HomeA la uneMODE AFRICAINE AU FESTIVAL DE CANNES  : « Ce n’était pas un hasard si nous y étions », selon Soro Bis, styliste

MODE AFRICAINE AU FESTIVAL DE CANNES  : « Ce n’était pas un hasard si nous y étions », selon Soro Bis, styliste


D’origine burkinabè, il est né à Abidjan en Côte d’Ivoire, d’un père styliste qui habillait des membres du gouvernement d’Houphouët Boigny dans les années 70, 80. Issa Sorogo alias Soro Bis, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est styliste américain d’origine burkinabè. Il   vit depuis 1999 aux Etats-Unis d’Amérique. Il a reçu son premier Prix de meilleur mannequin du Burkina, des mains du Capitaine Thomas Sankara lors de la Semaine nationale de la culture Bobo 1986. Il a défilé avec sa collection Delwendé dans le Pavillon Afrique au dernier festival de Cannes. Ce qui fait de lui le premier Africain d’origine, à présenter la mode africaine à ce festival vieux de plus de 76 ans.  Nous avons pu échanger avec lui, depuis la France, grâce à la magie du numérique. Lisez.

 

Le Pays : Vous avez défilé au festival de Cannes, comment vous sentez-vous ?

 

Soro Bis : Je me sens très bien. C’était un challenge mais en toute chose, il faut qu’on le fasse et moi, je l’ai fait. Je pense que j’ai accompli quelque chose de très grand non seulement pour moi, mais pour toute la mode africaine. C’est une chose à laquelle on n’aurait pas pu penser 4 ans en arrière. Même ceux qui ont créé le pavillon Afrique du Festival de Cannes, ont reconnu qu’ils ne pensaient pas pouvoir mobiliser autant  d’engouement  et de personnes à travers un événement qui fait la promotion de la mode africaine, du textile africain. C’est un sentiment de mission accomplie et de joie.

 

Quel est votre parcours professionnel ?

 

J’ai commencé comme mannequin. Mon père était maitre-tailleur lui-même. J’ai été chorégraphe de mode, muse de styliste avant de devenir styliste moi-même. J’ai été créateur et j’ai aidé pas mal de créateurs à lancer leurs griffes. Je suis né dans la mode. Mon père habillait souvent des membres du gouvernement Félix Houphouët Boigny. Je suis titulaire d’une Maîtrise en Langues et civilisations internationales. De toute ma vie, j’ai évolué dans l’enseignement, (Ouaga, Atlanta, Chicago), dans l’aviation (Air Afrique, Nouvelles Frontières, Corsair, Air France et Delta Air Lines) et la mode en tant que mannequin, muse, chorégraphe de mode et maintenant, designer de mode.

 

Avez-vous été surpris d’avoir été choisi ?

 

Je n’ai pas été surpris.  J’étais plus ou moins préparé.  J’avais des défis à relever. J’ai voulu faire les choses autrement.  C’est-à- dire des choses que personne n’a osé faire et c’est cela qui nous fait vivre en tant que créateur. Ce sont les retombées du bon travail. Sinon, les choses ne se passeraient pas aussi facilement.

 

Combien de personnes ont-elles été mobilisées et comment les choses se sont déroulées ?

 

Nous étions en tout une trentaine à produire le show mannequins, un créateur de mode,  une créatrice de bijoux, une créatrice d’accessoires de mode. Beaucoup de stylistes, à travers le monde, étaient intéressés à participer mais beaucoup  d’entre eux n’avaient pas de visas et nous n’étions pas en mesure de les sponsoriser ou de les aider à obtenir les visas, compte tenu du bref délai dans lequel le festival de Cannes nous a officiellement confirmés. Qu’à cela ne tienne, l’objectif a été atteint. Il faudrait noter que ce jour-là coïncidait également avec la célébration de la Journée mondiale de l’Afrique. En ce jour du 25 mai, nous avons profité   de cette double célébration pour tenir la 2e édition de Saramany international qui fait   la promotion du textile made in Africa dans  le monde occidental. La 1re édition avait eu lieu le 10 juillet 2022 à New York.  

 

Quels sont les critères qui ont prévalu à votre choix ?

 

Les critères étaient basés sur la qualité du travail et le professionnalisme et les valeurs que nous représentons. Et ces valeurs, c’est la promotion du tissu africain fait en Afrique.   C’est parce que Soro Bis est une marque sérieuse, une marque internationale basée au Etats-Unis d’Amérique. Nous avons profité de ce plateau pour tenir la 2e édition du Saramany International. C’est une organisation non gouvernementale américaine à travers laquelle nous faisons la promotion du textile fabriqué en Afrique. Nous faisons cette promotion dans le monde occidental. Je peux donc conclure  que ce n’était pas un hasard si nous y étions. Il faut disposer d’un minimum de bagages pour faire face à ce type de challenge.  Au début, personne n’y croyait, mais à la fin, tout le monde a cru.

 

Comment avez-vous nommé votre collection et pourquoi cette dénomination ?

 

Le nom de la collection, c’est Delwendé, en langue nationale mooré.  Ce qui veut dire ne s’en remettre qu’à Dieu en toute chose et en toute circonstance. De ce pas, je voulais faire  un clin d’œil à la langue d’origine de mon père et à la          culture moaga, de façon générale.  Delwendé parce que j’ai vécu beaucoup de situations difficiles. D’abord, il y a eu beaucoup de méchancetés qui ont été faites à mon égard. D’ailleurs, à quelques jours du défilé de Cannes, 2 de nos sponsors principaux qui nous avaient pourtant rassurés, nous ont lâchés. Nous n’avions pas suffisamment de fonds pour faire la collection ni même pour acheter les billets de voyage des membres de l’équipe. C’est alors que j’ai crié   à Dieu du fond de mon cœur, lui promettant de nommer cette collection à son image si les choses s’avéraient positives et qu’on se retrouvait au festival de Cannes.  Et cette prière a été exaucée. C’est pourquoi nous avons choisi ce nom Delwendé pour dire merci à Dieu. C’est aussi une façon de dire à tout le monde de toujours avoir foi en Dieu. La leçon au bout de tout ceci, c’est d’avoir foi en Dieu pour tout ce qui vous tient à cœur.  Même pour les choses les plus petites. Ne jamais se fier à l’Homme mais à Dieu.

  

Qu’est-ce qui fait votre particularité par rapport aux autres stylistes ?

 

Le fait de vivre à l’extérieur du continent ouvre l’esprit. Je collabore avec tout le monde. J’essaye de faire ce que d’autres n’ont pas fait. Je ne reprends pas ce que les gens ont fait. A travers Saramany International, Soro Bis fait la promotion du textile  africain  en Occident.

 

Quels sont vos rapports avec les stylistes africains en général et burkinabè en particulier ?

 

J’essaye d’entretenir de bonnes relations avec tout le monde. Chez certains, ça marche mais chez d’autres non. C’est humain et je comprends. On ne peut pas plaire à tout le monde. D’ailleurs, j’ai mis les noms de tous les grands stylistes burkinabè dans mon catalogue. Mon souhait est de permettre à certains stylistes d’Afrique en général et ceux du Burkina en particulier,  de venir partager leur expérience à travers les événements Saramany international.

 

Quels sont vos projets en faveur des jeunes stylistes burkinabè ?

 

J’ai des projets mais c’est mieux que je les garde secrets (Rires). Nous allons les dévoiler en temps opportun, c’est-à-dire au jour le jour. En attendant, je reste ouvert à toutes et à tous.  S’il y a de jeunes stylistes qui veulent venir vers moi pour une raison ou  pour une autre afin de comprendre ou de mieux travailler sur la mode internationale, je  reste ouvert. De toute façon, je l’ai toujours été  pour les stylistes ou pour les mannequins.

 

Quelle leçon tirez-vous de votre participation au Festival de Cannes ?

 

C’est d’abord un sentiment de fierté. Je pense que c‘est une expérience qui ouvre le chemin à la mode africaine de façon générale. Pour la première fois, la mode africaine a été associée au festival de Cannes.

 

Pourquoi le choix de la musique de Dez altino en fond sonore lors de votre défilé ?

 

Le choix a été fait en fonction du thème de la collection qui nous rappelle qu’il faut placer son espoir en Dieu et non pas en un Homme. Cette musique représentait, sur tous les plans, ce que j’ai vécu jusqu’à la réalisation de cette collection. Je ne pouvais que l’utiliser pour rendre hommage   d’abord à Dieu, à toute la culture africaine en général et à la culture burkinabè en particulier. C’était un reflet de la culture burkinabè sur le reste du monde.  

 

Comment développer la mode africaine en général et burkinabè en particulier afin de l’imposer au monde entier ?

 

 C’est très simple de développer la mode africaine en général et burkinabè en particulier. Il faudrait d’abord que les uns et les autres apprennent à travailler ensemble sans appréhension et à produire des articles de qualité (de finitions parfaites), ne pas tenir compte des désagréments qu’il peut y avoir de temps en temps. Car, c’est dans l’union et en travaillant ensemble qu’on pourra imposer la mode africaine dans le monde entier.  Que ceux qui sont devant, tendent la main aux plus petits et aux nouveaux. C’est également à ces plus petits et nouveaux de faire tout pour être originaux dans leur créativité et non pas reproduire des copies déjà établies.

 

 Votre mot de fin

 

C’est une victoire que je dédie à toute l’Afrique en général et au Burkina Faso en particulier. L’histoire retiendra que Soro Bis, à travers Saramany International et le Pavillon Afrique, a foulé le sol de Cannes pendant le Festival de Cannes pour faire la promotion de la mode africaine de façon générale et du textile africain en particulier. C’est un honneur et cela restera dans les annales. Je voudrais aussi que beaucoup comprennent qu’au festival de Cannes, il y a plusieurs pavillons qui représentent plusieurs continents ou plusieurs pays, et que notre présence a contribué à faire du pavillon Afrique, l’un des meilleurs pavillons du Festival de Cannes 2023.  Le pavillon Afriques du Festival de Cannes est à sa   4e année d’existence. Quelques jours après le défilé, la présidente de ce pavillon, à la fin de la soirée de gala, nous a confirmé que   son pavillon a eu le meilleur classement des pavillons grâce à cette grande soirée de mode que nous avons initiée.  Nous rendons grâce à Dieu pour tout et je ne saurais terminer sans remercier bien entendu le Pavillon Afriques du Festival de Cannes. Je voudrais aussi remercier Le Tout-Puissant d’avoir permis que je défile au Festival de Cannes. C’est une première dans la mesure où tout ceci a été possible à travers le Pavillon Afrique du Festival de Cannes.  La maison américaine de communication AlizéLaVie a entrepris toutes les démarches techniques. L’Ambassadrice de la Culture, Hinna Zoromé, basée à New Jersey, nous a apporté une grande partie du soutien financier nécessaire. Black Arts Los Angeles et AFAHO, Philadelphia nous ont aidés également.  Sans oublier la grande créatrice, Kitat création basée à Abidjan en Côte d’Ivoire, qui a pris part à ce grand défilé de mode. Nous voulons dire merci à toutes ces personnes et structures qui nous ont accompagnés dans cette aventure. Vive le Pavillon africain du festival de cannes.

 

Issa SIGUIRE

 

 


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