REQUETES DE LA DEFENSE : Le tribunal se déclare incompétent, l’audience se poursuit
Suspendu le 22 mars dernier pour délibérer sur des observations, exceptions et récusations soulevées par la défense, le procès du putsch manqué s’est rouvert, hier, 26 mars 2018, toujours dans la salle des Banquets de Ouaga 2000. Et, le premier acte posé par le président du tribunal, Seydou Ouédraogo, au cours de cette audience, a été de donner le verdict sur les « irrégularités » soulevées par les avocats de la défense. S’en est suivi l’examen d’autres mémoires en défense. En fin de journée, le tribunal a rendu un jugement avant de dire le droit portant sur les exceptions de nullités.
Après une suspension le 22 mars dernier, le procès du putsch manqué a repris 4 jours après, soit le 26 mars. Cette audience a débuté autour de 08h 35mn avec le verdict du président du tribunal sur les préliminaires, « observations », exceptions et récusations dont a fait cas la défense lors des audiences précédentes. Entre autres, il s’est agi de statuer sur les requêtes portant sur « l’irrégularité » de la composition du tribunal, «l’inexistence de la chambre de jugement » qui, pourtant, a été saisie en premier lieu, la récusation des magistrats professionnels désignés pour assister le procureur militaire, des requêtes aux fins de sursis de jugement, la demande de renvoi pour cause de saisine du Conseil d’Etat et sur la récusation du président du tribunal et du juge conseiller pour cause d’impartialité. Pour ce qui est des irrégularités sur la composition du tribunal, le président du tribunal a fait savoir que la chambre de première instance est incompétente pour connaître de ces questions. Il appartiendra donc à la chambre d’appel de statuer sur cette observation. En ce qui concerne les « irrégularités » sur la nomination des magistrats civils, le président du tribunal a fait savoir que ces derniers ont bel et bien qualité pour officier auprès du procureur militaire. Quant aux exceptions, selon Seydou Ouédraogo, après examen, il ressort que la requête auprès du Conseil d’Etat n’a pas d’effet suspensif selon les dispositions de la loi. Ainsi, il a rejeté la demande de renvoi formulée par les avocats de la défense. S’agissant du défaut de pouvoir juger introduit par les conseils de Mamadou Traoré et se référant au décret de nomination du président du tribunal qui, selon eux, n’était pas entré en vigueur, Seydou Ouédraogo a fait noter que l’acte nominatif est individuel et non collectif. Etant donné que les dispositions de la loi indiquent que l’acte nominatif entre en vigueur lorsqu’il est notifié à le ou les intéressé(s). Donc, pour ce point, le président a déclaré la demande des avocats irrecevable. Pour les exceptions d’inconstitutionnalité relevées relativement aux articles 4 et 14 du Code de justice militaire, selon le président du tribunal, seul le Conseil constitutionnel est habilité à statuer sur la question. Partant de ce fait, il dira donc qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer. De la nullité de la procédure pour cause d’impartialité du tribunal, Seydou Ouédraogo a fait savoir que la demande des avocats a été mal formulée. Aussi, à l’entendre, sur cette question, le tribunal est incompétent pour statuer sur la demande de récusation des magistrats. Le tribunal, a-t-il dit, est incompétent pour connaître de la récusation des magistrats. Ainsi ont pris fin les verdicts du tribunal sur les « observations », préliminaires et exceptions soulevés par la défense depuis lors. Place maintenant à l’examen des mémoires déposés le 22 mars dernier, toujours par des avocats de la défense dont Me Mathieu Somé. Prenant la parole, ce dernier a d’abord souhaité que la partie civile ne participe pas aux débats, étant entendu qu’elle n’a pas déposé de mémoire.
L’argent de Gilbert Diendéré a-t-il disparu lors des perquisitions ?
Quant à sa requête, il a demandé l’annulation de l’arrêt de renvoi de son client, Gilbert Diendéré, pour violation des droits de la défense et le non-respect des procédures de la perquisition et la nullité de l’expertise qui a été faite des objets saisis. Parlant de la perquisition, Me Somé a relevé que selon les dispositions de la loi, elle est faite en présence de l’accusé. Hors, dans ce cas précis, la perquisition qui a été faite au domicile de Gilbert Diendéré l’a été en son absence. Aussi, a-t-il ajouté, les objets expertisés l’ont été sans au préalable avoir été présentés à l’accusé conformément à la loi. Et, toujours selon Me Somé, son client, après l’expertise, a constaté la disparition de certains matériels, dont des sommes d’argent. Pour le parquet, ce sont des affirmations qui tendent à ternir le professionnalisme et l’image de la police judiciaire. La partie civile, quant à elle, est revenue sur le souhait formulé par Me Somé, à savoir qu’elle n’intervienne pas dans les débats, étant donné qu’elle n’avait pas déposé de mémoire. De l’avis de Me Farama, aucune disposition légale ne prévoit cela. A l’entendre, Me Somé tend à faire croire seulement que la partie civile est favorisée. « Ce n’est pas le cas et d’ailleurs, nous n’en avons pas besoin », s’est-il défendu. Un autre mémoire, c’est celui déposé par la SCPA Sory-Salembéré. Développé en huit points, il fait cas de vices de procédure. Me Salambéré a aussi fait cas de l’irrégularité des citations à comparaître de deux de ses clients, Lassina Ouédraogo, journaliste, et Paul Sawadogo, particulier. Après donc que les avocats ont défendu leurs mémoires, le président a suspendu l’audience. Il était 10h 25mn. A 10h 40mn, à la reprise, la parole est donnée aux avocats de la défense à nouveau. Cette fois-ci, ils font cas de requêtes déposées auprès des juridictions supérieures aux fins de récusation du président du tribunal et du juge conseiller. Une requête a été déposée à la Cour de cassation de la chambre criminelle. Dès lors, le débat s’est posé sur les articles 650 et 655 du Code de procédure pénale. Le dernier article cité dispose que : «La requête est notifiée par les soins du secrétaire général au président de la juridiction à laquelle appartiennent le ou les magistrats récusés. Il sera sursis à la continuation de l’information et aux débats jusqu’à l’arrêt statuant sur la récusation ». Pour la défense, le président du tribunal doit tirer toutes les conséquences de cet article et prendre les dispositions qui s’imposent. Mais, le parquet militaire ne l’entend pas de cette oreille. Selon lui, l’article dispose que le président du tribunal doit être notifié de la saisine de la juridiction par le secrétaire général de la Cour de cassation.
Les prévenus Lassina Ouédraogo et Paul Sawadogo rentrent à la maison
Cette notification n’ayant pas été faite, le débat peut donc se poursuivre, a requis le parquet qui a insisté que nulle part ailleurs il n’est écrit que c’est à la partie demanderesse que revient la charge de la notification. Il en est de même pour ce qui est de la requête aux fins de récusation déposée auprès de la Cour d’appel. Se basant sur les dispositions de l’article 650 qui dispose que : « Le président de la Cour d’appel notifie en la forme administrative la requête dont il a été saisi au président de la juridiction à laquelle appartient le magistrat récusé. La requête en récusation ne dessaisit pas le magistrat dont la récusation est proposée. Toutefois, le président de la Cour d’appel peut, après avis du procureur général, ordonner qu’il sera sursis, soit à la continuation de l’information ou des débats, soit au prononcé du jugement », les avocats ont demandé au président de tirer toutes les conséquences. Sur cette question, les avocats de la partie civile interviendront pour dire qu’aucune conséquence juridique ne peut être tirée. C’est sur ces débats que Seydou Ouédraogo a suspendu l’audience. Il était 11h 20mn. L’audience a repris à 16h et n’a duré qu’une quinzaine de minutes. Le tribunal a délibéré sur les mémoires déposés par la SCPA Ouattara, Sory, Salembéré qui ont trait aux questions de procédure. Le tribunal s’est déclaré incompétent. Relativement à l’irrégularité de la citation à comparaître des deux prévenus, le tribunal a effectivement annulé ces citations. Les deux personnes rentrent donc à la maison . Pour ce qui est de la récusation du Président du Tribunal militaire, comme il l’a soulevé auparavant, Seydou Ouédraogo a dit attendre la notification de la Cour de cassation, seul acte qui a un effet suspensif. Mais comme il n’a pas encore reçu cet acte, le Président du tribunal a affirmé que l’audience se poursuit aujourd’hui à 9h, par l’examen et la discussion de la liste des témoins.
Adama SIGUE, Françoise DEMBELE
Me Olivier Yelkouny, Avocat du Général Gilbert Diendéré
« Nous sommes dans l’attente de la notification de la requête au Président du tribunal »
« Nous prenons la décision du tribunal comme n’importe quelle décision et nous allons aviser, voir s’il y a des voies de recours. Le tribunal nous a dit que les moyens que nous avons soulevés ne relèvent pas de sa compétence, mais de celle de la Cour de cassation parce que la loi prévoit que quand il y a des irrégularités, elles doivent être jointes au jugement qui doit être rendu sur le fond et le tout sera connu par la Cour de cassation. Heureusement que nous avons déjà déposé des pourvois contre cet arrêt. Pour ce qui est des citations incriminées, la loi prévoit que quand on convoque quelqu’un, l’on écrive ce pour quoi on l’a convoqué. Mais pour ces deux accusés, cela n’a pas été fait. Pour la loi, la jurisprudence et la doctrine, cela est une atteinte aux droits de la défense parce que pour que quelqu’un puisse bien se défendre, il faut que la personne sache ce qui lui est reproché. Le tribunal a donc estimé qu’il y a eu violation de leurs droits à la défense. C’est la raison pour laquelle il a annulé purement et simplement ces citations. Ces accusés rentrent donc chez eux, puisqu’un acte annulé est considéré comme n’ayant jamais existé. La requête aux fins de récusation qui a été déposée au greffe de la Cour de cassation doit être notifiée aux juges que nous entendons récuser, par le secrétariat général de la Cour de cassation. Jusqu’à ce soir, les magistrats que nous entendons récuser n’ont pas encore reçu cette notification. Quand ils l’auront reçue, elle suspendra leur activité. Pour le moment, nous sommes dans l’attente de la notification de la requête. »
Propos recueillis par FD