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SANCTIONS CONTRE LES PUTSCHISTES MALIENS


 

Au lendemain du sommet extraordinaire d’Accra du 9 janvier dernier, les avis sont partagés sur l’opportunité des sanctions prises à l’encontre des putschistes maliens par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO).  Des sanctions avec effet immédiat, qui vont du gel des avoirs au sein de la BCEAO à la fermeture des frontières avec les Etats membres en passant par la suspension des transactions et le rappel des ambassadeurs accrédités à Bamako. Pour certains, en faisant preuve de fermeté, l’institution sous-régionale envoie un signal fort de sa volonté de  peser de tout son poids pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel sur les rives du Djoliba. Pour d’autres, ces sanctions sont inappropriées  car,  plus que les putschistes, ce sont les populations maliennes qui risquent le plus d’en pâtir ; elles qui souffrent déjà le martyre d’une situation qu’elles sont loin d’avoir voulue. Pour d’autres enfin, ces sanctions pourraient même être contreproductives en ravivant la flamme patriotique des Maliens autour de leurs dirigeants.

 

Tout porte à croire que la CEDEAO joue son va-tout, à travers ces dures sanctions

Quant aux autorités de Bamako, elles en contestent tout simplement le fondement juridique en les qualifiant de  « sanctions illégales et illégitimes » auxquelles elles semblent cependant prêtes à faire face.  En tout cas, c’est ce que semble traduire la riposte, à travers le rappel,  par Bamako, de ses ambassadeurs accrédités dans les différents pays de l’espace communautaire en plus de la fermeture de ses frontières, en réponse aux sanctions diplomatiques et économiques qui visent un isolement du pays.  En attendant de connaître l’épilogue de ce bras de fer, tout porte à croire que la CEDEAO joue son va-tout, à travers ces dures sanctions qui ne sont rien moins que des moyens de rétorsion de niveau 9 sur une échelle de 10, dans l’espoir d’un rétropédalage des tombeurs de Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) dans leur volonté de prolongation de la transition jugée inconsidérée et « inacceptable » par l’institution sous-régionale. Et l’on croit que, c’est à son corps défendant que la CEDEAO a dû sortir l’artillerie lourde contre les putschistes de Kati. Mais avant de sanctionner valablement et pouvoir jouer convenablement les justiciers ou autres redresseurs de torts, encore faut-il soi-même, à défaut d’être totalement irréprochable,  savoir se présenter comme un exemple de vertu. Ce qui est loin d’être le cas de l’institution sous-régionale qui n’arrive déjà pas à faire respecter comme il se doit, la règle de la libre circulation des biens et des personnes et à qui l’on a souvent reproché sa passivité face aux tripatouillages constitutionnels de chefs d’Etat cherchant à se maintenir indûment au pouvoir, au grand dam des populations qui ne savent plus à quelle juridiction électorale se vouer. Et l’on n’a pas besoin d’un dessin pour identifier les brebis galeuses de la démocratie et des règles de l’alternance qu’elle compte aujourd’hui encore en son sein.

Tant qu’il y aura la mal gouvernance, les militaires auront toujours beau jeu de s’inviter dans le débat politique

 C’est pourquoi, au-delà des pronunciamientos des hommes en kaki, la CEDEAO doit avoir le courage de s’attaquer désormais aux coups d’Etat constitutionnels. Cela, dans l’intérêt même de la gouvernance et du respect des règles d’éthique de la démocratie. C’est en cela qu’elle pourrait rebâtir sa crédibilité et redorer son blason aux yeux des populations. D’autant que, de la Guinée à la Côte d’Ivoire en passant par le Burkina Faso, le Togo et la Gambie, tout le monde est témoin des dégâts causés par la maladie du troisième mandat qui s’est parfois révélé beaucoup plus sanglant que certains coups d’Etat militaires, en plus de la fracture sociale et de la forte détérioration du climat sociopolitique que cela a engendrées.  C’est dire qu’en sévissant aussi durement contre les militaires maliens, c’est à une thérapie pleine et entière que doit s’engager désormais la CEDEAO dans sa croisade contre les changements anticonstitutionnels. C’est à ce prix qu’elle pourrait se mettre véritablement au service des peuples et c’est aussi à ce prix qu’elle pourra avoir leur sympathie.  C’est dire si la CEDEAO gagnerait à balayer aussi dans sa cour et devant sa porte pour convaincre davantage de la noblesse de ses intentions dans la traque aux putschistes. Au-delà, elle devrait travailler en amont à se donner les moyens de garder un œil vigilant sur l’organisation des élections dans leur ensemble, en vue de scrutins véritablement crédibles en lieu et place des parodies et autres élections truquées qui font bien souvent le lit de la contestation et des violences électorales avec les conséquences qui vont avec. Autrement, les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets. En tout état de cause, tant qu’il y aura la mal gouvernance, les militaires auront toujours beau jeu de s’inviter dans le débat politique.

                                                                            « Le Pays »

 

 


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