REVELATIONS DE L’ONU SUR LE PILLAGE DE MINERAI DANS L’EST DE LA RDC : Aller au-delà de la dénonciation…
Le tantale, vous connaissez ? C’est un minerai précieux et rare extrait du coltan, que l’on utilise dans la fabrication d’appareils électroniques, notamment les smartphones et les ordinateurs, mais aussi dans l’industrie chimique et aéronautique. Au nombre des pays comme l’Australie, le Brésil, la Chine et le Canada qui en disposent dans le monde, il y a la République démocratique du Congo (RDC) qui fournit 70 à 80% de la production mondiale de ce métal précieux. Dès lors, on comprend le rôle important qu’il joue dans l’économie mondiale et singulièrement dans celle de ce pays d’Afrique centrale qui est pourtant loin d’en tirer le meilleur profit. Et pour cause. Ce métal précieux est l’objet de pillage et de contrebande de la part de groupes armés qui en contrôlent les régions d’exploitation au pays de Félix Tshisékédi. C’est ce que la cheffe de la Mission des nations unies pour la stabilisation du Congo (MONUSCO), Bintou Kéita, a dénoncé le 30 septembre dernier devant le Conseil de sécurité de l’ONU, en pointant un doigt accusateur vers le M23, du nom de ce groupe rebelle qui sévit dans l’Est de la RDC et qui rend la vie dure à Kinshasa. Se voulant plus précise, la patronne de la mission onusienne a affirmé que le M23 génère 300 000 dollars par mois grâce au tantale.
Avec cette manne, le M23 a largement les moyens de sa guerre
Un revenu pour le moins substantiel, qui permet d’avoir le nerf de la guerre et de tenir tête à l’armée congolaise qui a été mise en déroute dans cette partie du pays où les rebelles avancent presque la fleur au fusil. Si l’on ajoute à cela le soutien supposé où réel du Rwanda voisin aux insurgés, on comprend pourquoi Kinshasa a autant de peine à venir à bout de ces rebelles qui sont ressortis du maquis en 2021 et ont mis la partie orientale du pays sous coupe réglée. Toujours est-il qu’au regard de la situation désastreuse que vit le pays en raison de la guerre, on pourrait dire que Mme Keita enfonce une porte déjà ouverte. Car, la question du pillage des ressources minières en RDC est un secret de Polichinelle qui ne date pas d’aujourd’hui. Ce qui paraît nouveau par contre, ce sont les revenus substantiels qu’en récolte le M23. Ce qui lui permet de s’approvisionner suffisamment en armes, y compris les plus sophistiquées, et de renforcer ses effectifs par des recrutements conséquents. C’est dire si avec cette manne, le M23 a largement les moyens de sa guerre. Dans ces conditions, comment espérer le retour de la paix dans l’Est de la RDC où l’armée congolaise ne fait manifestement pas le poids devant les rebelles ? Le drame est que ce sont les pauvres populations qui payent les frais de ce conflit armé qui est à l’origine de l’une des pires crises humanitaires au monde. Et la situation est d’autant plus désespérante que le M23 occupe une région qui fournit plus de 15% des réserves mondiales de tantale, selon l’ONU. Ce qui est loin d’être un effet de hasard. Mais une chose est de contrôler cette région minière de la RDC, une autre est de trouver preneur à ce métal précieux et d’en développer un circuit de commercialisation.
La communauté internationale doit se mobiliser au chevet de la RDC
C’est le lieu de dénoncer l’hypocrisie des grandes puissances dont les industries apparaissent de fait comme les vrais bénéficiaires. C’est d’autant plus vrai que tout porte à croire que les rebelles du M23 qui sont plus portés sur la guerre, ne disposent pas de l’expertise nécessaire pour extraire et traiter le tantale. Autant dire que la RDC est mal barrée. Car, avec cette manne minière dont dispose le M23, on n’a pas besoin d’être un spécialiste de la guerre pour savoir que ce n’est pas demain la veille que les hostilités prendront fin dans l’Est de la RDC. D’autant que de toute évidence, les autorités de Kinshasa semblent loin de pouvoir mettre fin à l’exploitation frauduleuse des minerais dans cette partie du pays. C’est pourquoi au-delà de la simple dénonciation, la communauté internationale doit se mobiliser au chevet de la RDC dont l’avenir se joue dans ce conflit qui a déjà causé beaucoup de pertes en vies humaines et de nombreux déplacés. Et l’ONU doit pouvoir user de son influence pour imposer des sanctions internationales à ceux qui profitent de ce commerce criminel qui prospère sur le sang de victimes innocentes. Il revient aussi à l’organisation mondiale de travailler résolument à trouver une solution définitive à l’équation du M23, comme elle avait su le faire en 2013 en apportant un soutien crucial aux FARDC qui étaient venues militairement à bout du groupe rebelle. Parallèlement, il est aussi impératif de travailler à l’amélioration de la gouvernance de l’exploitation minière en misant sur la transparence et la traçabilité. Autrement, la paix, dans l’Est de la RDC, restera pour longtemps encore une arlésienne et ce sont les pauvres populations qui continueront de souffrir. L’autre alternative est que le président Tshisekedi puisse trouver les voies et moyens d’aller à une paix négociée avec ses adversaires, là où la solution militaire et les efforts diplomatiques peinent encore à produire les effets escomptés.
« Le Pays »