HomeA la uneSAISIE DE MOTOS, VELOS ET VEHICULES VOLES OU ACCIDENTES : Ces engins qui encombrent les commissariats de police

SAISIE DE MOTOS, VELOS ET VEHICULES VOLES OU ACCIDENTES : Ces engins qui encombrent les commissariats de police


MAQUETTE JPZ 24/01/2012Des engins de tous ordres qui occupent beaucoup de place dans les commissariats depuis des années. C’est le constat que nous avons fait lors d’une tournée dans certains commissariats de police de la ville de Ouagadougou. La réalité est sans appel : trop d’engins  et autres objets, pour la plupart saisis aux mains de délinquants, moisissent dans les commissariats de police ! Vu leur nombre, ces  engins constituent une source d’insécurité aussi bien pour les usagers que pour le personnel des commissariats. Et selon les dires des uns et des autres, seule la vente aux enchères peut libérer les lieux de ces engins encombrants. Mais est-ce vraiment la panacée, vu la rapidité avec laquelle les engins saisis sont parqués et la lenteur avec laquelle la procédure administrative pour la vente aux enchères se met en branle?

 

Alors que l’équipe de reportage s’attendait à être  fouillée de fond en comble à l’entrée du commissariat de police de Nongr-Massom dans l’arrondissement 5 de Ouagadougou, un agent qui a reconnu notre véhicule, nous fait signe d’entrer sans préalable. C’était aux environs de 11h. En entrant, nous aperçûmes une belle dame en tenue de policier, flanquée d’un gilet pare-balle, arme au poing, le visage serré et faisant le piquet devant l’entrée. Aussitôt entré, aussitôt annoncé, nous avons été reçu par le Commissaire Mahama Kaboré dudit poste de police. Pour accéder à son bureau, nous avons dû traverser la file d’usagers venus, qui pour des légalisations, qui pour d’autres démarches administratives. Après s’être renseigné sur l’objet de notre visite, le Commissaire de Nongr-Massom, Mahama Kaboré,  semblait ravi d’aborder le sujet, tant les véhicules gardés dans son commissariat constituent une épine à son pied. Et nous l’avons constaté dès notre entrée, parce que ces véhicules occupent une  grande partie de la cour du commissariat. Pour ne pas dire qu’ils disputent l’espace aux agents du commissariat, les serpents et autres reptiles. Si fait qu’il a « demandé que l’on nettoie l’espace pour le débarrasser des herbes sèches parce que le risque d’incendie existe. Nous avons ici 93 motocyclettes et 460 bicyclettes qui sont classées dans plusieurs catégories qui sont : les engins accidentés, les engins saisis chez des délinquants, les engins issus des affaires judiciaires et des contrôles pour éclairage ». Et pour la gestion de ces véhicules, le Commissaire a tenu à signaler qu’à chaque fois, un point des engins est fait pour avoir un suivi correct. « Enregistrez-vous souvent des pertes de véhicules ? » A cette question, le Commissaire Mahama Kaboré répond : « Non. Nous sommes dans un service de sécurité et les voleurs n’y entrent pas. Mais le problème est que ces engins nous encombrent beaucoup et que notre cour n’est pas tapissée de pavés. Et comme il y a de l’herbe qui pousse, il suffit d’un brin d’allumette intentionnel ou non

volontaire pour déclencher un incendie. Qui répondra de ça ? Le commissariat ou la Justice ? Sans compter qu’il y a des possibilités de se tromper sur des engins qui se ressemblent et, avec les intempéries, des confusions sont vite faites parce que les numéros sont illisibles. Et quand le temps passe et que les enquêteurs sont affectés, on a souvent du mal à retrouver les engins en question dans les affaires judiciaires.  »  Alors que faire ?

Le Commissaire Mahama Kaboré suggère une collaboration et un  partage de l’information à travers les fichiers informatisés Afis et Irapol. « C’est ainsi que l’on a réussi ces derniers temps à éviter l’entreposage des engins dans nos services », a-t-il laissé entendre.  Pour nous faire toucher du doigt la réalité, il nous a fait visiter le parc de véhicules en question. Sur le terrain, nous constatons que certains engins  sont à un niveau de délabrement avancé, dû aux intempéries. « Ici, nous avons des engins sans propriétaires et souvent, ces engins sont issus des motos fraudées de Cinkansé », nous a-t-il dit tout en montrant le lot. « Ce sont les bicyclettes qui ravient la vedette aux engins ici », s’exclame-t-il. En effet, elles sont au nombre de 460.  Il poursuit : « ici, c’est la section des accidents, et cette chaîne s’étend parce que tous les jours, il y a des accidents ». Cette section est vraiment la plus grande et est constituée visiblement d’engins mal en point et souvent d’une valeur élevée. Mais comme « c’est un accident et si la personne n’a pas eu la chance de s’en sortir, les propriétaires ne reviennent plus récupérer la moto. Voyez par exemple ces véhicules, la plupart des voitures sont des voitures accidentées ». Vu l’état des voitures, on imagine l’intensité du choc.  Et dans une de  ces épaves,  des restes de corps, de vêtements ou de cheveux nous ont été montrés. « Cette voiture accidentée est comme un cimetière », nous dit-il.  Et pour finir, « nous avons aussi saisi des véhicules de la Fonction publique au cours de contrôles nocturnes et personne n’est venu les chercher jusqu’à aujourd’hui ».  Après une quinzaine de minutes au commissariat de Nongr-Massom, nous demandons la route avec l’aide de notre guide, le chargé de communication de la Police nationale, Commissaire Héma Talimon. Cap sur le commissariat de Sig-nonghin dans l’arrondissement 3. Là, nous avons rencontré le Commissaire Aimé-Salvador Bougouma. Pour lui, le problème avec les engins saisis, est que quand les délinquants volent les motos, ils modifient les numéros et cela complique l’identification des propriétaires légitimes. « Nous avons environ 200 motos et bicyclettes et, bien entendu, cela  encombre la cour », a-t-il affirmé. Là aussi, nous avons eu droit à une visite du parc des engins saisis. A la question : « enregistrez-vous des vols dans votre commissariat ? »,  «Des cas de vols ? », Avec un petit sourire, le Commissaire rétorque : « des vols ? Au commissariat ici, ce n’est pas possible ». Après la visite, « pour un parallélisme des formes », le Commissaire nous fait retourner dans son bureau pour nous dire « au revoir ». Et nous en profitons pour lui demander son point de vue sur la gestion de ces engins qui encombrent le commissariat. « Je propose une vente aux enchères régulière pour désengorger les différents commissariats », suggère le Commissaire Aimé-Salvador Bougouma. Nous prenons congé du Commissaire aux environs de midi. La faim et la soif commençaient à nous tenailler. Mais le guide tenait bon. Il nous conduit, non sans mal, au commissariat de Baskuy dans l’arrondissement 2. Là, après avoir discuté avec le Commissaire Joseph Kientéga, avant la visite du parc,  il ressort qu’ils partagent les mêmes difficultés que les autres commissariats. Mais le commissariat de Baskuy a quand même sa particularité parce qu’en plus des engins saisis qui sont au nombre de 87 vélomoteurs et cyclomoteurs et 117 bicyclettes, le Commissaire a aussi cité, au titre des saisies, « 20 barres de fer à béton, des portes et fenêtres métalliques, des charrettes-à-eau et des bouteilles de gaz ». Au cours de la visite, le Commissaire s’attarda sur le tas de bicyclettes : « là même, c’est trop grave. Quand on prend les bicyclettes, les propriétaires ne viennent pas les chercher ». Donc, il faut cesser de prendre ces bicyclettes alors ? « Depuis un certain temps, on ne saisit même plus les bicyclettes », nous répond le Commissaire Kientéga, véritablement dépassé. C’est sous un soleil de plomb que nous avons pris congé du Commissaire Joseph Kientéga. D’un commissariat à un autre, c’est un voyage. C’est ainsi que nous avons terminé notre périple du jour au commissariat de Boulmiougou, situé dans l’arrondissement 6. Il était peu après 12h, c’est-à-dire l’heure de la pause, mais le commissaire Sayibou Galbané et ses éléments nous attendaient. « Les engins entreposés au commissariat de Boulmiougou constituent un véritable problème. Certains ont une durée de dépôt de 16 ans et ils constituent des épaves, deviennent un nid de serpents et nous voyons tous les jours des serpents faufiler entre les engins », soutient le commissaire Galbané. A notre arrivée dans son bureau, il tenait des papiers relatifs à des déclarations de perte d’engins. Lesdits engins ont été retrouvés, mais le Commissaire a de la peine à en retrouver les propriétaires. « Ces engins ont été volés et retrouvés, mais nous n’arrivons pas à joindre les propriétaires  parce qu’ils n’ont pas donné une adresse fiable. Si les intéressés ne viennent pas les récupérer, ces motos vont séjourner longtemps au commissariat », nous explique-t-il avant d’ajouter : « Nous avons 620 motos et 418 bicyclettes, soit à peu près un millier d’engins à deux roues ». Et nous avons effectivement constaté, sous le soleil de midi,  qu’il y avait une foultitude d’engins stockés dans ce commissariat. Nous avons vu beaucoup d’engins transformés en épaves du fait des intempéries et de leur long séjour dans le commissariat. Et le parc des engins stockés se remplit de jour en jour. « Et si cela continue, nous risquons de ne plus avoir de terrain de sport parce que ces engins sont en train de grignoter notre terrain de football », nous confie le Commissaire avec un grain d’amertume. Il va sans dire que le problème est assez sérieux. C’est pourquoi le Commissaire divisionnaire de Police, Jean-Alexandre Darga, Commissaire Central  de la ville de Ouagadougou suggère « une formule assez courte et souple pour leur permettre de se débarrasser de ces engins parce que la procédure pour organiser la vente aux enchères publiques est longue, lente et trop administrative ». Fort heureusement, cette fois-ci, ce n’était pas le cas et  le Commissaire Sayibou Galbané n’a plus à s’inquiéter pour son terrain de sport. En effet, une vente aux enchères a été organisée dans tous les commissariats des arrondissements de Ouagadougou, du 21 au 28 mars 2016. Et selon le commissaire divisionnaire de police de  la ville de Ouagadougou, cette vente aux enchères a eu un impact positif sur leur environnement de travail (voir encadré), en attendant que d’autres ventes aux enchères soient organisées.

 

Françoise DEMBELE

 

 

 

Commissaire divisionnaire de Police, Jean-Alexandre Darga, Commissaire Central de la ville de Ouagadougou

 

« La quantité d’engins stockés témoigne du dynamisme de nos services »

 

« La vente  aux enchères publiques a eu un impact  positif parce que cela nous a permis d’écouler des engins qui étaient entreposés depuis des années et qui polluaient l’environnement de travail. Cette vente aux enchères n’est qu’une première. Il y aura encore une autre vente aux enchères et qui va concerner les engins de 6 arrondissements de Ouagadougou, au nombre de 1981, qui ont 1 an et moins de trois ans de séjour dans nos services, et tout ce qu’il y a comme objets saisis ou entreposés dans nos différents services. C’est à l’issue de cette seconde vente aux enchères que nos services seront totalement débarrassés de tout ce qu’il y a comme matériel entreposé et nous pourrons recouvrer la totalité de nos espaces pour avoir un cadre de travail beaucoup plus présentable. Il y a aussi des appareils électro-ménagers, des bouteilles de gaz, des portes et autres.

La quantité d’engins stockés témoigne du dynamisme de nos services. Dire qu’il n’y aura plus d’engins dans nos espaces, c’est dire que nous allons arrêter de traquer les délinquants. Ce qui n’est pas possible ! C’est comme une fosse que l’on vide et peu après, elle se remplit ».

 

Propos recueillis par FD

 

 

 


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