HomeA la uneSANGOUN DIOLOMPO, ATTACHE DE SANTE A PROPOS DE LA SANTE BUCCO-DENTAIRE « Entre 60 à 90% des enfants scolarisés soufrent de carie dentaire »

SANGOUN DIOLOMPO, ATTACHE DE SANTE A PROPOS DE LA SANTE BUCCO-DENTAIRE « Entre 60 à 90% des enfants scolarisés soufrent de carie dentaire »


Les maladies bucco-dentaires font partie des rares maladies pour lesquelles la prévention est efficace, essentielle et impérative. Comment faire pour éviter ces maladies, d’autant plus qu’on sait que les dents jouent un rôle très important dans le fonctionnement de l’organisme ? Dans cette interview, l’attaché de santé en Chirurgie dentaire  à la Direction générale de la santé, Sangoun Diolompo, donne des directives à suivre pour avoir une bonne santé bucco-dentaire. Lisez plutôt !

 

Que peut-on entendre par santé bucco-dentaire ?

 

La santé bucco-dentaire peut s’entendre comme l’état d’une personne caractérisé par l’absence de douleur buccale ou faciale, de cancer buccal ou pharyngé, d’infection ou de lésion buccale, de parodontopathies (affections touchant les gencives), de déchaussement et perte de dents, et d’autres maladies ou troubles qui limitent la capacité de mordre, mâcher, sourire et parler. La santé bucco-dentaire ne se limite pas à un joli sourire ; elle est essentielle pour l’état de santé général et donc pour la qualité de la vie et le bien-être psychosocial, avec un impact sur les fonctions dans notre vie quotidienne comme parler, sourire, rire, embrasser, goûter, boire, mâcher, avaler, etc.

 

Quelles sont les fonctions (rôle) de la dent ?

 

Les dents sont des organes assez spéciaux, présents dans la cavité buccale et implantés dans la mâchoire, très durs du fait de l’émail qui recouvre leurs parties visibles en bouche (les couronnes). Chez l’être humain, les dents remplissent de multiples fonctions :

– Des fonctions de nutrition à travers la mastication des aliments. Les dents facilitent ainsi la digestion par leur action sur les aliments dans la bouche. Ainsi, les incisives découpent, les canines déchirent (déchiquètent), les prémolaires et les molaires écrasent, broient les aliments avant leur déglutition. Par conséquent, quand on manque de certaines dents, d’un certain nombre de dents ou quand on est totalement édenté, il est difficile, voire impossible de consommer certains aliments.

– Des fonctions de communication à travers la parole et la phonation (prononciation des sons et des mots). En effet, ce sont les dents qui s’associent aux joues pour donner la forme appropriée à la cavité buccale et à la langue pour la production des différents sons et la prononciation des mots. On comprend donc que l’absence de certaines dents ou de la totalité des dents rende difficile la production de certains sons.

– Des fonctions d’esthétique et d’harmonie  du visage. Les dents servent de support aux parties molles de la face que sont les lèvres et les joues pour donner une harmonie et une relative beauté du visage de chaque individu. Ainsi,  l’apparence physique de la face de chaque individu, l’éclat du sourire ou du rire sont influencés par l’état de la denture qui peut par ailleurs influencer la perception de soi et l’image de soi.

– Des fonctions sociales. Dans les relations interpersonnelles et les interactions sociales, les expressions faciales sont importantes et les dents contribuent à exprimer toutes sortes d’émotions.

 

Les maladies des gencives qui peuvent entraîner une perte des dents touchent 15 à 20% des quadragénaires

 

Quelles sont les maladies bucco-dentaires les plus fréquentes au Burkina Faso?

 

Les maladies bucco-dentaires les plus fréquentes dans le monde en général, et au Burkina Faso en particulier, sont les caries dentaires et les maladies des gencives appelées parodontopathies. Elles affectent environ 3,9 milliards de personnes dans le monde et la carie dentaire concerne près de la moitié de la population mondiale (44 %), ce qui en fait l’une des maladies ayant la plus forte prévalence. Entre 60 à 90% des enfants scolarisés souffrent de carie dentaire, souvent accompagnée de douleurs et d’inconfort. Les maladies des gencives qui peuvent entraîner une perte des dents touchent 15 à 20% des quadragénaires (personnes âgées de 35 à 44 ans).

En dehors des caries dentaires et des parodontopathies, d’autres affections font l’objet de priorité pour des actions de lutte dans les pays de la région Ouest-africaine de l’OMS. Ce sont :

– les cancers de la bouche et de la gorge ;

– le noma ;

– les manifestations buccales de l’infection à VIH et du Sida ;

– les traumatismes maxillo-faciaux dus à des accidents et à la violence ;

– les fentes labiales,  palatines ou labio-palatines.

Près d’un quart (23,8%) des enquêtés avait eu, au cours des 12 derniers mois, une douleur ou un inconfort des dents ou de la bouche (27,6% des femmes et 19,4% des hommes).

 

Quelles sont les conséquences des maladies bucco-dentaires ?

 

Les maladies bucco-dentaires ont des conséquences sanitaires, économiques et sociales :

Au plan sanitaire, les maladies bucco-dentaires, notamment les caries, s’accompagnent de douleurs importantes et d’une forte anxiété, de difficultés à manger et à dormir, avec le risque d’une qualité de vie amoindrie. Les maladies bucco-dentaires peuvent se compliquer et atteindre des organes de voisinage ou à distance. Par ailleurs, les structures et les spécialistes pour les soins bucco-dentaires ne sont pas accessibles partout dans notre pays. Les cabinets dentaires, les chirurgiens-dentistes et les attachés de santé en chirurgie dentaire sont concentrés à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, et dans une certaine mesure, dans les centres hospitaliers régionaux. Le principal motif de consultation demeure la « douleur ou problème avec des dents, gencives, bouche » dans 78,5% des cas.

Au plan économique, la prise en charge des maladies bucco-dentaires est très coûteuse et peut entraîner une diminution des revenus dans les pays en développement comme le Burkina Faso.

Au plan social,  les maladies bucco-dentaires peuvent se répercuter sur tous les aspects de la vie ; qu’il s’agisse des relations avec les autres ou de la capacité à interagir avec les autres, de la confiance en soi, du travail scolaire, des activités professionnelles. Elles peuvent entraîner un isolement social.

 

Quelle sont les causes de ces maladies ?

 

Les maladies bucco-dentaires sont, pour l’essentiel, dues au manque d’hygiène orale qui favorise l’accumulation de la plaque dentaire et des dépôts tartriques.

La plaque dentaire ou plaque bactérienne est un dépôt blanchâtre qui se forme naturellement à la surface des dents et entre les espaces dentaires. C’est une fine pellicule essentiellement constituée de protéines salivaires, de résidus d’aliments,  de microbes (des bactéries et leurs toxines) qui peut être facilement éliminée par un bon brossage. Le tartre est la calcification de la plaque bactérienne qui durcit et adhère aux dents ; le brossage ne peut pas l’éliminer.

On notera cependant, que d’autres causes ou facteurs favorisant peuvent entraîner des maladies bucco-dentaires. Ce sont :

– Les anomalies morphologiques (forme des dents) qui entraînent un mauvais alignement des dents;

– Les traumatismes dentaires et/ou maxillo-faciaux  dus aux accidents de la circulation, aux  rixes, autres violences ;

– Les troubles hormonaux, notamment au cours de la grossesse ;

– Les troubles  psychologiques et en particulier la bruxomanie ou le bruxisme (grincement des dents) pouvant entraîner l’usure de l’émail des dents.

 

Que préconisez-vous à la population pour prévenir (éviter) les maladies bucco-dentaires et avoir une bonne santé orale ?

 

Les maladies bucco-dentaires font partie des rares maladies pour lesquelles la prévention est efficace, essentielle et impérative. Les mesures préconisées pour éviter les maladies bucco-dentaires et avoir une santé orale optimale sont relativement simples, accessibles, acceptables et peu coûteuses, mais elles requièrent des efforts individuels et personnels pour leurs mises en œuvre. Il s’agit des quatre points suivants qui sont complémentaires :

– Le contrôle de l’alimentation, notamment la réduction de la consommation de certains produits alimentaires sucrés, surtout la nuit, ;

– le maintien d’une bonne hygiène orale à travers le brossage correct et régulier des dents ;

– l’utilisation de pâtes dentifrices contenant du fluor et ;

– la visite régulière chez le dentiste, même sans problème bucco-dentaire apparent.

 

A ce propos, pensez-vous que les Burkinabè prennent au sérieux la santé de leurs dents ?

 

Pour apprécier l’intérêt que les Burkinabè portent à leur santé bucco-dentaire, je vais me référer aux résultats de l’enquête STEPS réalisée dans notre pays en 2013, et qui fait ressortir que près d’un quart des adultes (23,8%) avaient déclaré souffrir d’inconfort ou de douleurs dentaires au cours des 12 mois précédant l’enquête, mais seulement 4,4% avaient consulté un dentiste ou un agent de santé qui soigne les dents. On notait également que 83,5% de la population n’avait jamais eu recours à des soins dentaires, avec une prédominance de la tranche d’âge de 25 à 34 ans (88,5%). Il a été relevé également que seulement 3 personnes sur 10 (31,5%) disaient se brosser les dents au moins deux fois par jour.

Par ailleurs, il persiste au sein de nos populations, parfois sans distinction de niveau d’instruction ou de rang social, des idées reçues, malheureusement fausses, qui limitent le recours aux soins dentaires et l’adoption de bonnes habitudes en santé orale. C’est, entre autres, le fait de penser que les mesures d’hygiène bucco-dentaire relèvent du luxe, que le dentiste fait « forcément » mal, que la carie dentaire est une fatalité (hérédité), que les dents de lait (les dents chez les enfants) n’ont pas besoin d’être soignées parce qu’elles tomberont et d’autres pousseront, que l’extraction est la seule alternative pour une dent cariée, qu’il existe dans la bouche de chaque individu une dent qui ne doit jamais être extraite, etc.

 

La mauvaise haleine a de profondes incidences sociales

 

Qu’en est-il pour la mauvaise haleine ?

 

La mauvaise haleine encore appelée halitose est une odeur désagréable émanant de la bouche. L’exhalaison malodorante est le produit de l’activité des bactéries (quelques 300 espèces de bactéries sont présentes dans la cavité buccale) qui dégradent dans notre bouche des résidus alimentaires et entraînent l’apparition de composés organiques volatiles malodorants. C’est un sérieux problème, très répandu et qui touche un pourcentage élevé d’adultes ; près d’un tiers de la population mondiale souffre d’halitose chronique et 74% des personnes atteintes la considèrent comme un problème. La mauvaise haleine a de profondes incidences sociales et/ou psychologiques pour celui qui en souffre et peut constituer un handicap dans les relations sociales.

 Il faut faire la nuance entre la mauvaise haleine du matin au réveil, qui est une halitose physiologique de nature transitoire et résulte de la diminution du flux salivaire durant la nuit, et l’halitose pathologique qui peut avoir une cause intra-buccale (dans la cavité buccale) ou extra-buccale (hors de la bouche). D’autres facteurs liés au mode de vie peuvent également jouer, notamment le tabagisme, la consommation de boissons alcoolisées ou d’aliments aromatiques (tels que l’ail, l’oignon, le chou, le soumbala’’…), la prise de médicaments, le jeûne.

Enfin, certains troubles psychologiques peuvent être la cause d’une mauvaise haleine imaginaire ; le patient se plaint d’une mauvaise haleine qu’il est seul à percevoir. Il s’agit de pseudo-halitoses ou halitophobies, situations où aucune mauvaise haleine n’est objectivement détectable.

Parlant de causes, il faut noter que dans 90% des cas, l’origine de la mauvaise haleine pathologique doit être recherchée dans la cavité buccale où on retrouve très souvent les signes d’une mauvaise hygiène orale, des dents cariées non traitées, du tartre, une infection ou une inflammation de la gencive et, plus rarement, des infections chroniques des amygdales. Quand la mauvaise haleine est d’origine extra-buccale, la cause peut se situer dans la sphère ORL, au niveau gastrique ou être liée à certaines maladies générales (diabète, insuffisance rénale, abcès du poumon).

 

Comment faire pour avoir une bonne haleine ?

 

La prévention de l’halitose et la préservation d’une bonne haleine passent par une bonne hygiène bucco-dentaire et des visites régulières chez le dentiste (au moins une fois par an). En cas de mauvaise haleine, le traitement va dépendre de son origine.

Il est possible de remédier assez facilement à l’halitose physiologique par une modification des boissons et aliments  consommés, un bon brossage des dents avec nettoyage de la langue et l’utilisation de bains de bouche. En cas d’halitose pathologique, si la cause s’avère orale, il s’agira d’abord d’améliorer l’hygiène orale à travers un détartrage, traiter les caries dentaires et/ou les infections parodontales. Les bains de bouche et le  dentifrice sont secondaires, n’ayant en général qu’un effet de courte durée. Si l’origine n’est pas orale, la discipline concernée par la maladie impliquée prendra en charge le traitement. Des conseils diététiques seront parfois utiles.

 

Combien de fois doit-on se brosser dans la journée et à quelle fréquence ?

 

Les dents doivent être entretenues et nettoyées quotidiennement, dès leur apparition en bouche et pour toute la vie.

– Ainsi, dès 6 mois (poussée des premières dents de lait), les parents doivent utiliser une compresse ou linge propre avec de l’eau potable pour nettoyer la bouche de l’enfant deux fois par jour et surtout après les prises de médicaments, notamment les sirops qui sont sucrés ;

– A partir de 18 mois, les parents doivent susciter des habitudes chez l’enfant en se brossant en sa présence et en nettoyant ses dents avec une brosse adaptée à sa bouche. Il ne faut pas utiliser de dentifrice au risque de voir l’enfant l’avaler ;

– A partir de 3 ans, il faut  laisser l’enfant se brosser d’abord tout seul et l’aider ensuite pour parfaire et achever le brossage en utilisant un dentifrice et une brosse adaptés ;

– A partir de 6 ans, l’enfant se brosse de la même manière que l’adulte, avec le même type de dentifrice.

Le brossage des dents doit être fait idéalement après chaque repas et quand on a consommé des aliments sucrés mous et collants.  En tout état de cause, pour  garder une bonne hygiène, il faut impérativement brosser les dents deux fois par jour, le matin après le petit déjeuner et la nuit avant de dormir. Dans le cadre de l’enquête nationale STEPs de 2013, on a rapporté que 82% de la population déclaraient se nettoyer les dents au moins une fois par jour, 31,5%  disaient le faire au moins deux fois par jour, alors que 18%  avouaient ne pas se nettoyer les dents.

 

Ignorée par certains, négligée par d’autres, l’hygiène bucco-dentaire est très importante

 

Quelles sont les pâtes dentifrices recommandées pour le brossage des dents ?

 

Le choix d’un dentifrice devrait être guidé par les critères suivants :

– Pour un individu qui n’a pas de problème bucco-dentaire particulier et veut une pâte pour l’hygiène quotidienne et la prévention des caries dentaires, il est recommandé pour l’adulte et l’enfant de 6 ans et plus, l’utilisation d’un dentifrice fluoré dont le dosage en fluor est de 1 000 à 1 500 ppm ou 0,8  à 1%. Chez les enfants de  3 à 6 ans, il faut toujours un dentifrice fluoré mais moins fortement dosé (entre 500 et 600 ppm de fluor).

– En cas de maladie des gencives ou lorsqu’une personne a une prédisposition particulière à la carie, elle doit consulter un dentiste qui, après examen, lui prescrira un dentifrice et les soins adaptés. Par ailleurs, pour le choix d’une brosse à dent, en dehors d’une prescription spécifique faite par votre dentiste, il faut utiliser une brosse à dent à petite tête et à poils moyennement souples (avec la mention MEDIUM).

 

Autre chose à ajouter ?

 

La santé bucco-dentaire est essentielle pour le maintien de l’état de santé général et du bien-être. C’est pourquoi chaque année, le 20 mars, la communauté internationale célèbre la Journée mondiale de la santé bucco-dentaire. C’est ainsi que le thème de cette année 2017, « Dirige ta vie. Dessine ta bouche», constitue une invite pour chaque individu à prendre le contrôle de sa santé bucco-dentaire tout au long de sa vie, afin de pouvoir profiter d’une bouche saine et fonctionnelle, de l’enfance à un âge avancé. L’idée est qu’en prenant des décisions intelligentes (comme adopter de bonnes habitudes d’hygiène bucco-dentaire), en évitant les facteurs de risques, et en procédant à des examens bucco-dentaires réguliers, nous pouvons efficacement prévenir les maladies bucco-dentaires.

 La santé orale fait partie intégrante de la santé générale et l’hygiène corporelle devrait impérativement prendre en compte l’hygiène bucco-dentaire, en particulier chez les enfants dès leur bas âge. Ignorée par certains, négligée par d’autres, l’hygiène bucco-dentaire est très importante et l’absence d’hygiène orale ou sa mauvaise qualité peut être source de beaucoup de maladies. En tout état de cause, lorsque la bouche et les dents sont quotidiennement bien entretenues, l’état de santé général et la qualité de vie s’en trouvent améliorés. Veillez, veillons à toujours garder une bouche saine pour « croquer la vie à belles dents » !

 

Propos recueillis par Valérie TIANHOUN

 

 


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