l’ONU et à la justice internationale d’user de tous les moyens légaux pour remettre cette République en perdition sur le chemin de la paix, afin que la chienlit actuelle n’aboutisse pas au génocide que des organisations comme Human Rights Watch redoutent et prédisent. On ferait ainsi l’économie de milliers de victimes innocentes et de plusieurs dizaines de milliards qui y sont déversés pour stopper la spirale de la violence, alors qu’ils auraient pu servir à financer des actions de développement dont les Centrafricains ont tant besoin. La reprise musclée de Bocaranga par la Minusca a certes permis à la population hétéroclite et paisible de cette cité de se débarrasser des groupes armés rivaux comme les 3R du Général Sidiki Abass et les anti-Balaka de Abass Rafal, mais ce message fort envoyé aux ennemis de la paix, ne sera entendu par ces derniers que si, dans la foulée, l’ONU fait planer la terrible épée de Fatou Bensouda sur la tête de leurs responsables agissant à visage découvert ou tapis dans l’ombre. Et c’est vraisemblablement vers l’offensive judiciaire que l’on s’achemine, ce qui permettra, du moins nous l’espérons, de mettre le grappin sur ceux qui ne devraient être ailleurs que derrière les barreaux. On chantera ainsi le requiem de la guerre civile en RCA et on pourra enfin dire merci à la Communauté internationale pour le travail titanesque abattu.
Hamadou GADIAGA