HomeRencontreSHERIFF SY, président du CNT : « A la place d’un CES, je verrais plutôt un Haut conseil de sages »

SHERIFF SY, président du CNT : « A la place d’un CES, je verrais plutôt un Haut conseil de sages »


Shériff Sy est un journaliste engagé, directeur de publication de l’hebdomadaire « Bendré », président de la Société des éditeurs de la presse privée (SEP) au Burkina Faso et du forum des éditeurs africains. Porté à la tête du Conseil national de transition (CNT) après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, il est resté droit dans ses bottes. Dans l’interview qu’il nous accordée le 20 mai 2015, le président du CNT s’est prononcé sans détours sur le processus de transition et la vie de l’institution qu’il dirige. Il a également donné son point de vue sur des questions telles que l’opportunité d’un passage à une 5e République, la suspension des émissions interactives par le Conseil supérieur de la communication, etc.

 

« Le Pays » : Cela fait quelque 6 mois que vous êtes président du Conseil national de la transition (CNT) ; comment vous sentez-vous ?

 

Cheriff Sy : Je me sens normal, comme tout être qui l’est, à qui on a confié une mission et qui s’évertue à la remplir normalement. Ce n’est pas plus que cela. C’est une mission très importante, fondée sur la reconnaissance du peuple insurgé du Burkina Faso à certains de ses fils dont moi. Au CNT, nous sommes 90 conseillers et l’honneur m’a été fait d’être désigné pour diriger cette institution. Il y a certes des adversités, mais au-delà de tout cela, ce qui nous semble le plus important, c’est de travailler pour qu’au terme de la mission, le peuple soit satisfait du travail qu’on aura abattu. Pour le moment, la préoccupation ce n’est pas nous, c’est plutôt de travailler sur un certain nombre de textes législatifs qui vont impacter positivement la vie du pays et des populations.

 

Avez-vous eu des appréhensions au début, par rapport à l’exercice de vos fonctions ?

 

Non. Mais vous vous imaginez bien que lorsqu’on vous confie une telle fonction, que vous le vouliez ou non, vous êtes obligé de penser que c’est une lourde charge et de vous poser la question de savoir si vous pourrez l’assumer de sorte à satisfaire ceux qui vous l’ont confiée. Mais vous n’avez pas le temps d’y apporter des réponses, parce que celles-ci se traduisent dans le travail que vous faites au quotidien.

 

« Quiconque remet en cause la durée de la transition, remet en cause la Charte de la transition elle-même »

 

L’idée que vous vous faisiez de votre fonction au début, est-elle en phase avec la réalité du terrain ?

 

Je ne me faisais pas une idée, je n’en avais même pas. Je n’ai pas engagé un processus où je me préparais à cette charge. Il n’y a donc pas d’idée que je me faisais, je me suis retrouvé, comme bien d’autres personnes au lendemain de l’insurrection populaire, appelé à assumer des charges. Il n’y a pas d’idée que je me suis construite en me disant, par exemple, que si j’étais président de l’Assemblée nationale, directeur ou président d’une institution, je ferais ceci ou cela. A un moment donné de l’évolution de l’histoire de mon pays, celui-ci a eu besoin d’un certain nombre de ses fils et je me retrouve là, président du CNT

 

Le CNT est composé de personnes de provenances diverses. La compréhension des problèmes nationaux et des différents défis est-elle évidente pour tous ?

 

Je ne sais pas si c’est parce qu’ils proviennent de milieux sociaux différents qu’ils n’auraient pas la même compréhension des problèmes. Nous sommes tous issus de milieux socio-professionnels différents et je pense que c’est le plus important, car c’est cela même qui fait la richesse du CNT. La diversité que nous composons représente celle de notre peuple. Mais, chacun a comme boussole le peuple, car c’est de lui que nous sommes issus. Quelles que soit nos visions, nos sensibilités, nos approches, celles-ci, mises ensemble, doivent tendre vers la satisfaction des intérêts supérieurs de notre pays. C’est donc une diversité très constructive, à mon sens.

 

Etes-vous satisfait du taux de présence effective des députés lors des travaux ?

 

Pour ce que je sais, ils sont tous présents lors des travaux. Il n’y a donc pas de problème à ce niveau. Il n’y a pas un taux de satisfaction, ils doivent être là. Nous sommes en session unique qui court sur 10 mois, donc nous sommes tous censés être là et nous le sommes. Ceux qui ne sont pas présents sont en mission, dans des parlements d’autres pays.

 

Le président du Faso a réaffirmé, lors de son enrôlement, que la date du 11 octobre serait bel et bien celle de l’élection présidentielle. Qu’en dites-vous ?

 

Les dates ont été arrêtées depuis fort longtemps, il a été décidé que les élections présidentielles et législatives se tiendront le 11 octobre et ce sera le cas. Les élections municipales, quant à elles, se tiendront le 31 janvier 2016, et elles auront lieu à bonne date. Je ne pense également pas qu’il y aura un tremblement de terre le 11 octobre prochain, donc je ne vois véritablement pas pourquoi, on douterait de la tenue des élections à bonne date.

 

Etes-vous d’avis avec certains partis politiques qui demandent la prolongation de la période transitionnelle ?

 

C’est comme si vous me demandiez si j’étais contre la Charte de la transition. Cette charte qui est la feuille de route de la transition ; définit clairement quand est-ce que le processus prend fin. Quiconque remet en cause la durée de la transition, remet en cause la Charte de la transition elle-même ! Je ne suis pas de ceux-là, sinon je ne serais pas à mon poste car ma fonction repose sur cette Charte. Il faut donc faire attention à ce genre de propos qui participent, en réalité, d’un processus de déstabilisation de la transition. Aucunement, les acteurs du processus de transition n’ont l’intention d’outrepasser les termes définis dans la Charte de la transition et les dates des élections. Tout propos contraire s’inscrit dans un processus de déstabilisation de la transition. Somme toute, c’est normal que ceux qui, durant 27 ans, ont fait la pluie et le beau temps dans ce pays, tiennent ce genre de langage. Cela ne nous étonne guère. Mais à leur différence, ceux qui sont sortis les 30 et 31 octobre 2014, ceux qui dirigent la transition, sont des hommes d’honneur qui savent respecter leur parole, et ils le feront.

 

Avez-vous le sentiment que des mains invisibles cherchent à déstabiliser la transition ?

 

N’en avoir pas conscience, c’est être tout simplement un être rêveur. C’est normal que certains travaillent à déstabiliser la transition. Vous avez affaire à un régime qui a duré pendant 27 ans, qui s’est incrusté jusque dans les pores de certaines personnes. Pensez-vous qu’il soit possible de les balayer en 48 heures, de régler l’affaire en 5 jours et croire que c’est fini ? Que ces derniers vont vous regarder les bras croisés, et vous applaudir? Je ne le pense pas. Ce n’est pas surprenant qu’ils nous combattent et cela se fera avec des étapes ; ils iront de façon graduelle. Ne pas savoir cela, c’est ne pas avoir la capacité d’anticiper, de diriger. Tous les acteurs de la transition doivent s’attendre à cela. C’est la moindre des choses et ça fait partie de la lutte.

 

« Nous sommes emballés par ce que nous faisons, nous travaillons avec passion »

 

Ne les craignez-vous pas ?

 

Si nous les craignions, nous ne serions même pas là. Je vous ai tantôt dit que ça faisait partie de la lutte. C’est lorsque vous n’en avez pas conscience que l’on peut vous surprendre. A partir du moment où vous le savez, vous prenez les dispositions pour vous prémunir contre. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

 

Quelles sont les difficultés auxquelles le CNT fait face ?

 

Le CNT est un organe de la transition. L’histoire des différents peuples nous enseigne que toute transition est fragile, en ce sens que les attentes des populations sont extrêmement fortes, de même que l’adversité. Il est évident que le CNT, en tant qu’institution de la transition, rencontre des difficultés dont la principale est de ne pas pouvoir aller aussi vite qu’il l’aurait souhaité. Il y a des réflexions sur bon nombre de questions de gouvernance qui méritent d’être menées. On voudrait toutes les embrasser ; malheureusement, nous n’en avons pas le temps nécessaire. Il faut donc les sérier de sorte à pouvoir prioriser les questions et travailler sur celles qu’on juge plus importantes. Cela ne signifie pas que les autres ne le sont pas, mais c’est une question de priorités. Parfois, vous sentez une certaine frustration de devoir laisser des questions en marge. Pour moi, c’est l’une des difficultés que l’on rencontre. Sinon, à notre niveau, nous sommes emballés par ce que nous faisons, nous travaillons avec passion. Certes, nous avons connu d’autres difficultés, mais nous n’allons pas revenir là-dessus puisque les choses semblent être rentrées dans l’ordre. Je vous signale que lorsque nous avons commencé, nous n’avions aucun équipement, même pas un ordinateur. Mais ces difficultés ont été vite résolues et je pense que nous sommes suffisamment outillés aujourd’hui pour mener à bien notre mission. En outre, je pense que les difficultés font partie de la tâche. Chaque jour a son lot de problèmes et cela fait partie du travail.

 

Vous avez tantôt parlé de hiérarchisation des problèmes, quelles sont donc les priorités du CNT ?

 

Comme je l’ai dit, nous aurions aimé faire plus, parce que dans ce pays, il y a eu beaucoup de questions de gouvernance qui ont été débattues et qui sont toutes importantes. Je pense que le CNT, tout comme le gouvernement, est obligé de prioriser des questions, la transition ne durant qu’une année. Ça fait mal de savoir, par avance, que vous serez obligés de laisser certains sujets, pourtant très importants, en rade. Mais ce que nous faisons est aussi très important. Nous avons déjà travaillé sur un certain nombre de textes de lois que vous connaissez suffisamment. Je retiendrais notamment les 2 dernières à savoir la loi portant sur le Code électoral et celle sur la lutte contre la corruption. Je pense que celles-ci vont impacter la vie des Burkinabè. Nous avons d’autres lois en perspectives, qui vont passer en plénière et qui seront probablement adoptées dans les jours à venir. Nous avons par exemple, la loi sur le Code minier qui est très importante pour notre pays. C’est une question cruciale, car vous savez comme moi que des populations ont manifesté contre certains sites miniers. C’est un code sur lequel nous avons longtemps travaillé, de sorte à prendre en compte les aspirations de nos populations, de notre pays, et les intérêts des investisseurs. Nous avons aussi en chantier, le texte portant statut des forces armées nationales, et un autre texte portant sur les avancements dans nos forces armées nationales. Nous avons donc un ensemble de textes très importants en chantier.

 

« Vous estimez, de même que nous, qu’on aurait pu aller plus vite, mais voici où nous en sommes et je pense que dès le début du mois de juin, les choses iront peut-être à la vitesse qui vous convient »

 

Depuis la mise en place de la Haute cour de Justice, on ne sent pas bouger les lignes. Qu’est-ce qui coince ?

 

Il faut essayer de voir ce qui est en train d’être fait. Peut-être que vous n’en êtes pas encore informés mais lors de l’installation de cette Haute cour de Justice, il a été suffisamment démontré que celle-ci n’était pas destinée à fonctionner et elle ne l’a jamais fait. Elle avait un budget insignifiant, elle n’avait pas de local, ses textes d’application posaient problème, etc. Il faut donc se féliciter que la transition l’ait mise en place. Et pour le faire, il a fallu réviser la loi portant sur cette institution, une loi qui sera adoptée dans les jours prochains si je ne m’abuse. Il a également fallu trouver un local pour cette cour, et l’équiper. Au niveau matériel, il y a donc eu, pour la première fois dans ce pays, un effort pour que cette cour fonctionne. Dès que cette loi sera adoptée, le CNT procèdera à la mise en accusation d’un certain nombre de gouvernants. Vous estimez, de même que nous, qu’on aurait pu aller plus vite, mais voici où nous en sommes et je pense que dès le début du mois de juin, les choses iront peut-être à la vitesse qui vous convient.

 

Y a-t-il lieu, selon vous, de mettre en place une nouvelle Constitution ?

 

La question posée ainsi paraît compliquée, dans la mesure où il y a un débat sur la question, au plan national, entre les différents acteurs, qu’ils soient de la société civile, des partis politiques ou des universités. Certains universitaires ont même organisé un colloque international sur la question il n’y a pas si longtemps, et ils sont parvenus à la conclusion qu’il faille passer à une nouvelle Constitution.

Pour ma part, je n’ai jamais vu une insurrection populaire, un soulèvement populaire qui remet en cause l’ordre établi et qui n’a pas accouché d’un nouvel ordre constitutionnel. Si nous prenons le cas du Burkina, les gens ont remis en cause la gouvernance, en partant d’un article d’une Constitution ; ce qui a amené le garant de ladite Constitution à fuir. Il n’y a pas de raison que ce dernier ayant pris la fuite en abandonnant « sa Constitution », nous, nous la conservions. Si vous reprenez l’historique de cette Constitution du 2 juin 1991, elle a été élaborée seulement pour un régime présidentialiste fort, mais aussi personnifiée, taillée à la mesure d’un homme. J’ai bien peur qu’en voulant se contenter de la réviser par-ci et par- là, on en arrive à un texte fade, qui ne prenne pas en compte l’aspiration au mieux-être, de notre peuple et à une meilleure gouvernance. Comme vous le savez, il n’y a pas que l’article 37 de la Constitution qui pose problème, il y en a beaucoup d’autres. Je pense qu’objectivement, le débat devrait être posé publiquement, pour qu’on sache exactement ce qu’on fait. Par rapport à cette question, il y a aujourd’hui 2 courants. Certains estiment que nous n’avons pas suffisamment de temps pour modifier cette Constitution, parce qu’il faut la relire, en discuter. Il faut donc évoquer l’idée, mais laisser le soin à ceux qui viendront à la faveur des élections du 11 octobre prochain, de voir dans quelle mesure nous pourrons passer à une autre Constitution. Je pense qu’il faut faire attention à ne pas remettre à plus tard ce qu’on peut faire maintenant.

 

« Il faut avoir le courage de passer à la Ve République »

 

A partir du moment où on reconnaît que cette Constitution n’est pas bonne parce que taillée à la mesure d’un homme, cela signifie que si on installe une autre personne au pouvoir avec cette même Constitution, on a tous les risques et toutes tentations possibles que cette dernière ne change jamais les choses et que du fait des pouvoirs illimités que lui confère cette Constitution, le nouveau venu ressemble fort à la personne que nous avons chassée. En outre, il n’est pas exclu qu’une fois installée, cette personne décide de ne plus parler de Constitution. C’est exactement le cas du président burundais, Pierre Nkurunziza. Ce fut également le cas du président, Abdoulaye Wade du Sénégal. Dès qu’ils se sont installés, ils ont refusé de toucher à la clause limitative des mandats présidentiels. Je suis donc de ceux qui pensent qu’il faut non seulement poser le débat maintenant, mais aussi avoir le courage, à l’issue de ce débat, de passer à la 5e République. Pour moi, ce n’est que ce passage qui va consacrer la rupture. La nouvelle République prenant en compte les aspirations, les idéaux issus des mouvements 30 et 31 octobre 2014, qui sont la conclusion des luttes multiformes et multiples que notre peuple a menées depuis octobre 1987. Il faut donc avoir le courage d’opérer cette rupture pour pouvoir disposer d’une autre loi fondamentale qui définira une autre gouvernance pour notre pays, et encadrera le pouvoir présidentiel, ce qui va donner de véritables moyens de contrepouvoir au parlement et qui va nous permettre d’avoir une Justice vraiment indépendante. Pour me résumer sur ces trois points, il faut limiter le pouvoir présidentiel de sorte à avoir désormais un président qui a des domaines d’actions bien précis et encadrés. Le président est le chef suprême des armées, qu’il s’occupe des armées. Il a les pouvoirs régaliens, qu’il s’occupe de tout ce qui est relations extérieures, affaires étrangères, politique étrangère de notre pays. Il faut que le Premier ministre soit issu ou désigné par le où les partis majoritaires à l’Assemblée nationale (AN). Si ce n’est pas le cas, cela signifie que le Premier ministre exécute les ordres ou la politique du président. Le jour où la majorité à l’AN n’est pas celle ayant porté le président, que fait-on ? L’AN étant, par excellence, l’expression de la souveraineté populaire, il faut donner la capacité de designer le Premier ministre au sein du parti ou de la coalition de partis qui a la majorité en son sein. Il faut, comme nous l’enseigne notre histoire récente, une fois désignés par le Premier ministre, que les membres du gouvernement puissent venir répondre devant l’Assemblée nationale, afin que celle-ci les adoube ; si vous n’avez pas un certain quorum, vous n’êtes pas retenus dans le gouvernement. Ce sont là des aspects simples qui pourraient éventuellement figurer dans une nouvelle Constitution. Mieux, vous avez vu le rôle important que joue la chefferie traditionnelle dans notre pays. Ne serait-il pas temps de pousser la réflexion sur ce sujet et de constitutionnaliser cela en leur offrant un statut qui leur est propre ? Personnellement, je verrais un Haut conseil de sages, constitué de chefs traditionnels à la place d’un Conseil économique et social dont je ne vois vraiment pas l’utilité. Il faut que nous fassions preuve de courage, que nous allions de l’avant afin d’adapter et de traduire nos réalités dans une loi fondamentale dans laquelle nous nous retrouvons tous. C’est une position personnelle, je pense que sur la question du passage à la 5e République, il faut que nous allions de l’avant et que nous en discutions. S’il se dégage un consensus autour de la question, nous verrons comment la mettre en œuvre. L’essentiel pour l’instant est que nous en discutions.

Que pensez-vous de la décision du CSC de suspendre les émissions interactives ? (ndlr : la question a été posée quelques jours avant la suspension de la mesure par le CSC)

 

Votre question me ramène à la Constitution. A mon avis, c’est, entre autres, pour cela qu’il nous faut une nouvelle Constitution. Des institutions telles que le CSC devraient, à mon sens, être des institutions qui garantissent la liberté d’expression, la liberté d’exercice des médias, qui contribuent à la libération de la parole, de l’image, du son, dans la démocratie, tout cela dans le respect d’une certaine réglementation. Le CSC se prévaut aujourd’hui d’un pouvoir qui ne semble pas être, selon moi, le sien. En ce qui concerne particulièrement cette mesure, j’ai pensé que le CSC était de bonne foi en sanctionnant à l’aveuglette toutes les radios qui animent ce type d’émissions. Comme bon nombre de citoyens et d’institutions, j’ai cru que le fait que les uns et les autres ont attiré l’attention du CSC sur la question, il allait rapidement revenir sur sa décision en proposant une autre démarche. La suspension allait être levée. Mais force est de constater que le CSC s’enfonce davantage dans ce que j’estime être un non-droit. Par ailleurs, je ne comprends pas que jusque-là, aucun organe de presse n’ait attaqué cette décision devant les juridictions compétentes, étant entendu que c’est une décision dont l’inégalité est flagrante. Ils ont peut-être leurs raisons.

 

« Il ne faut pas que des gens s’asseyent tranquillement dans leurs bureaux, et se posent comme des censeurs de la démocratie populaire »

 

Cela dit, le CSC restant campé sur sa position, cela suscite en nous des interrogations. Des questions qui fâcheront peut-être, mais je suis obligé de m’en tenir au contexte politique. Je l’ai déjà dit, cette décision est contre- productive pour la transition. La persistance à la maintenir m’oblige à penser qu’elle est volontairement faite maintenant, pour nuire à la transition. Et si c’est le cas, cela signifie que la transition sera obligée de prendre ses responsabilités. Il faut que nous parlions clairement : ceux qui dirigent le CSC ne sont pas issus de la transition. Ils ont été mis en place par l’ancien régime. La transition, en toute bonne foi, dans le respect de la continuité des institutions, ne les a pas remis en cause. Mais si d’aventure, ils veulent se présenter comme étant le bras armé d’une quelconque autre pensée, cela va interpeller fortement beaucoup de gens au Burkina. La parole a été libérée dans ce pays et cela est positif. L’encadrement de cette parole pose problème, nous en sommes conscients. Il y a des dérives, des déviances, nous le constatons tous. Mais travaillons à les réduire, et non à bâillonner cette expression. S’il n’y avait pas eu cette expression, il n’y aurait eu ni insurrection ni transition. Donc, il ne faut pas que des gens s’asseyent tranquillement dans leurs bureaux, et se posent comme des censeurs de la démocratie populaire qui est née aujourd’hui. La persistance du CSC commence d’ailleurs à poser problème avec les promoteurs des organes censurés et les organisations professionnelles de médias. Pour notre part, nous sommes opposés à toute censure et nous estimons que cette décision est inique. Nous souhaitons qu’elle soit au plus vite levée pour ne pas nous obliger à penser que la décision est politique. Lorsque nous estimerons qu’elle l’est, nous prendrons toutes les mesures pour réagir politiquement.

 

La présidente du CSC avait estimé qu’il ne s’agissait que d’une mesure préventive.

 

Que veut-elle prévenir ? Nous ne voyons pas ce qu’elle veut prévenir. Demandez aux populations ce qu’ils pensent de cette mesure.

 

Nous l’avons fait à travers un micro-trottoir et les interviewés étaient en majorité contre.

 

Je ne sais pas pourquoi une poignée d’individus va estimer détenir la vérité contre la majorité du pays. Mais, de toute façon, on verra dans les jours à venir.

 

Disposez-vous d’une caisse noire comme votre prédécesseur ?

 

Je ne sais pas ce que vous appelez caisse noire. Nous avons un budget au CNT, où nulle part, il n’est marqué caisse noire.

 

Nous parlons de fonds dont vous n’êtes pas tenu d’en justifier les dépenses.

 

Pensez-vous que l’argent public puisse être utilisé selon les humeurs de quelqu’un sans qu’il ne rende compte ? Je pense que toute institution a une ligne budgétaire. Ces lignes budgétaires ont plusieurs dénominations. Elles peuvent être destinées à payer du matériel, à faire des investissements, etc. Mais l’utilisation de ces lignes laisse des traces. Maintenant, au niveau des différentes institutions, notamment la Présidence de la République, la Primature et l’Assemblée nationale, vous avez une ligne qui permet à l’ordonnateur du budget d’apporter sa contribution à de multiples activités, de soutenir par exemple des demandes venant d’associations, lorsqu’elles veulent organiser des activités. Vous vous doutez bien que l’ordonnateur du budget n’enlève pas cet argent de sa poche. En tout état de cause, tout cela laisse des traces, des justificatifs. Si c’est cela que vous nommez caisse noire, j’en ai une.

 

La rumeur fait état d’un vol de portable par un député du CNT dans un pays voisin. Cela est-il vrai ?

 

Je ne peux empêcher les réseaux sociaux de dire ce qu’ils veulent. Ce que je peux dire, par contre, c’est qu’un journal de la place a écrit qu’un député du CNT, lors d’une réunion à Abuja au Nigeria, aurait volé un téléphone portable, et qu’il taisait pour l’instant le nom du député en question. Lorsque nous avons appris cela, nous avons immédiatement saisi, par écrit, l’Observatoire burkinabè des médias (OBM) pour nous plaindre et demander que le journal, auteur de l’écrit, puisse nous apporter la preuve de ce qu’il a affirmé. Pour l’instant, nous sommes en attente de la décision de l’Observatoire burkinabè des médias.

 

On vous sait engagé en matière de défense des libertés, notamment de la presse, que comptez-vous faire de plus pour la liberté de presse au Burkina, en tant que président du CNT ?

 

Sans fausse modestie, avec un certain nombre d’acteurs de la presse d’il y a quelques années, nous avons été sur de multiples fronts, en ce qui concerne la défense de la liberté d’expression, la défense de la liberté de la presse. Chaque fois que cette liberté était menacée, nous étions mobilisés. Beaucoup peuvent témoigner. Nous avons également, avec des camarades, travaillé à faire évoluer l’environnement institutionnel et juridique des médias dans ce pays. Il va donc de soi qu’au niveau où je me trouve, je continue à travailler à faire bouger les lignes. Du reste, déjà dans la loi de finances 2015, nous avons fait introduire la défiscalisation de tout ce qui concerne le matériel de presse, ce qui est une grande avancée. Nous avons travaillé, et le ministère était d’avis avec nous, à dégager un budget conséquent pour la mise en place du fonds d’appui à la presse. Un fonds d’appui dont les termes sont repris actuellement par la sous-commission médias, au niveau de la Commission de réconciliation nationale et des reformes (CRNR). Nous sommes donc engagés à ce que dans le budget 2016, ce fonds d’appui puisse voir le jour. Nous avons travaillé aussi avec nombre d’acteurs du domaine médiatique, à l’élaboration d’un certain nombre de textes. Ce sont ces textes qui sont entre les mains de la sous-commission de la CRNR, portant notamment sur la presse écrite, sur l’audiovisuel et sur la publicité. La question de la dépénalisation des délits de presse intéresse aussi le CNT. Nous avons fait beaucoup d’avancées sur ces questions et si cela peut être considéré comme un plus, on continuera à le faire. En outre, nous sommes sur d’autres textes qui vont largement profiter au monde des médias. Nous sommes par exemple sur une loi que nous allons bientôt soumettre au gouvernement. Il s’agit de la loi d’accès aux sources. Cette loi, si elle est adoptée, va permettre à tous les citoyens, quels qu’ils soient, d’avoir accès aux documents publics, administratifs, bien entendu de façon encadrée. Cette loi va compléter la loi contre la corruption, en ce sens que tout citoyen pourra accéder à nombre de documents, à des archives, afin de pouvoir vérifier par lui-même certaines choses, de pouvoir interpeller le gouvernement, etc.

A ma modeste place, je pense que je contribue à faire évoluer le secteur, mais cela, je l’ai toujours fait en compagnie des autres acteurs du secteur médiatique. Il ne faut pas oublier que je viens de ce monde et que c’est lui qui m’a porté au CNT. Je sors d’un cocus qui est celui de la presse.

 

Propos recueillis et retranscrits par Thierry Sami SOU

 

 


Comments
  • Je n’ai pas lu l’interview mais je voudrais simplement dire qu’un homme sans bagage intellectuel ne peut rien apporté à notre démocratie. La démocratie a des règles qu’il faut suivre. Toi ta pensée n’a rien d’innovant car ta capacité de réflexion est très limitée. Tu n’as aucun bon diplôme pour avoir une bonne capacité de réflexion et d’analyse. faut seulement livrer le CNTiste ( pas député) voleur de d’ordinateur portable. Qui s’assemble se ressemble.

    2 juin 2015
    • Si vous n’avez pas lu l’interview, comment pouvez-vous dire des choses sur lui? Vous n’êtes pas crédible!
      On n’a pas besoin d’avoir un bagage intellectuel pour faire avancée un pays! Il faut juste des hommes qui ont des idées, comme Laurent BADO l’a si bien dit! Je le redis: on n’a pas besoin de “bon diplôme” pour “avoir une bonne capacité de réflexion et d’analyse”!

      P.S.: On dit qui se ressemble s’assemble et non “qui s’assemble se ressemble”! Visiblement c’est vous qui n’avez pas un bon bagage intellectuel!!!

      Sans rancune

      2 juin 2015
      • je l’ai écouter plusieurs fois il raisonne comme un homme de la rue sans base ni esprit critique. Ce homme va conduire le pays dans le gouffre. Il n’a même d’idées. Laurent Bado est un intello, faut pas le rabaisser en le comparant à ce vaurien de Sy. Il est en train de vider les caisse du CNT. De toute les façon quand le pays va revenir à l’ordre normal on va lui demander des comptes.

        3 juin 2015
  • si ce sont les sages comme toi qui insulte tes compatriotes de grabataires, ca ne vaut même pas la peine. J’avais beaucoup de respect a tord pour ce monsieur mais j ai compris qu’il insultait les autres parce qu’il ne pouvait pas, mais voulait leur place. Son arrogance n’a d’égal que celle de ceux qu on a chassé. Finis ton CNT et barre toi avec tes propositions. On n en a que foutre.

    2 juin 2015

Leave A Comment