HomeA la uneSESSION PARLEMENTAIRE SUR LES RECOMMANDATIONS DU DIALOGUE NATIONAL AU SENEGAL : Ousmane Sonko, le grand perdant ?

SESSION PARLEMENTAIRE SUR LES RECOMMANDATIONS DU DIALOGUE NATIONAL AU SENEGAL : Ousmane Sonko, le grand perdant ?


Depuis le 17 juillet dernier, les députés sénégalais sont en session extraordinaire pour examiner des projets de lois entrant dans le cadre des recommandations du Dialogue national organisé par le chef de l’Etat. Des projets de lois qui auront pour conséquences la modification de la Constitution et du Code électoral avec, entre autres, pour effets, l’allègement des modalités de parrainages et la levée de l’inéligibilité des citoyens condamnés en Justice, en cas de mesures de grâce sous réserve de l’écoulement du délai de la peine. Une mesure qui devrait profiter à des opposants comme Karim Wade et Khalifa Sall, qui retrouveraient ainsi leur éligibilité en raison de la grâce présidentielle à eux accordée par le président Macky Sall. Et ce, après leurs condamnations, respectivement en 2015 et en 2018, à six ans de prison ferme pour enrichissement illicite pour l’ancien « ministre du Ciel et la terre » de Wade père, et cinq ans de prison ferme pour détournement de fonds publics pour l’ancien maire de Dakar.

 

Le risque d’un isolement de plus en plus prononcé est grand pour le leader du PASTEF

 

Quant à Ousmane Sonko, récemment condamné à deux ans de prison ferme dans l’affaire Adji Sarr, tout porte à croire qu’en cas d’adoption du projet de loi en cours d’examen, le délai de sa condamnation sera rédhibitoire à son éligibilité, même en cas de grâce présidentielle. De là à se demander si le leader du PASTEF n’est pas finalement le grand perdant d’un dialogue national qu’il aura boycotté, il y a un pas que l’on est tenté de franchir. Car, au-delà des recommandations du dialogue national qui semblent taillées à la mesure des participants et qui, dans le cas d’espèce, bénéficient largement à Karim Wade et à Khalifa Sall, le risque d’un isolement de plus en plus prononcé est grand pour le leader du PASTEF qui pourrait voir les rangs de ses soutiens se dégarnir de tous ceux qui étaient engagés contre un troisième mandat de Macky Sall. Et Dieu seul sait si l’argument faisait recette. Mais maintenant que le chef de l’Etat a clairement fait le choix du renoncement au mandat querellé, le maire de Ziguinchor n’est pas loin de se retrouver groggy d’une stratégie de lutte qui aura montré ses limites alors qu’elle était censée le porter au sommet de la présidentielle à l’horizon 2024, si ce n’est à court d’arguments pour continuer à ruer dans les brancards. Et c’est Macky Sall qui peut, à présent, se frotter les mains. Car, il aura triomphé de celui qui se voulait son plus farouche adversaire politique de l’heure sur bien des plans. Non seulement en termes d’image, parce qu’il sera monté dans l’estime des démocrates du continent par sa décision de renoncement qui coupe du même coup l’herbe sous les pieds de son opposant qui l’accusait d’instrumentaliser la Justice à l’effet de s’ouvrir un boulevard pour un mandat « indu ».

 

Avec le retrait de Macky Sall de la course à sa propre succession, les jeux sont à présent ouverts

 

Mais aussi parce qu’il reste encore largement le maître du jeu au Sénégal, y compris avec le pouvoir de décider du sort de Ousmane Sonko si l’éligibilité de ce dernier à la prochaine présidentielle, devait passer par une décision exceptionnelle comme une grâce ou une amnistie présidentielle. En attendant, même si les carottes semblent cuites pour lui, Ousmane Sonko est loin d’avoir rendu les armes encore moins d’avoir dit son dernier mot. Mieux, il n’est pas loin d’être ragaillardi par la confiance renouvelée de son parti qui l’a désigné, en fin de semaine dernière, comme son porte-étendard à la prochaine présidentielle, même si la cérémonie d’investiture n’a pu se tenir pour cause d’interdiction par l’autorité. Mais pendant que le leader du PASTEF continue de broyer du noir, l’horizon semble se dégager pour Karim Wade et Khalifa Sall qui pourraient, à nouveau, réaffirmer leurs ambitions présidentielles jadis contrariées par des condamnations judiciaires, si le projet de loi relatif à leur éligibilité venait à être adopté.  Comme quoi, les voies de la politique sont parfois insondables sous nos tropiques. Mais une telle réhabilitation de ces deux personnalités politiques  qui se voulaient autant de sérieux challengers de Macky Sall dans les urnes, au moment où ils ne peuvent plus être des sujets d’inquiétudes pour le chef de l’Etat, n’est pas sans susciter des questions. Car, au regard des motifs de leurs condamnations respectives, on peut se demander si après avoir bénéficié de la magnanimité de Macky Sall au détour d’un dialogue politique pour éventuellement se remettre dans le jeu électoral, Karim Wade et Khalifa Sall auront changé intrinsèquement pour prétendre dignement à la magistrature suprême. Ou bien faut-il voir dans cette forme de retour en grâce, plusieurs années après leur éviction, dans les conditions que l’on sait et pour les raisons que l’on sait, un fond de vérité de la cabale politique qu’ils avaient toujours dénoncée ? En tout état de cause, avec le retrait de Macky Sall de la course à sa propre succession, les jeux sont à présent ouverts. Et au-delà de tous les prétendants, le Sénégal aura besoin d’un homme nouveau, au sens plénier du terme, qui incarne les valeurs éthiques et morales du dirigeant moderne. A Karim Wade et à Khalifa Sall de prouver qu’ils sont aussi de la race des dirigeants vertueux que les Sénégalais en particulier et les Africains en général, appellent de tous leurs vœux, si l’un ou l’autre venait à bénéficier de la confiance de leurs compatriotes dans les urnes, au soir de la présidentielle du 25 février 2024.

 

 « Le Pays » 


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