HomeA la uneROCH MARC CHRISTIAN KABORE, A PROPOS DE L’INDEPENDANCE DE LA JUSTICE : « Si vous avez un Etat où la magistrature est son propre patron, cela peut créer beaucoup de problèmes »

ROCH MARC CHRISTIAN KABORE, A PROPOS DE L’INDEPENDANCE DE LA JUSTICE : « Si vous avez un Etat où la magistrature est son propre patron, cela peut créer beaucoup de problèmes »


C’est le vendredi 3 juin en début d’après-midi que le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, et sa délégation ont quitté Ouagadougou pour Dakar.  Arrivé à l’aéroport international de la capitale sénégalaise autour de 15h, c’est le président Macky Sall, président de la République du Sénégal, qui a accueilli son homologue burkinabè.  Commence alors un week-end surchargé.

 

A la descente d’avion et après les formalités d’accueil, la délégation présidentielle se met en route pour le pied à terre du Président du Faso à King Fahd Palace, un hôtel huppé dans un quartier chic au Sud-Ouest de Dakar. C’est là que sont reçus tous les chefs d’Etat et de gouvernement devant prendre part aux sommets de la CEDEAO et de l’UEMOA. Aussitôt installé, le travail commence. Premier acte. Rendez-vous avec le Professeur Alpha Condé, président de la Guinée Conakry. Selon les propos du président accompagné de son ministre des Affaires étrangères, Alpha Barry, c’est une visite de courtoisie pendant laquelle il a échangé avec un « aîné ». Sur quoi ? Sur les préoccupations de leurs pays respectifs et celles de la région.  Après ce rendez-vous, le président doit aller à la résidence de l’ambassadeur du Burkina Faso où l’attendent l’ambassadeur Aline Koala et les Burkinabè vivant au Sénégal. Là, l’agenda du président sera bousculé parce qu’on sait à quel moment les échanges commencent mais on ignore à quel moment ils peuvent prendre fin. Effectivement. A 19h, il y a un mini-sommet regroupant les présidents nigérien, Mahamadou Issoufou, ivoirien, Alassane Dramane Ouattara et burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré. Lieu choisi : le pied-à-terre d’ADO. Mais avant, le PF doit répondre aux préoccupations de ses compatriotes à cette rencontre  qui commence à 17h12.

Dans son mot de bienvenue, l’ambassadeur Aline Koala félicite le président du Faso pour son élection à la tête de l’Etat et promet qu’au Sénégal, on est « tous » à ses « côtés ». Elle réitère l’engagement de son équipe à accompagner le président du Faso dans la mise en œuvre de son programme politique. Pour la communauté burkinabè vivant au Sénégal, les profils sont divers : cadres dans des institutions internationales, professions libérales, étudiants, entrepreneurs… ! Après une présentation de l’Union fraternelle des Burkinabè vivant au Sénégal (UFBS) faite par son président, Tahirou Ouattara, le président du Faso prend la parole pour quelques mots introductifs aux échanges. Il fait brièvement une revue de la situation politico-économique du Burkina ainsi que l’état de ses engagements politiques et leur mise en œuvre.  Évidemment, beaucoup de problèmes sont évoqués ; notamment la question de la justice et certains dossiers brûlants.

 

Dossier Thomas Sankara

 

« La famille Thomas Sankara et ses avocats ont demandé une contre-expertise. Le débat qui s’est mené était de savoir entre la justice et la famille, est-ce que c’est la famille qui devrait proposer la contre-expertise avec ses experts pour le faire ou est-ce que ce sont les magistrats qui devaient le faire.  Tout cela a fait traîner le dossier. Certes, il y a eu des enquêtes, des arrestations, mais sur ce point particulier, je pense que nous allons aboutir à une solution qui va consister à demander à la famille et aux avocats d’amener leurs experts pour qu’on fasse la contre-expertise et qu’à partir de ce moment-là, nous puissions avancer. Sinon on va être dans une discussion qui ne finira jamais ».

 

Le putsch manqué du  16 septembre 2015

 

« Au niveau du putsch manqué également, nous avons fait un certain nombre d’arrestations sur place. Vous savez que nous avons eu l’attaque de Yimdi qui nous a permis d’arrêter un certain nombre de militaires de l’ex-RSP qui étaient en fuite en Côte d’Ivoire,  qui sont revenus attaquer et qui nous ont permis de leur mettre la main dessus. La procédure, à ce niveau, suit son cours. Maintenant, il y a des questions que les Burkinabè doivent se poser. La première question, c’est celle des libertés provisoires qui ont été données à un certain nombre de personnes qui faisaient partie ou qui ont été inculpées dans le cadre du putsch. Je voudrais simplement vous dire que lors de la Transition, il a été décidé de réformer la Justice pour la rendre indépendante, en retirant du Conseil supérieur de la magistrature le président du Faso et le ministre de la Justice, parce qu’on considère que la présence de ces deux-là empêche l’indépendance de la Justice. Aujourd’hui, au plan de la justice, les décisions  qui se prennent là-bas, nous n’y

sommes pas impliqués. Malheureusement, lorsqu’on a des gens en liberté provisoire, la tendance c’est de dire que c’est le gouvernement qui a dit de les libérer.  Or, nous mêmes, on apprend les décisions comme tout le monde. C’est dire que sur le plan de l’application de ce que nous avons appelé l’indépendance de la justice, je crois qu’aujourd’hui, chaque Burkinabè comprend pourquoi il est nécessaire que le Président du Faso et le ministre de la justice soient au Conseil supérieur de la magistrature.  Parce que si vous avez un Etat où la magistrature est son propre patron, cela peut créer beaucoup de problèmes. Et je crois que lors des discussions constitutionnelles pour  le passage à la 5e République, ce seront des questions qui seront revues, au regard de la réalité et l’applicabilité sur le terrain. Pour le moment, des instructions ont été données au commissaire du gouvernement de tout faire pour qu’avant la fin de cette année, nous ayons terminé avec tous ces procès parce  qu’on ne peut pas passer tout notre temps à regarder dans le rétroviseur alors que nous avons du boulot à faire. C’est pour dire que sur ce plan, nous allons avancer très rapidement et permettre à la Justice de faire son travail de manière à ce que les Burkinabè également puissent avoir plus de liberté et avoir foi à la Justice ».

 

La Transition ou le problème Yacouba Isaac Zida

 

« L’autre problème concerne la Transition. Ce sont les discussions autour du fait que nous sommes venus pour remettre en cause les acquis de la Transition. Lorsque je suis arrivé à la présidence, le président Michel Kafando, mon prédécesseur, par acquis de conscience et avant de partir, a demandé à l’ASCE-LC de faire un audit de sa gestion. Je suis arrivé et il a tendu son document et m’a dit : « voilà l’audit de ma gestion. Je vous le remets pour exploitation ». Il avait demandé la même chose au Premier ministre Zida qui, pour certaines raisons, ne l’a pas fait au bon  moment. Lorsque nous avons pris son dossier, nous avons constaté qu’il y avait un certain nombre d’irrégularités. Nous avons dit « plus rien ne sera comme avant » (rires dans la salle). Si plus rien ne doit être comme avant, on commence maintenant (applaudissements dans la salle). Nous ne cherchons pas à créer des problèmes à quelqu’un mais nous avons dit, effectivement et je l’ai dit directement au Premier ministre Zida, que lorsqu’il était à la présidence, il s’est trouvé qu’il y avait des comptes de la présidence qui, le jour même de l’investiture du président Kafando, ont été clôturés par lui pour rouvrir un autre compte. Je me dis, le compte  est rouvert, mais l’argent est où puisque tout a été dépensé. Mieux, cet argent est dépensé pendant que lui, est au Premier ministère. Il fait des chèques à la présidence avec le DAF de la présidence et le chef de cabinet militaire. Quelqu’un vient prendre les chèques et va à la banque prendre l’argent avec un sac et va le déposer au Premier ministère. On ne peut jouer à cette imposture-là pendant une année. Se dire qu’on est celui qui vient changer les choses alors qu’on mène les mêmes pratiques que ceux qui étaient là avant nous ! Ce n’est pas acceptable et ces montants se sont élevés à 750 millions de F CFA. Et nous avons dit qu’il faut qu’il rende compte, comme tout le monde, de l’utilisation qu’il a faite de ces moyens. Ce n’est pas compliqué.  Au Premier ministère, c’était la même situation. Sur un compte bancaire destiné à la communication et budgétisé à 200 millions de F CFA, c’est un milliard 100 millions de F CFA qui sont sortis. On ne peut pas s’asseoir dire que c’est la Transition et faire du « mouta-mouta ». On a dit « plus rien ne sera comme avant ». C’est terminé. Si nous demandons de rendre des comptes, c’est parce que nous allons rendre compte quand nous allons finir notre mandat. C’est pareil. On ne demande pas des comptes parce que c’est Zida…Et sur ces entrefaites, il m’a demandé une autorisation de deux semaines pour rendre visite à sa famille au Canada et depuis le 19 février (date d’expiration de cette autorisation, ndlr), je n’ai plus de nouvelles jusqu’au moment où encore une fois, nous avons eu l’épisode de la fausse nomination d’ambassadeur du Burkina Faso aux Etats-Unis. J’ai  reçu un texto (sms, ndlr) me remerciant pour sa nomination. Je lui ai répondu que je n’ai nommé personne parce que cette nomination n’est pas de mon ressort ; par conséquent, il n’a qu’à considérer que ce sera purement et simplement annulé….Je lui ai écrit une dernière fois pour lui dire que s’il ne reprenait pas ses fonctions normalement, on le considérerait comme un déserteur en temps de paix. C’est à ce moment que nous avons reçu récemment une réponse dans laquelle il demande qu’on le mette en position d’évacuation sanitaire. Je lui ai répondu que l’évacuation sanitaire suit une procédure…. ».

 

 

 

Michel NANA envoyé spécial à Dakar au Sénégal

 

 


Comments
  • SI C’ETAIT POUR LE FELICITER POUR SA GESTION IL AURAIT COURRU MAINTENANT QU’ON VEUT COMPRENDRE SAA GESTION CALAMITEUSE DE LA TRANSITION IL NE VEUT PAS REPONDRE.

    6 juin 2016
  • Ici, le linge sale des nationaux se lave dehors. Pour Soro, on préfère faire du mouta mouta.

    6 juin 2016
  • Ici, le linge sale des nationaux (Zida) se lave dehors. Pour Soro, on préfère faire du mouta mouta.

    6 juin 2016
  • Mr Koumbem, nous sommes en famille à l’Ambassade et entre Burkinabé. Souffrez mais acceptez que la gestion de Zida était calamiteuse. Ne vous acharner pas sur le Président si l’on veut tendre vers la perfection SVP.

    6 juin 2016
  • Quand on parle de l’indépendance de la justice on fait référence aux juridictions civiles et non aux juridictions militaires. Ces dernières restent des juridictions d’exception rattachéeé au ministre de la défense. Les personnes qui ont bénéficié d’une lliberté provisoire dans le cadre du coup d’Etat etaient detenues en majorité a la MACA donc sous le coup d’une procédure judiciaire devant un tribunal militaire. Les récentes liberation sont doncle fait du tribunal militaire. Un tribunal qui reçoit des ordres du ministre de la defense et lui rend compte. Au regard de ces élémentil les eélémentsque le PF avance pour renoncer à l’indépendance de la justice ne tiennent pas route.

    7 juin 2016
  • C’est le tribunal militaire qui a fait les libertés provisoires dans le cas du coup d’Etat. Et les plaintes de la population s’adressent à lui. En tant ke juridictions d’exception le tribunal militaire rend compte au ministre de la défense. Il ne faudrait pas profiter de l’ignorance du peuple pour remettre en cause l’indépendance de la justice.

    7 juin 2016

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