Retard dans l’exécution des travaux publics
C’est ceci qui explique cela
J’étais scandalisé, le samedi dernier, lorsque le Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, à l’issue d’une visite de chantier effectuée sur le tronçon Sabou-Koudougou-Didyr, relevait un retard dans l’avancement des travaux. Ce qui m’a mis hors de moi-même, c’est quand j’ai appris que d’ici à la fin du mois de juillet, les bailleurs rapatrieront leurs fonds, si les travaux ne sont pas achevés. Pourtant, l’entreprise en question, si j’en crois le chef du gouvernement, n’a pas un problème de financement. Pourquoi donc un tel retard ? Je veux que l’on me dise ce qui justifie ce retard. Car le contribuable ne peut pas continuer à payer le prix de l’irresponsabilité d’une entreprise. Chaque fois, c’est la même chose. Soit on nous sert des ouvrages de moindre qualité qui cèdent dès la première pluie et cela, avant même la date de la réception, soit on traîne avec les travaux en allant parfois jusqu’à doubler, voire tripler les délais. La preuve, à peine le Premier ministre s’était-il remis de son amertume liée au retard dans l’avancement des travaux de construction du tronçon Sabou-Koudougou-Didyr, que survient une autre déception. En visite sur les sites d’accueil des personnes affectées par le projet de construction de l’aéroport de Donsin, le chef du gouvernement était encore aux regrets de remarquer que les travaux n’avancent pas. Visiblement remonté, il a un tant soit peu morigéné l’entreprise en question, la menaçant même de sanction. J’ai bien envie de dire que c’est ce qui manque le plus pour amener bien des entreprises à la raison. On menace chaque fois de sanctionner, mais au final, il n’y a généralement rien. On a même l’impression que les entreprises fautives sont parfois récompensées. Car, ce sont aux mêmes entreprises qu’on octroie des marchés plus tard. En fait, on comprend parfois cette forme de complaisance qui ne dit pas son nom, dans la mesure où la collusion entre le politique et l’économique est devenue une réalité dans notre pays. Ce sont les mêmes qui interviennent dans le monde de l’économie, si fait qu’il est difficile d’espérer une fermeté de l’autorité face à certaines insuffisances. C’est ce qui explique que la plupart des opérateurs économiques, pour s’épargner la furie de l’Etat, ont choisi de composer avec le régime en prenant la carte du parti. Là, au moins, ils sont sûrs de bénéficier des marchés publics. Et du coup, ils deviennent des intouchables, assurés par leur parapluie politique. C’est dire que c’est ceci qui explique cela.
Parfois, l’Etat lui-même est responsable de la mauvaise qualité des ouvrages qui nous sont servis. Ils sont nombreux les entrepreneurs qui ont dû mettre la main à la poche pour achever la réalisation de certains ouvrages avant que l’Etat ne daigne s’exécuter, ne débloque l’argent. Peut-on vouloir une chose et son contraire ? Comment voulez-vous qu’un entrepreneur, à partir de ses fonds propres, puisse faire tourner les machines et payer ses employés pour qu’in fine, l’ouvrage soit à la hauteur des attentes ? C’est aberrant à tout point de vue, et il faut que les choses changent. Sinon, l’émergence dont on rêve demeurera une vue de l’esprit. Le choix d’une entreprise pour la réalisation d’un ouvrage ne doit pas exclusivement reposer sur l’appartenance politique, mais plutôt sur l’appréciation faite du travail qu’elle a eu à réaliser auparavant. C’est la seule manière d’encourager l’excellence dans ce pays, si l’on veut un jour devenir une puissance économique.
En tout cas, je ne voudrais pas que l’entrepreneur à qui l’Etat confiera la construction d’un asile pour les fous que j’appelle de tous mes vœux, soit un médiocre.
Je préfère, s’il y a lieu, que le gouvernement lance un appel d’offres auquel ne pourront postuler que les fous.
Car parmi nous, vous croyez quoi, il y a beaucoup de compétences ; et qui mieux qu’un fou connaît la forme qu’il veut donner à son asile ?
« Le Fou »