HomeA la uneSIAKA KARAMBIRI, CHEF DES DOZOS DE LA KOSSI : « Nous sommes prêts à épauler les forces régulières dans la lutte contre le terrorisme »

SIAKA KARAMBIRI, CHEF DES DOZOS DE LA KOSSI : « Nous sommes prêts à épauler les forces régulières dans la lutte contre le terrorisme »


 

Siaka Karambiri est le dozobâ, le chef de la confrérie des dozos de la Kossi qui a, sous son commandement, plus de 1000 hommes répartis dans 10 communes. Dans cet entretien, il nous confie le sens de l’appellation « Dozo », sa mission régalienne, sa vision, les valeurs séculaires et les vertus qu’incarne la confrérie. Il s’est aussi prononcé sur la politique nationale de sécurisation des personnes et des biens. Lisez plutôt !

 

 

Que signifie l’appellation dozo ?

 

Le dozo ou le doso est un terme en langue bambara constitué de : « do », ce qui entre et de « so » la concession. En d’autres termes, doso veut dire « ce qui entre dans la concession et y reste » en parlant de savoir, de savoir-être et de savoir faire.

 

Comment se porte la confrérie des chasseurs doso de la Kossi ?

 

La confrérie doso de la Kossi se porte très bien. Nous sommes pratiquement dans tous les villages des 10 communes de la Kossi. Nous vivons en parfaite harmonie avec les populations et en symbiose avec les autorités locales, religieuses, traditionnelles, administratives, militaires et paramilitaires. Et avec l’éducation que nous avons reçue de nos ancêtres, un tel rapport se renforcera davantage.

 

3-Dites-nous pourquoi cet amour du dosoya? Comment êtes-vous arrivé à la tête de la confrérie ?

 

Le dosoya, pour moi, est plus qu’un amour. C’est plutôt une éducation voire une culture de par les valeurs qu’il véhicule. D’abord mon défunt père, Salif Karambiri, fut un grand chasseur dozo de renommée internationale. Avant sa mort, il a confié à ma mère de m’initier coûte que coûte au dosoya. C’est ainsi qu’à l’âge de 10 ans, c’est-à-dire quand j’étais en classe de CE2, ma mère a respecté ce serment en me plaçant sous la tutelle de l’ami de mon père qui était aussi un grand chasseur dozo. Je suis arrivé à la tête de la confrérie des dozo de la Kossi par la confiance que mes pairs ont placée en moi. Cela ne veut pas dire que je suis plus puissant que les autres, même s’il ne faut pas ignorer que j’ai franchi des étapes d’initiation à cette culture.

 

En quoi consiste cette initiation ?

 

Cette initiation peut se dérouler sur plusieurs phases. Il y a d’abord les préliminaires où nous mettons le futur élève dozo sous observance dans le grand groupe qui peut atteindre plusieurs années. Dans ce groupe, on a les non-initiés et les initiés. C’est après cette enquête de moralité que le collège des sages dozo décidera de son intégration au rang des initiés par une remise des offrandes aux mânes des ancêtres. Une fois ces offrandes agréées par les fétiches, le postulant prend un bain rituel qui le consacre élève dozo.

 

Comment intègre-t-on la confrérie ?

 

Le postulant au dosoya, avant toute chose, doit informer sa famille de son désir d’entrer dans la confrérie des chasseurs dozo. Ensuite, il formule sa demande auprès d’un grand maître ou un doyen dozo. Il est placé alors sous la responsabilité du maître du doyen dozo à qui il doit un dévouement et une obéissance inconditionnels.

Quand le maître juge que l’élève a bien assimilé les différents enseignements théoriques et pratiques et qu’il fait montre d’un sens élevé d’intégrité et d’humilité, il le libère et l’autorise à rejoindre les siens après un bain rituel et une séance de bénédictions. Tout le monde peut l’intégrer sans discrimination.

 

Votre confrérie est-elle reconnue légalement ?

 

Oui ! La confrérie des chasseurs dozo de la Kossi est reconnue légalement. Nous avons par devers nous un récépissé, un agrément et des cartes d’adhésion que les membres détiennent avec l’intervention de l’union nationale des dozo.

 

Quel rôle jouent les chasseurs dozo de la Kossi ?

 

Dans la Kossi, la majorité des villages ont été créés par les chasseurs qui se sont installés aux abords des cours d’eau. Nous étions la sentinelle des populations contre les attaques des animaux féroces.

Nous assistons les chefs traditionnels dans leur noble mission qui est de garantir la paix et la sécurité des personnes et des biens. A titre illustratif, pendant les années 1992, jusqu’en 2000, la grande Kossi qui s’étendait jusqu’à Solenzo était reconnue pour son grand banditisme et était considérée comme la ceinture cotonnière. Nous avons contribué auprès des forces de l’ordre à anéantir ce phénomène.

En plus de cela, nous sauvegardons l’environnement et soignons des malades.

 

D’aucuns vous taxent d’être des chasseurs dozo de la ville, des fêtes ou des cérémonies. Qu’en dites-vous ?

 

C’est une aberration, mais nous vous confions que notre participation aux cérémonies par des tirs est d’ordre purement culturel. Notre participation est conditionnée par une invitation que les intéressés nous adressent. Nous ne tirons pas au hasard comme le pensent certains. Tout est planifié et ceux qui font les tirs sont choisis à l’avance.

Vous pouvez les rassurer qu’il n’y a pas de dozo de la ville, des fêtes ou des cérémonies dans la Kossi.

 

Quel rapport entretenez-vous avec les forces de défense et de sécurité de la Kossi ?

 

Nous entretenons des rapports de complémentarité et de respect mutuel envers les forces de l’ordre et de sécurité.

Nous bénéficions de leurs conseils et échangeons des informations avec elles. Nous sommes condamnés à vivre ensemble. La confrérie dozo est la plus vieille des armées et cela est un indice significatif qui justifie que nos sociétés traditionnelles étaient bien organisées.

 

Dans certains milieux, les femmes sont exclues de la confrérie des dozo, mais tel n’est pas le cas chez vous. Comment peut-on expliquer cela ?

 

L’intégration des femmes dans la confrérie n’est pas anodine. Si vous revisitez l’histoire, vous verrez qu’il y a une part de vérité. Il y a des femmes amazones et guerrières qui ont combattu auprès des hommes. Dans notre confrérie, l’insertion des femmes se limite au grand groupe des chasseurs. Il y a des étapes où elles ne sont pas impliquées.

 

Dans le cadre de la police de proximité, avez-vous été saisis par les autorités ?

 

Nous avons entendu parler de cette police de proximité, mais nous n’avons pas été conviés pour prendre part à l’instauration de cette structure. Cependant, si les autorités jugent que nous pouvons jouer notre partition, il n’y a aucune raison d’hésiter. Notre défi sécuritaire va au-delà du banditisme.

 

Le véritable défi à relever ensemble est le terrorisme et nous sommes prêts à épauler les forces régulières dans la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes. Nos grands-parents ont vaincu des animaux plus féroces que les terroristes. Tout malfaiteur sera combattu avec énergie jusqu’à son dernier retranchement. Ils ont déclaré une guerre lâche en tuant des innocents par des attaques surprises. Nous aurons le dernier mot sur eux.

 

En quoi se résume la vie ou le quotidien du dozo ?

 

La vie ou le quotidien du dozo se résume au sacerdoce, à la protection de la faune et de la flore, en particulier des plantes médicinales de la cosmogonie, de la hiérarchie, de l’art lié au monde des chasseurs, des interdits qui les frappent, tout cela représente une partie de la vie dans ces confréries purement ésotériques.

 

Le chasseur traditionnel dozo est-il écologiste ?

 

Le dozo est de nature écologiste. Le secret de la nature est l’ensemble des mesures et les mystères qui l’entourent. Quand vous observez la nature, il y a cette harmonie qui est établie. Dans ce contexte, les chasseurs dozo n’abattent pas un mâle qui est le guide du troupeau, ni une femelle en gestation ou même un animal sauvage malade ou en souffrance à cause d’une fracture de ses pattes. Il y a une cérémonie rituelle pour demander pardon à la nature pour avoir cueilli les feuilles, les écorces, les racines, tuer les animaux sauvages, etc. Si on avait respecté toutes ces valeurs traditionnelles, nous aurions évité beaucoup de maux telle que la désertification.

La politique nationale de lutte contre la désertification par le reboisement doit être basée sur la promotion des plantes de notre milieu. Il y a des espèces qu’on reboise, qui ne sont pas en rapport avec notre milieu de vie.

 

Quel est votre point de vue sur l’installation des Koglwéogo à l’Ouest du Burkina Faso ?

 

Elle est inopportune voire superflue. Nous refusons catégoriquement l’installation d’un quelconque groupe d’autodéfense à l’ouest du Burkina Faso, autres que les dozo. Vous ne verrez jamais un dozo défier les injonctions de la république pour servir les autorités et les politiques.

Les Koglwéogo ont été installés selon le milieu et le contexte. Une nécessité l’exige. Mais tel n’est pas le cas chez nous. Dans la mission du dozo, toutes les dimensions sécuritaires, culturelles ou traditionnelles et médicinales, sont intégrées.

 

Quels sont les savoirs inculqués à l’élève dozo pendant l’initiation ?

 

Le dosoya est par essence une éducation. Etre dozo signifie, respecter de façon rigoureuse les valeurs qui fondent la confrérie.

L’essence du dosoya se définit à travers trois aspects principaux.

 

Le fondement spirituel. Toute confrérie de doso a à sa tête un grand maître. C’est lui qui détient l’autel de la confrérie. C’est sur cet autel que les sacrifices sont faits pour la protection du dozo et pour une chasse fructueuse.

 

Les valeurs morales du dozo.

Dans la confrérie, l’image que donne le chasseur est très déterminante pour le succès de ses entreprises. Le dozo doit être un exemple de probité morale pour son entourage.

Le dosoya rejette les vices tels le mensonge, le vol, la jalousie, la malhonnêteté. Le dosoya est avant tout synonyme de vertu, de respect des anciens, ancêtres et des autres. Il est aussi question d’observance des codes de bonne conduite et de bonne moralité. Le doso doit avoir un sens élevé de l’honneur, de la dignité, de la loyauté et de l’humilité.

Troisièmement, il y a les savoirs sur l’art de la chasse, l’instruction des variétés végétales, c’est-à-dire l’initiation à la médecine naturelle par la connaissance des vertus pharmacologiques des plantes.

 

Qu’est-ce qui distingue le doso des autres ?

 

Un des signes distinctifs du chasseur doso est son accoutrement. Véritable tenue de camouflage, l’accoutrement du doso se compose d’un bonnet, d’une chemise, d’un pantalon aux bas étroits. Tous ces éléments sont en cotonnade teints aux couleurs de la nature avec une dominance des tons jaunes et verts. Hormis le pantalon, le bonnet et la chemise sont souvent piqués d’amulettes, de cordelettes et de miroirs.

Ce sont autant de protection contre d’éventuels ennemis et les mauvais esprits qui hantent la brousse.

L’accoutrement du doso est son armature. En plus, chose essentielle, il y a son fusil et la queue d’un animal abattu qui lui sert de façon circonstancielle de chasse-mouches.

 

Quelles sont les difficultés que vous vivez en tant que dozôba de la Kossi ?

 

Dans toute entreprise humaine, les difficultés ne manquent pas. Nous n’avons pas de moyens conséquents pour couvrir toute la province de la Kossi qui est très vaste.                                           

Nous n’avons pas de siège propre à notre nom. Nous avons pu acquérir une parcelle auprès des propriétaires terriens, mais le nœud gordien demeure la construction des locaux qui demande beaucoup de moyens. A cela, il faut signaler l’ignorance, l’analphabétisme et l’insuffisance de formation des membres.

 

Votre mot de la fin ?

 

Mon dernier mot c’est de remercier le journal « Le Pays » pour m’avoir accordé cette opportunité.

Je profite de cette occasion pour saluer toutes les autres confréries à l’Ouest du Burkina Faso. Aussi, nous supplions les autorités de faire confiance aux doso. Nous avons comme l’impression que les dozo sont considérés comme des êtres vulgaires. Nous sommes une force qu’on ne doit pas sous-estimer dans la mesure où l’expérience d’un pays voisin révèle éloquemment la contribution des doso. Nous agirons dans la légalité lorsque la république est en péril.

 

 


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