HomeA la uneSCRUTINS AU BENIN, NIGER, CONGO ET SENEGAL : Ombres et lumières d’une journée électorale  

SCRUTINS AU BENIN, NIGER, CONGO ET SENEGAL : Ombres et lumières d’une journée électorale  


 

Une série de scrutins a été organisée hier dimanche dans 4 pays du continent, dont 3 présidentiels au Bénin, au Niger et au Congo, et un référendaire au Sénégal pour demander aux Sénégalais de se prononcer sur les réformes constitutionnelles proposées par leur président de la République. Tous ces scrutins se sont déroulés dans le calme ou plutôt sans heurts majeurs, alors qu’on craignait des débordements et des déchainements de violence au Niger et au Congo où la césure entre le pouvoir et l’opposition a pris des dimensions inquiétantes pendant les derniers jours de campagne.

Au Bénin, un scrutin historique de très belle facture démocratique

La palme de la sérénité et de l’engouement des électeurs devant les bureaux de vote revient au Bénin où il y avait une affiche pour le moins alléchante entre le candidat dit de la continuité, Lionel Zinsou pour ne pas le nommer, et celui de la rupture, Patrice Talon en l’occurrence. Ce derby électoral inédit dans l’histoire politique du Bénin a d’autant plus soulevé les passions que le suspense est à couper le souffle, les deux candidats étant tous à leur première tentative et étant arrivés quasiment au coude à coude lors du premier tour. Au lendemain de ce scrutin historique et de très belle facture démocratique, il est impossible de dire qui de Zinsou ou de Talon succédera à Thomas Yayi Boni au palais de la Marina. Ce dont on est sûr en revanche, c’est l’adieu de Yayi Boni à la présidence de la République, au terme de ses deux mandats, conformément à la clause limitative des mandats présidentiels figurant en bonne place dans la Constitution béninoise. C’est le lieu de saluer la sage décision du président Yayi Boni de ne pas prendre des libertés avec la loi fondamentale de son pays afin de se rendre prétendument indispensable, alors qu’ils sont nombreux ses pairs d’autres pays africains qui ont procédé à une « chirurgie esthétique » de leur Constitutions pour les conformer à leur goût immodéré du pouvoir à vie. Sur tous les plans donc, le Bénin aura administré une magistrale leçon de démocratie au reste du continent, et les citoyens béninois rencontrés hier à la sortie des urnes, avaient raison de s’enorgueillir, malgré les petits couacs enregistrés dans la distribution des cartes d’électeurs.

Au Niger, s’agit-il d’un appel du pied à l’armée pour prendre le pouvoir ?

Si les Béninois ont une manière singulière d’écrire leur histoire démocratique, leurs voisins Nigériens ont eux aussi étonné plus d’un, avec le second tour de la présidentielle où le seul enjeu était le taux de participation qui, il faut bien le dire, ne devrait pas être élevé au regard des rangs clairsemés observés devant les bureaux de vote. Quoi qu’il en soit, le président sortant Mahamoudou Issoufou a déjà remporté le scrutin sur tapis vert, son challenger Hama Amadou n’ayant pas battu campagne, préoccupé qu’il est par son sort de prisonnier à Filingué et de malade dans un hôpital parisien. Quant à ses compagnons d’infortune du premier tour, ils ont appelé leurs militants à aller à la pêche et ont prévenu qu’ils ne reconnaîtraient pas les résultats du scrutin. L’opposition a en outre proposé la mise en place d’un gouvernement de transition qui sera chargé d’organiser des élections plus libres et transparentes. La question qu’on pourrait se poser est de savoir s’il s’agit d’un appel du pied à l’armée pour prendre le pouvoir, ou si l’opposition est simplement en train de donner des signes de vie après la bérézina du premier tour, pour espérer glaner quelques portefeuilles ministériels dans un éventuel gouvernement d’union nationale. Peut-être qu’il y a un peu de tout ça, mais dans le contexte explosif actuel du Niger avec des menaces terroristes à toutes ses frontières, c’est plus d’une union sacrée dont le pays a besoin que de querelles picrocholines ourdies par des leaders politiques en fin de carrière, du moins pour la plupart d’entre eux.

Au Congo-Brazza, c’est une catastrophe pour les libertés individuelles et la démocratie

Si le scrutin présidentiel au Niger peut être qualifié de clair-obscur en raison du boycott prôné par l’opposition, celui organisé hier au Congo-Brazzaville est carrément une catastrophe sur le plan de la démocratie et des libertés individuelles, l’homme providentiel qui dirige le pays n’ayant aucune intention de faire de la place à l’opposition, surtout pas dans l’immense palais présidentiel dont il arpente les couloirs depuis une trentaine d’années. Cette pseudo élection aura été la véritable ombre au tableau de cette journée électorale de dimanche où la seule inconnue n’est ni le vainqueur, ni le taux de participation qui sera gonflé pour les besoins de la cause, mais plutôt, disions-nous, le nombre de suffrages qui consacrera Denis Sassou Nguesso Roi du Congo-Brazzaville. Au regard du tollé soulevé par l’opposition, qui a valu au Congo d’être coupé du monde pour 48h, peut-être qu’on nous sortira un score plutôt modeste, de l’ordre de 60 à 70% des suffrages exprimés pour le président sortant.

Au Sénégal, chaque camp est assuré de l’emporter sur l’autre

S’il n’y a pas de suspense dans les résultats attendus de l’élection congolaise, c’est loin d’être le cas pour le scrutin référendaire organisé dans la même journée d’hier au Sénégal pour départager ceux qui sont pour et ceux qui sont contre  la réforme constitutionnelle en 15 points voulue par Macky Sall. La question du mandat présidentiel, que le président sénégalais a souhaité ramener à 5 ans (mais seulement après la fin de son mandat en cours en 2019) au lieu de 7 ans comme c’est le cas actuellement, a tellement focalisé l’attention au Sénégal, qu’on en oublie parfois les 14 autres points. Le scrutin qui s’est déroulé globalement dans le calme n’a pas drainé beaucoup de monde dans les bureaux de vote, certainement à cause de l’appel de certaines personnalités et de leaders d’opinion très influents à voter « non ». Là aussi, comme au Bénin, c’est un scrutin à l’issue incertaine auquel on a assisté, chaque camp étant sûr de l’emporter sur l’autre. Les élections d’hier résument bien la situation et le niveau de démocratie dans les régions occidentale et centrale du continent : des éclaircies et même des lumières dans beaucoup de pays de l’Afrique de l’ouest dont le Bénin, le Sénégal et dans une moindre mesure le Niger ; des ombres et même des ténèbres dans presque tous les pays de l’Afrique centrale, à l’image du Congo-Brazzaville, comme il nous en a encore donné la preuve, à l’occasion du scrutin d’hier.

Hamadou GADIAGA


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